Dimanche 22 avril, 13 heures 58. Après le sommet de la côte de Sermu, point final de l’enchaînement de trois ascensions sur des portions étroites, la route devient deux fois plus large. De quoi faciliter les allées et venues dans la file des voitures, entre pauses pour besoin naturel et ravitaillements à effectuer auprès des coureurs. La longue portion plate à venir ne devrait pas agiter plus que ça le peloton.

14 heures 17. Une petite côte non répertoriée, mais annoncée au briefing ce matin, fait des dégâts. Nous doublons de plus en plus de coureurs. Un replat dans la descente qui suit laisse place au traditionnel ravitaillement. Des membres du staff Vital Concept étaient positionnés et les coureurs ont pu prendre musettes et bidons. On voit cependant quelques assistants d’autres équipes chercher la voiture de leur formation, pour donner ce qui leur reste entre les mains. Histoire d’assurer le ravitaillement pour tout le monde.

14 heures 39. Radio course annonce l’explosion de l’échappée dans la côte d’Aresches. Le peloton, deux minutes derrière, va y entrer et on imagine les frictions que cela peut amener pour se replacer sur une toute petite route qui va monter pendant trois kilomètres à 10 %. Trois hommes s’isolent à l’avant et le paquet s’apprête à se réduire.

14 heures 40. La bosse est entamée à toute vitesse par le peloton mais dès les premiers mètres une chute propulse plusieurs hommes à terre. Les voitures s’arrêtent, plusieurs mécanos en sortent roues aux mains en entendant à la radio le nom de leur équipe. Au moment où nous repartons, de plus en plus de coureurs sont doublés par le file des directeurs sportifs. Lâchés, ils sont à la peine et pour beaucoup, ils devront se débrouiller sans le peloton et sans leur voiture jusqu’à Arbois. On voit des mécanos donner un ou deux bidons à certains, histoire d’être certains que les attardés puissent rallier l’arrivée avec des provisions.

14 heures 57. « La formation Vital Concept pour le dossard 13. » Dès que la voix de Radio Course lâche cette phrase, Gilles se déporte sur le gauche de la route et entame sa remontée. Patrick Muller est redescendu en fin de peloton. Malgré la petite route raide après Bracon, Gilles double les voitures le précédant, tout en faisant attention aux lâchés. On voit Patrick en queue de groupe, mais il ne descend pas à hauteur de la voiture. Arrivé sur le sommet, le Suisse récupère des bidons donnés par des membres du staff, postés après un virage à droite. La voiture se remet alors derrière le peloton et se laisse doubler par les équipes mieux placées dans la file.

15 heures 33. On voit au loin Steven qui s’est fait lâché dans la dernière ascension du week-end. Longtemps, il est accompagné de quelques coureurs. Ils ont un groupe d’une dizaine en point de mire mais la jonction ne sera jamais faite. Dans la bosse, Patrick n’a toujours pas été en vue. Bonne nouvelle, c’est qu’il est toujours dans ce qui reste du peloton. Rémy, l’entraîneur, était sur le sommet pour donner des bidons. « Patrick est dans le peloton, mais ça a l’air de devenir difficile » lâche-t-il quand nous arrivons à sa hauteur. Pourtant, Patrick bascule avec le groupe, toujours en chasse des échappés avant les 30 derniers kilomètres, plus plats.

15 heures 51. Au cœur de la plaine arboisienne, Radio Course annonce un groupe de contre, qui part en poursuite des échappées. Pas de dossard 13 dedans, Patrick est resté dans la peloton. Quelques coups de surligneur plus tard, Gilles parvient à identifier la dizaine d’hommes. Que des costauds à l’intérieur, avec la plupart des membres du top 10 du général. Sauf le maillot jaune, piégé. Autant dire qu’il y a de grandes chances pour que ça aille au bout.

16 heures 13. Le final se passe entre les vignes, avec une petite bosse qui peut permettre aux meilleurs de faire la différence. Le groupe de contre a rejoint l’échappée mais le peloton se rapproche dangereusement. Le regroupement se produit sur le sommet. Patrick est donc plus que jamais en course pour remporter l’étape.

16 heures 18. Un homme serait tout seul dans la courte descente menant à Arbois. Il s’agit du dossard 85, Tom Wirtgen, bien parti pour l’emporter. Pas de nouvelles de Patrick, il doit toujours être à l’avant.

16 heures 20. « Victoire du dossard 85. » Wirtgen est allé au bout malgré une hésitation dans le dernier virage sur la gauche. Un regard de Gilles sur son téléphone quelques instants plus loin : « Patrick fait 5ème ! » Bonne nouvelle pour le Suisse, auteur d’un beau printemps avec une échappée sur la Flèche Wallonne et des participations à de nombreuses classiques.

16 heures 35. Le parking coureurs est juste à côté de la ligne. Nous rejoignons le camping-car où les deux rescapés de l’équipe se posent. Mais tout le monde est branché sur la télé qui retransmet les derniers kilomètres de Liège-Bastogne-Liège. Victoire de Jungels et Bardet troisième pour marquer la fin des Ardennaises.

17 heures. Départ de tout le monde, chacun de son côté, coureurs comme membres du staff. Certains doivent prendre l’avion à Lyon, d’autres la route pour se rendre à leur domicile. La fin d’un week-end jurassien exigeant, et le début d’une période de repos pour beaucoup.

Reportage réalisé par Adrien Godard