C’est une étape épouvantable à laquelle se heurtent aujourd’hui les concurrents du Giro, épuisés par deux semaines éprouvantes et sérieusement marqués par les efforts fournis ces deux derniers jours dans les Dolomites. S’il n’est pas rare de voir se succéder trois étapes de montagne, il est en revanche nettement moins commun que ces trois étapes-là s’achèvent en altitude. Or après Grossglockner vendredi et le Monte Zoncolan samedi, c’est au tour de Gardeccia Val di Fassa de recevoir aujourd’hui l’arrivée du Tour d’Italie. La quinzième étape démarre de Conegliano pour 219 kilomètres ardus cheminant par-delà de multiples difficultés : cinq cols se succéderont tout au long d’une journée que les meilleurs mettront près de sept heures et demie à accomplir. Le tout sous un ciel chargé de nuages bas et qui déversera quelques froides averses.

Les corps sont las, brisés par la difficulté de ce Giro qui ne quittera plus la montagne avant l’arrivée finale à Milan dans une semaine. Mais ceux qui ne jouent plus une place au classement général ont l’espoir aujourd’hui de mener à bien une échappée au long cours. Et même si la topographie ne s’y prête pas franchement, on voit naître une échappée de dix-huit hommes : Danilo Di Luca, Aliaksandr Kuchynski et Alberto Losada (Team Katusha), Francisco-Javier Aramendia et Mikel Nieve (Euskaltel-Euskadi), Philip Deignan et Yaroslav Popovych (RadioShack), Jan Bakelants (Omega Pharma-Lotto), Stefano Garzelli (Acqua & Sapone), Johnny Hoogerland (Vacansoleil-DCM), Luis Pasamontes (Movistar Team), Evgeni Petrov (Astana), Stefano Pirazzi (Colnago-CSF Inox), Carlos Sastre (Geox-TMC), Emanuele Sella (Androni Giocattoli), Kevin Seeldrayers (Quick Step), Johann Tschopp (BMC Racing Team) et Pieter Weening (Rabobank).

En d’autres temps, des garçons comme Di Luca, Garzelli et Sastre étaient les grands protagonistes du Giro. Ils embarquent ici dans une échappée qui représente pour eux l’occasion de sortir par la grande porte. Le peloton a saisi. Il n’est pas question de priver les dix-huit échappés de cette chance, alors il se relève volontiers pour permettre aux hommes de tête d’aborder la trilogie Giau-Fedaia-Val di Fassa avec une dizaine de minutes d’avance. Là, Stefano Garzelli se lance dans l’un des numéros qui ont marqué la fin de sa carrière. Seul en tête dans l’ascension du Passo Giau à 60 kilomètres de l’arrivée, l’ancien vainqueur du Tour d’Italie franchit les sommets en tête pour conquérir le Maillot Vert de meilleur grimpeur. Mais son raid solitaire prend fin à 6 kilomètres de l’arrivée, au pied de la dernière ascension. Epuisé, il est doublé par son poursuivant immédiat Mikel Nieve, qui se bat alors pour aller chercher la victoire d’étape. Le Basque, déjà vainqueur d’étape sur la Vuelta 2010, y parviendra en lâchant ses dernières forces dans un final pénible.

Vincenzo Nibali surprend Contador en descente avant de subir un début de défaillance.

Tandis que la course bat son plein en tête, une autre compétition se joue à l’arrière parmi ceux qui évoluent au premier plan du classement général. Et il est un fait : les héros d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui, exception faite de l’inclassable Alberto Contador (Saxo Bank-SunGard), dont la constance n’a d’égal que l’aisance. L’Espagnol paraît toujours trop facile et il semble même s’ennuyer au cœur du peloton des coureurs qu’il surclasse tous les jours. A deux reprises, le Maillot Rose va donner le sentiment de vouloir se lancer dans une chevauchée épique, attaquant sèchement vers le sommet du Giau à 58 kilomètres de l’arrivée puis testant à nouveau ses adversaires dans la montée du Passo Fedaia à 33 kilomètres du but. Mais Alberto Contador n’insiste jamais et se relève après quelques minutes de récréation devant ses rivaux éberlués.

Il en est un pourtant qui n’a pas froid aux yeux : Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale). Numéro deux du classement général après sa belle résistance hier dans le Zoncolan, le Sicilien passe à l’attaque dans la descente humide mais à pic du Giau. Alberto Contador ne prend pas tous les risques et concède délibérément du terrain à son dauphin dans cet exercice périlleux. Au bas de la descente, Vincenzo Nibali possède 25 secondes d’avance sur le groupe Maillot Rose. On est à 35 kilomètres du but et l’Italien, redoutant le revers de la médaille, préfère renoncer au pied du Fedaia. C’est qu’en dépit de ce coup de poker très inspiré, les forces viennent à manquer à Nibali. Et soudain, le voilà décramponné ! Son visage est sombre et soucieux. Ce n’est pas un coup de moins bien, c’est un début de défaillance ! Sous la pluie qui s’abat sur la course à cet instant-là, l’Italien franchit le sommet du Passo Fedaia avec 56 secondes de retard sur le groupe Contador. Et s’il va parvenir la belle prouesse de boucher le trou seul dans la descente, se présentant avec les meilleurs au pied des 6200 derniers mètres, il ne survivra pas à l’accélération d’Alberto Contador à 5,5 kilomètres du but.

Car voilà encore l’Espagnol démangé par la tentation de gagner du temps sur ses adversaires. A 5 kilomètres du sommet, le Maillot Rose s’échappe pour de bon. Et derrière lui c’est le podium qui se redessine. Vincenzo Nibali et Igor Anton (Euskaltel-Euskadi) en difficulté, ce sont Michele Scarponi (Lampre-ISD) et John Gadret (Ag2r La Mondiale) qui partent à la conquête des places de dauphin. Scarponi réalise une splendide ascension, revenant même à 6 secondes de Contador à l’arrivée, ce qui lui permet de remonter à la 2ème place du classement général. 5ème de l’étape, John Gadret poursuit également sa phénoménale ascension. Il occupe ce soir la 4ème place du général à seulement 57 secondes d’un podium sur lequel se maintient difficilement, Nibali, qui abandonne 1’43 » de plus à Contador. Anton perd plus de six minutes !

Une seconde journée de repos très attendue interviendra demain avant la reprise mardi avec le contre-la-montre en altitude Belluno-Nevegal (12,7 km).

Classement 15ème étape :

1. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) en 7h27’14 »
2. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) à 1’41 »
3. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 1’51 »
4. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 1’57 »
5. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 2’28 »
6. José Rujano (VEN, Androni Giocattoli) à 2’35 »
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 3’34 »
8. Joaquím Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
9. Roman Kreuziger (TCH, Astana) à 4’01 »
10. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 4’13 »

Classement général :

1. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) en 62h14’42 »
2. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 4’20 »
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 5’11 »
4. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 6’08 »
5. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 7’03 »
6. José Rujano (VEN, Androni Giocattoli) à 8’39 »
7. Denis Menchov (RUS, Geox-TMC) à 8’46 »
8. Roman Kreuziger (TCH, Astana) à 8’58 »
9. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 9’20 »
10. David Arroyo (ESP, Movistar Team) à 9’30 »

Classement par points :

1. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) 133 pt
2. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) 87 pt
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) 75 pt
4. José Rujano (VEN, Androni Giocattoli) 73 pt
5. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) 71 pt
6. Roberto Ferrari (ITA, Androni Giocattoli) 70 pt
7. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) 65 pt
8. Roman Kreuziger (TCH, Astana) 61 pt
9. Christophe Le Mével (FRA, Garmin-Cervélo) 59 pt
10. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 54 pt

Classement de la montagne :

1. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) 62 pt
2. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) 39 pt
3. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) 38 pt
4. Gianluca Brambilla (ITA, Colnago-CSF Inox) 27 pt
5. José Rujano (VEN, Androni Giocattoli) 26 pt
6. Emanuele Sella (ITA, Androni Giocattoli) 23 pt
7. Johnny Hoogerland (PBS, Vacansoleil-DCM) 21 pt
8. Branislau Samoilau (BLR, Movistar Team) 19 pt
9. Filippo Savini (ITA, Colnago-CSF Inox) 18 pt
10. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) 18 pt

Classement des jeunes :

1. Roman Kreuziger (TCH, Astana) en 62h23’40 »
2. Steven Kruisjwik (PBS, Rabobank) à 2’16 »
3. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 24’46 »
4. Peter Stetina (USA, Garmin-Cervélo) à 29’54 »
5. José-Cayetano Sarmiento (COL, Acqua & Sapone) à 31’08 »
6. Francesco Masciarelli (ITA, Astana) à 37’34 »
7. Marcel Wyss (SUI, Geox-TMC) à 40’39 »
8. Bart De Clercq (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 44’41 »
9. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Inox) à 45’40 »
10. Ivan Rovny (RUS, RadioShack) à 52’57 »

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 187h01’07 »
2. Movistar Team (ESP) à 3’40 »
3. Ag2r La Mondiale (FRA) à 8’30 »
4. Androni Giocattoli (ITA) à 9’57 »
5. Team Katusha (RUS) à 18’46 »
6. Geox-TMC (ESP) à 18’47 »
7. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 23’39 »
8. Lampre-ISD (ITA) à 24’59 »
9. Acqua & Sapone (ITA) à 25’35 »
10. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 38’55 »