Alors qu’il est au sommet de son art en 2009 après quatre ans de domination, Tom Boonen va brusquement tomber de son piédestal. Dès le printemps suivant, un autre roi des Flandres est consacré. Pour la première fois, le Belge trouve en Fabian Cancellara un adversaire qui lui est amplement supérieur. Le Suisse n’est pas un inconnu, mais c’est en 2010 qu’il prend une autre dimension en battant à plates coutures le champion flamand. Ce printemps 2010 peut se résumer en deux images : celle d’un Cancellara qui dépose Boonen dans le mur de Grammont aux Flandres et celle d’un champion de Belgique impuissant alors que l’Helvète a démarré sur le plat à Roubaix juste avant le secteur de Mons-en-Pévèle.

Il n’en fallait pas plus pour annoncer le leader de Quick-Step sur le déclin, à 30 ans à peine bien qu’il cumule les places d’honneur (2ème à San Remo, du GP E3, du Tour des Flandres et donc 5ème à Roubaix). Le printemps 2011 n’est pas beaucoup plus reluisant, à peine relevé par une deuxième victoire à Gand-Wevelgem. Son Paris-Roubaix cette année illustre son échec. Victime d’un incident mécanique dans la Trouée d’Arenberg, Boonen perd un temps fou. A trop vouloir se précipiter pour rejoindre le groupe de tête, le Campinois tombe à deux reprises. Deux fois de trop. Pour la première et la seule fois de sa carrière encore à ce jour, il ne rallie pas le vélodrome.

La spirale négative dans laquelle il s’est engouffré doit être stoppée au printemps 2012. Tom Boonen, âgé de 31 ans, a alors entrepris sa mue. Comme son idole Johan Museeuw avant lui, il délaisse progressivement l’exercice du sprint pour se focaliser sur les classiques. Tant mieux, cette saison 2012 marque la renaissance du champion belge, auteur d’un formidable quadruplé. GP E3, Gand-Wevelgem, Tour des Flandres : Tom Boonen a un appétit de cannibale. Et le Ronde voit disparaître son plus coriace adversaire, Fabian Cancellara, tombé au deuxième ravitaillement. Ni Filippo Pozzato ni Alessandro Ballan avec qui il se présente à Audenarde ne peuvent le priver d’un troisième sacre.

Mais c’est à Paris-Roubaix que Boonen réalise son exploit majuscule de son fabuleux printemps 2012. L’Enfer du Nord s’est forgé à grands coups de numéros de solistes. De Merckx à De Vlaeminck en passant par Moser, Ballerini, Tchmil ou Museeuw. Le Belge rejoint cette caste en passant à l’offensive, loin, très loin de l’arrivée. Tom Boonen place une première accélération dans le secteur d’Orchies, puis une autre sur l’asphalte quelques kilomètres plus loin en compagnie de Niki Terpstra. Cette fois, c’est la bonne. Le Néerlandais ne sera pas d’une grande utilité pour le Belge qui file vers son destin en solitaire dans le secteur suivant, d’Auchy-les-Orchies à 53 kilomètres du vélodrome.

Tom Boonen vole littéralement sur les pavés et porte rapidement son avantage à la demi-minute. 50 bornes plus loin, il sera porté à 1’39 » sur le vélodrome. Accueilli par les hourras de la foule, il entre pour de bon dans la légende de l’Enfer du Nord après avoir savouré son tour et demi sur la piste roubaisienne. En remportant son quatrième pavé, Tom Boonen devient l’égal de Roger De Vlaeminck à qui il conteste le titre de monsieur Paris-Roubaix. Pour la suite de sa carrière, l’Anversois ne poursuivra qu’un seul objectif : conquérir un cinquième titre et devancer le Gitan au palmarès.