La question d’un confrère qui l’interroge en salle de presse sur le moment où elle s’est su vainqueur de son deuxième Championnat de France de cyclo-cross provoque l’hilarité auprès de ses dauphines Caroline Mani et Lucie Chainel. Dimanche à Pontchâteau, il n’a fallu qu’un demi tour du circuit de Coët-Roz à Pauline Ferrand-Prévot (Rabo Liv Women Cycling Team) pour s’assurer de préserver son titre. « Je voulais faire la course à fond, répond poliment la jeune femme, comme je le fais à chaque fois que je prends le départ d’une course. En qualité de championne de France en titre, je me devais de faire la course. C’est toujours difficile de remettre son maillot en jeu. Pour autant je n’étais pas trop stressée. Je n’ai jamais relâché mon effort, même le trou fait, afin de faire une bonne course de préparation pour la suite de la saison. »

Quadruple championne de France en 2014 (cyclo-cross, contre-la-montre, route et VTT), la Rémoise de 22 ans a donc répondu présent au premier de ses défis nationaux. Presque une formalité – « ce n’est jamais facile, insiste-t-elle, certes je ne fais pas autant de grimaces que Caroline Mani mais derrière mon masque je souffre quand même » – pour celle qu’on attend désormais à l’échelle internationale.

Pauline Ferrand-Prévot peut-elle accomplir la même suite victorieuse aux Championnats du Monde des trois disciplines qu’elle conjugue à la perfection ? Sacrée championne du monde sur route à Ponferrada il y a quatre mois, c’est le titre mondial de cyclo-cross qu’elle a les capacités d’aller chercher dans vingt jours à Tabor. « Je me prépare pour être au mieux sur l’objectif du Championnat du Monde, affirme-t-elle. Mais il n’est pas question que je me mette une pression inutile pour la victoire ou un podium. Je n’ai jamais gagné de Coupe du Monde, je n’en serai pas la favorite. »

Cet hiver pourtant, PFP s’est encore rapprochée du top niveau mondial. Elle a effectué sa rentrée plus tard qu’à l’accoutumée, début décembre à Hasselt, y prenant la 2ème place avant de finir 5ème de la Coupe du Monde de Namur, 3ème de la Coupe du Monde de Zolder et 2ème du SuperPrestige de Diegem ! « Après le Championnat du Monde sur route et les nombreuses sollicitations, j’ai coupé un mois, explique la double championne de France de cross. J’en avais vraiment besoin. J’ai fait un mois sans vélo, sans entraînement, et ça m’a fait un bien fou. Deux semaines après ma reprise, j’étais déjà bien en forme. Depuis j’ai bien progressé et je prends beaucoup de plaisir, une notion importante pour moi. »

« A l’entraînement, poursuit-elle, je porte surtout mon attention sur la technique. Je sais que c’est là, plus que sur le physique, que je dois encore beaucoup progresser. Mon entraîneur Ludovic Dubau estime que j’ai encore une marge de progression d’ici au Mondial, moi je n’en sais rien. Je sens que j’ai de la force, je me sens bien, et je me dis que si déjà j’arrive à garder cette forme jusqu’au 1er février et à faire moins d’erreurs techniquement, j’aurai ma place parmi les premières. Mais en Coupe du Monde on voit que je fais encore pas mal d’erreurs par rapport à Marianne Vos, qui n’en commet pas. J’essaie de me concentrer là-dessus, de rester propre. »

Marianne Vos, précisément, sera probablement l’adversaire la plus redoutable et redoutée de Pauline Ferrand-Prévot. La septuple championne du monde de cyclo-cross, dont elle partage le maillot depuis deux ans, demeure un obstacle avant tout psychologique pour l’élève rémoise, qui reconnaît ne pas se sentir tout à fait prête à dépasser le maître. « Nous avons fait la séance photos il y a un mois, moi avec le maillot arc-en-ciel sur le dos, elle avec le maillot de l’équipe, confie-t-elle. Je me suis sentie gênée. Nous en avons beaucoup parlé avec Marianne, elle m’a encore appelé la semaine dernière pour me dire que je n’avais pas à être gênée. Nous sommes rivales, oui et non, car coéquipières avant tout. Mais c’est une émulation qui nous tire vers le haut toutes les deux. »

A ce jour l’écart qui sépare la Française de la Hollandaise est infime. « A Diegem, je pense que j’aurais pu gagner, admet Pauline Ferrand-Prévot. Mais je dois encore franchir une barrière psychologique. Au fond de moi Marianne reste mon maître et je me dis que je n’ai pas le droit de la doubler. Elle m’a beaucoup apporté, la battre me ferait bizarre, mais il faut que j’arrive à passer au-delà de ça. Et je sais que le jour où je la battrai en cyclo-cross, elle ne m’en voudra pas. » Ce jour-là n’est peut-être plus si lointain. D’ici au 1er février et le Championnat du Monde féminin à Tabor, Pauline Ferrand-Prévot se préparera au soleil espagnol jusqu’au 23 janvier avant de retrouver la Coupe du Monde à Hoogerheide le 25. Au pays de Marianne Vos.