On ne saurait tirer de conclusions trop hâtives sur la stricte base de la première étape de montagne du Giro, mais quand le premier contact d’un Grand Tour avec la montagne reste un événement amplement commenté, celui vécu aujourd’hui à Roccaraso aura de quoi alimenter les conversations. Au moins jusqu’à mardi prochain et la deuxième arrivée en altitude, à Sestola, alors que le premier exercice du genre n’a pas permis aux favoris désignés de se mettre en avant. Et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, ce qui accentue la controverse soulevée par les indications fournies au bout de la longue ascension roulante de Roccaraso (16,8 kilomètres à 4,8 %), qui intervenait au terme d’une courte étape de 157 kilomètres partie de Ponte, en Campanie. Si le premier sommet de cette édition ne présentait pas de quoi provoquer des écarts importants, il a distribué les bons et les mauvais points.

Il était sans doute un peu prématuré d’engager les grandes manœuvres sur les pentes des Abruzzes, mais on sent néanmoins un début de tension au sein du peloton et de l’équipe Astana, de loin la plus robuste. Il n’avait pas échappé à Vincenzo Nibali, son leader, que Mikel Landa (Team Sky) était apparu en retrait il y a deux jours alors que les favoris se faisaient la guéguerre dans la brève montée explosive de la Via del Fortino. Le Basque, qui a toujours un peu de mal à entamer ses Grands Tours, mais qu’on attend de pied ferme dans les Dolomites puis dans les Alpes, avait laissé s’ouvrir une brèche dans laquelle comptait bien s’engouffrer sans trop attendre Vincenzo Nibali. Mais il y avait un autre argument à un assaut du Sicilien sur les pentes abordables de Roccaraso : la présence chaque jour un peu plus dérangeante de Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) en haut du classement général. Et la crainte que le Néerlandais ne refasse le coup de la dernière Vuelta, quand il s’était longuement accroché à ce rang.

Le porteur du maillot rose a beau marteler à qui veut l’entendre qu’il n’est pas venu jouer le classement général du Giro, il est toujours là, en tête du classement général, après la première étape de montagne. Certes, à moins qu’il ait fort bien caché son jeu, celui qui répète avoir donné priorité cette saison au chrono des Jeux Olympiques, le 6 août, ne devrait pas résister plus loin que dans les Dolomites – qu’on attaquera dans neuf jours encore –, faute de préparaton spécifique en haute montagne. Mais ceux qui l’avaient observé sur la dernière Vuelta se souviendront à quel point il avait été délicat de faire lâcher sa proie au rouleur néerlandais, qui n’avait cédé le maillot de leader qu’à vingt-quatre heures du défilé madrilène. Ce qui est sûr alors que voilà Tom Dumoulin bien parti pour détrôner son compatriote Erik Breukink, huit jours en rose, c’est que sa condition va crescendo depuis le Tour de Romandie (5ème).

Vincenzo Nibali porte sa première attaque, Tom Dumoulin le contre.

Sans parler d’urgence, il y avait nécessité pour Vincenzo Nibali à faire plier le Maillot Rose. Et l’équipe Astana y aura mis toute son énergie et son sens stratégique. En mettant la pression sur le peloton dès la sortie de Castel di Sangro, au pied de la longue montée finale, avant de mandater Jakob Fuglsang – suivi par Kanstantin Siutsou (Dimension Data) – pour lancer une offensive à 15 kilomètres du sommet. C’était finement joué car Tom Dumoulin isolé ne pouvait pas défendre son maillot rose en courant plusieurs lièvres à la fois. Mais Fuglsang plafonnait et Vincenzo Nibali s’impatientait. A 3,5 kilomètres du but, le Sicilien se dressait sur les pédales, mains sur les cocottes, pour porter sa première attaque. Ses adversaires mis en file indienne réagissaient au quart de tour, et Nibali, qui n’avait pas fait la différence, allait se rendre au peloton quand il voyait débouler un contre porté par… Tom Dumoulin !

Le Maillot Rose savait que cette montée sans forts pourcentages collait à ses caractéristiques de rouleur puissant. L’accélération qu’il portait à 3 kilomètres de l’arrivée était d’ailleurs prise suffisamment au sérieux par Ilnur Zakarin (Team Katusha) et Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale) pour voir les deux outsiders se joindre au Néerlandais. Le trio rentrait sur le tandem Fuglsang-Siutsou, avec lequel il allait conclure l’étape. Au sommet, Tom Dumoulin repoussait Chaves de 7 secondes, Uran et Majka de 11 secondes, Valverde de 14 secondes et Landa et Nibali, visiblement marqués par l’effort, de 21 secondes ! La question est maintenant de savoir jusqu’où ira Tom Dumoulin, lui qui a encore moyen de mettre du temps, beaucoup de temps, de son côté dimanche dans le chrono du Chianti. De ce coup de force, seuls Fuglsang et Zakarin sortaient à peu près la tête haute en lui reprenant 3 secondes dans le sprint, plus les secondes de bonification, 6 et 4, promises respectivement au 2ème et 3ème de l’étape.

Car la 1ère place avait trouvé acquéreur une grosse minute plus tôt, défendue jusqu’au bout par Tim Wellens (Lotto-Soudal). Le Belge s’était porté en tête de course à 60 kilomètres de l’arrivée après être sorti à la poursuite de l’échappée matinale – Alessandro Bisolti (Nippo-Vini Fantini), Alexandr Kolobnev (Gazprom-Rusvelo) et Eugert Zhupa (Wilier Trestina-Southeast) – avec Laurent Didier (Trek-Segafredo) et Pim Ligthart (Lotto-Soudal). Le peloton n’avait pas prêté attention à tous ces hommes, qui se présentaient avec suffisamment d’avance au pied de l’ascension finale pour que le meilleur grimpeur d’entre eux aille chercher la victoire. Et Tim Wellens répondait à cette condition en s’isolant à 15 kilomètres de l’arrivée pour conserver 1’19 » sur ses premiers poursuivants au sommet. Et faire enfin tourner la réussite de son côté après une campagne ardennaise qui l’avait vu offensif mais pas récompensé.

Demain vendredi, les sprinteurs devraient avoir le dernier mot entre Sulmona et Foligno (211 km).

Classement 6ème étape :

1. Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) les 157 km en 4h40’05 » (33,6 km/h)
2. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 1’19 »
3. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) m.t.
4. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 1’22 »
5. Kanstantin Siutsou (BLR, Dimension Data) à 1’24 »
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
7. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 1’29 »
8. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) à 1’33 »
9. Rafal Majka (POL, Tinkoff) m.t.
10. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’36 »

Classement général :

1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) en 24h22’15 »
2. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 26 sec.
3. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 28 sec.
4. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) à 35 sec.
5. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 38 sec.
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 41 sec.
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) m.t.
8. Esteban Chaves (COL, Orica Greenedge) à 44 sec.
9. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 47 sec.
10. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) à 49 sec.

Classement par points :

1. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 106 pt
2. Arnaud Démare (FRA, FDJ) 88 pt
3. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 80 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 69 pt
5. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 58 pt
6. Elia Viviani (ITA, Team Sky) 58 pt
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 50 pt
8. Giacomo Berlato (ITA, Nippo-Vini Fantini) 44 pt
9. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek-Segafredo) 43 pt
10. Moreno Hofland (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 42 pt

Classement de la montagne :

1. Damiano Cunego (ITA, Nippo-Vini Fantini) 18 pt
2. Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) 17 pt
3. Alessandro Bisolti (ITA, Nippo-Vini Fantini) 16 pt
4. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) 8 pt
5. Alexandr Kolobnev (RUS, Gazprom-RusVelo) 8 pt
6. Nicola Boem (ITA, Bardiani-CSF) 7 pt
7. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) 6 pt
8. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani-CSF) 6 pt
9. Eugert Zhupa (ALB, Wilier Triestina-Southeast) 6 pt
10. Julen Amerzqueta (ESP, Wilier Triestina-Southeast) 6 pt

Classement des jeunes :

1. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) en 24h22’50 »
2. Davide Formolo (ITA, Cannondale) à 1’16 »
3. Carlos Verona (ESP, Etixx-Quick Step) à 1’43 »
4. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 3’14 »
5. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) à 4’26 »
6. Merhawi Kudus (ERY, Dimension Data) à 4’27 »
7. Tobias Ludvigsson (SUE, Giant-Alpecin) à 8’24 »
8. Ian Boswell (USA, Team Sky) à 10’18 »
9. Nathan Brown (USA, Cannondale) à 12’03 »
10. Stefan Küng (SUI, BMC Racing Team) à 12’43 »

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 73h08’53 »
2. Etixx-Quick Step (BEL) à 1’14 »
3. Team Sky (GBR) à 1’23 »
4. Cannondale (USA) à 1’27 »
5. Movistar Team (ESP) à 2’25 »
6. Team Katusha (RUS) à 2’36 »
7. Dimension Data (AFS) à 4’34 »
8. Bardiani-CSF (ITA) à 4’42 »
9. Tinkoff (RUS) à 4’57 »
10. Ag2r La Mondiale (FRA) à 5’40 »