La date du 26 juillet 2016 marquera-t-elle l’entrée définitive du cyclisme féminin français dans le professionnalisme ? S’il est encore trop tôt pour répondre par l’affirmative à cette question, un grand pas en avant a été réalisé aujourd’hui avec l’officialisation du rapprochement entre la meilleure équipe française, seule membre du WorldTour féminin, le Poitou-Charentes-Futuroscope 86 et l’un des acteurs majeurs du sport français, FDJ. L’entreprise publique est loin d’être une inconnue dans le monde du cyclisme, marraine de l’équipe professionnelle du même nom depuis 1997, et qui a multiplié les actions en faveur du cyclisme féminin ces derniers temps en devenant partenaire de la Course by le Tour. Les négociations menées depuis le mois de février ont donc fini par aboutir.

Avec ce partenariat, la formation managée par Stephen Delcourt s’offre une rallonge de 20 % de son budget, tout en conservant ses partenaires actuels et une occasion unique d’évoluer vers le plus haut niveau. Si le contrat signé vendredi dernier concerne les saisons 2017 et 2018, c’est une vision à long terme que défendent les dirigeants poitevins. « Pour ces deux années, l’objectif est de s’installer confortablement dans le Top 10 mondial, précise Stephen Delcourt. Nous ne serons pas professionnels à 100 % dès 2017, mais on n’en sera pas loin. Pour nous c’est le début du professionnalisme. Nous nous étions donné dix ans pour le devenir. »

Considérée comme une équipe formatrice de talents, la douzième équipe mondiale veut franchir une nouvelle étape et permettre aux talents qu’elle a formés de s’exprimer dans ses rangs. Bon nombre d’athlètes de renom sont passées dans l’effectif viennois au cours des dix dernières années, d’Audrey Cordon-Ragot à Karol-Ann Canuel, mais toutes ont volé vers d’autres cieux dès lors que leurs performances ont attiré l’attention des plus grosses structures.

L’objectif de la formation n’est pas renié pour autant dans un effectif qui comprend déjà quelques filles ayant la tête et les jambes comme Anabelle Dreville en cinquième année de médecine ou Séverine Eraud en quatrième année de STAPS. L’an prochain, six jeunes poursuivront leur double objectif scolaire et sportif. Leurs frais seront partagés entre l’équipe et la FDJ. « Nous voulons donner aux femmes l’accès au sport de haut niveau tout en poursuivant leurs études et ainsi préparer leur reconversion, précise le manager. Une fois qu’elles les ont terminées, elles pourront participer à l’ensemble des courses tout en étant rémunérées. »

Le programme leur permettra de poursuivre leur apprentissage au niveau scolaire, mais aussi au niveau sportif. Le budget supplémentaire permettra à l’équipe d’être présente sur deux fronts et de revenir sur les manches de Coupe de France qu’elle avait désertées. Elles pourront en outre participer à l’ensemble des manches du WorldTour là où Poitou-Charentes-Futuroscope 86 a dû faire l’impasse sur le Tour de Californie, la Classique de Philadelphie et l’Open de Suède cette saison.

Les changements ne seront donc pas immédiatement visibles, même si les moyens supplémentaires permettront de mettre les filles dans de meilleures conditions. « Ce sont des petits détails mais qui ont leur importance, fait savoir le directeur sportif Nicolas Marche. Le fait d’avoir un camping-car, ce qui n’est pas le cas actuellement, par exemple. Notre objectif est aussi de renforcer l’équipe à terme. » « Pour 2017, beaucoup de filles ont déjà signé, note cependant Stephen Delcourt. De plus, nous sommes surtout connus comme une équipe de formation, pas une équipe leader. Nous aurons donc du mal à attirer de gros calibres dans l’immédiat. »

Reste à connaître l’étendue de la collaboration avec l’équipe masculine. Pour l’heure, l’équipe Poitou-Charentes-Futuroscope 86 n’est pas affiliée à la formation professionnelle du WorldTour. Le partenariat a été conclu avec l’entreprise publique et non avec le groupe sportif de Marc Madiot. « Le cyclisme masculin et le cyclisme féminin sont presque deux sports différents, affirme le manager viennois. L’équipe FDJ nous accueille très chaleureusement. Les premiers échanges avec eux sont positifs et me donnent l’envie de m’investir pour les aider à progresser et de bénéficier de leurs avantages. » « Dans l’idée, c’est à terme, de structurer l’équipe comme savent le faire les équipes étrangères, reconnaît cependant Nicolas Marche. D’unir nos forces. » Le chemin est encore long pour voir le cyclisme féminin devenir l’égal du cyclisme masculin, mais les choses semblent évoluer dans le bon sens. Beaucoup de chemin a été parcouru en dix ans. Qui sait ce que peut réserver la prochaine décennie.