Jamais champion n’avait été observé d’aussi près, suivi dans ses moindres déplacements, décortiqué au moindre de ses gestes. A son entrée dans l’enceinte du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines aujourd’hui, vingt-quatre heures après avoir préservé à domicile le titre de champion du monde de keirin, François Pervis est plus que jamais entré dans une nouvelle dimension. Les doutes qui l’ont persécuté tout l’hiver ne sont plus permis. Ni pour lui, ni pour les observateurs qui en font plus que jamais le candidat numéro un à sa succession ce soir sur l’extrême discipline du kilomètre.

Il y a trois semaines, lorsqu’il avait dû admettre devant la presse qu’il n’était pas tout à fait dans le coup, le Mayennais avait pointé le kilomètre comme le titre parmi les trois en sa possession le plus « aisé » à défendre. « Par rapport à la marge que j’avais sur mon dauphin à Cali », soulignait-il. Un dauphin du nom de Joachim Eilers, de six ans son cadet, repoussé alors à 599 millièmes. Six dixièmes. « Ça me laissait une grosse marge de manœuvre, confie ce soir François Pervis. Je sais qu’il est jeune et qu’il va encore progresser tandis que moi je diminue tout doucement. Mais je comptais sur cette marge. » Elle n’aura pas été de trop. Juste avant que le recordman du monde du kilomètre ne s’installe sur sa machine, peu avant 20h00, l’Allemand venait effectivement de signer une perf, meilleur temps en 1’00″294. La marque à aller chercher pour Pervis.

Le public tout entier s’est alors soulevé pour encourager son champion à entrer dans l’Histoire. « Dès le premier coup de pédale, ça a été l’hystérie, raconte François Pervis. Ça criait mais j’ai tout fait pour rester concentré et ne pas me laisser emporter car un kilomètre c’est long. Il faut en garder pour le dernier tour, rester fluide et productif. » Aussitôt, les temps ont parlé en faveur du Français, devant Eilers à la marque des 250 mètres (-0″054), plus que jamais en tête aux 500 mètres (-0″234), encore là à l’entame du dernier tour de piste (-0″214). Le plus éprouvant. Soudain, Pervis a fléchi, coupant la ligne opposée avec une avance réduite à 82 millièmes. « J’ai bien coincé dans le dernier tour mais ça criait tellement que je n’avais plus mal aux jambes et que je ne me suis pas désuni. » Il boucle la borne en 1’00″207, conservant ses 87 millièmes d’avance sur Joachim Eilers. Le podium est complété par le Néo-Zélandais Matthew Archibald (1’00″470).

Et voilà François Pervis sacré champion du monde du kilomètre pour la troisième fois ! Un titre, le sixième en individuel, qui le porte désormais devant ses illustres aînés Florian Rousseau et Arnaud Tournant, sacrés cinq fois chacun à titre individuel. « J’avais ce record en tête. On s’entraine tous les jours pour battre des chronos, des personnes, des records. Je voulais absolument gagner ce soir. Je fais désormais mieux que ceux qui m’ont tout appris, c’est une fierté pour moi. »

Ne reste à François Pervis qu’à surfer sur cette exceptionnelle dynamique pour rééditer ce week-end le coup de Cali et conserver son titre en vitesse. « Dès demain, il faut que je fasse un beau 200 mètres lancé. J’ai confiance, même si ce sera mon troisième jour de course. Le kilomètre va me débloquer pour demain. Puis je prendrai les sprints les uns après les autres. Je n’ai pas fait de vitesse cet hiver, alors j’ai la rage ! »

Vitesse individuelle Dames. Le tournoi de vitesse a lui déjà commencé chez les filles. Et il se poursuivra demain sans Sandie Clair et Virginie Cueff, sorties dès les seizièmes de finale. Dans le dernier carré, on retrouvera finalement la Chinoise Tianshi Zhong (auteur du meilleur temps sur le 200 mètres lancé) face à l’Allemande Kristina Vogel, la Néerlandaise Elis Ligtlee étant elle opposée à l’Australienne Stephanie Morton. Chacune aura respectivement éliminé en quarts de finale ce soir, et en deux manches sèches, Shuang Guo, Anastasia Voynova, Simona Krupeckaite et Jessica Varnish.

Omnium Messieurs. Parmi les autres épreuves qui trouveront également leur dénouement demain soir, l’omnium a plutôt bien démarré pour Thomas Boudat. Le champion du monde en titre occupe le 3ème rang du classement général à mi-course, mais les deux adversaires qui le précèdent sont coriaces. L’Italien Elia Viviani s’est imposé tant sur le scratch que sur l’élimination, épreuve au terme de laquelle il n’est plus resté seul en course qu’avec Thomas Boudat, 2ème. Mais le plus costaud à ce stade de la compétition reste le Colombien Fernando Gaviria. Un mois après avoir vaincu à deux reprises Mark Cavendish sur les routes du Tour de San Luis, le Sud-Américain occupe la 1ère place provisoire de l’omnium : 3ème du scratch, 2ème de la poursuite (remportée par Glenn O’Shea), 3ème de l’élimination. Suite et fin demain soir.

Course aux points Messieurs. Deux autres titres ont été attribués ce soir. A 24 ans, le Russe Artur Ershov est devenu pour la première fois champion du monde de la course aux points. Il aura amassé 31 points, soit un de plus que l’Espagnol Eloy Teruel (30 pt) et deux de plus que l’Allemand Maximilian Beyer (29 pt). Pour son premier Championnat du Monde, le champion d’Europe Benjamin Thomas a terminé 9ème.

Poursuite individuelle Dames. En poursuite individuelle, il n’y aura pas eu photo. Largement devant au cours des qualifications (3’27″018 contre 3’29″547 pour l’Américaine Jennifer Valente), l’Australienne Rebecca Wiasak n’a fait qu’une bouchée de son adversaire en finale, bouclant les 3000 mètres avec plus de trois secondes d’avance : 3’30″305 contre 3’33″867. En petite finale, l’Australienne Amy Cure (3’32″907) obtient la médaille de bronze face à la Britannique Joanna Rowsell (3’36″330).

Les champions du monde :

• kilomètre Messieurs : François Pervis (FRA)
• course aux points Messieurs : Artur Ershov (RUS)
• poursuite individuelle Dames : Rebecca Wiasak (AUS)