A bien y réfléchir, ce Tour 2015 n’est pas le Tour de grand-monde. Il n’est pas celui des Français, si l’on se réfère à ce qu’ils avaient produit il y a un an. Il n’est ni celui des adversaires de Chris Froome (Team Sky), dont le moins malheureux Nairo Quintana (Movistar Team) accusera au pied des Alpes un retard d’un peu plus de trois minutes quand les autres semblent déjà condamnés à se battre pour la dernière marche du podium. Il n’est pas non plus celui des sprinteurs, dont les occasions d’en découdre se compteront quoi qu’il arrive, dans une semaine sur les Champs-Elysées, sur les doigts d’une seule main. Par trois fois seulement jusqu’alors les sprinteurs ont eu leur mot à dire dans cette Grande Boucle, à Zélande et Amiens (victoires de Greipel) puis à Fougères (victoire de Cavendish) il y a déjà neuf jours.
Avec une cinquantaine de kilomètres finaux sans difficulté sur les 183 qu’en comptait la quinzième étape entre Mende (Lozère) et Valence (Drôme), cette journée dominicale était pratiquement promise à des sprinteurs morts de faim… mais aussi de fatigue. Voilà qui laisse planer ce matin une certaine incertitude sur l’issue réelle de cette étape de transition marquée par de sérieux reliefs sur ses deux premiers tiers. Peu d’équipes auront les ressources pour contrôler une échappée, surtout si elle est aussi fournie que celle qui s’était formée hier en route pour Mende. Beaucoup d’équipes ont misé sur une échappée-fleuve, d’où un départ d’étape extrêmement rapide qui catapulte vingt-quatre coureurs en tête de course, représentant dix-huit des vingt-deux équipes, et éjecte aussitôt du peloton le courageux Jean-Christophe Péraud (Ag2r La Mondiale), blessé, et le Britannique Mark Cavendish (Etixx-Quick Step), hors du coup aujourd’hui.
Il manquera du monde en cas d’arrivée massive, c’est une certitude, mais le peloton insiste longtemps sur les talons des échappés, en reprenant une partie pour n’en laisser que neuf devant après 32 kilomètres : Michal Kwiatkowski et Matteo Trentin (Etixx-Quick Step), Michael Rogers et Peter Sagan (Tinkoff-Saxo), Lars-Ytting Bak (Lotto-Soudal), Simon Geschke (Giant-Alpecin), Ryder Hesjedal (Cannondale-Garmin), Thibaut Pinot (FDJ) et Adam Yates (Orica-GreenEdge). Vingt-quatre heures après sa déconvenue sur l’aérodrome de Mende, Thibaut Pinot repart de l’avant dans cette étape où on ne l’attendait pas forcément à l’attaque. Il ne lui sera néanmoins pas permis d’apporter une concrétisation à toute l’énergie dépensée, le peloton mené par le Team Katusha contenant très vite les neuf hommes de tête sur les routes archédoises.
Peter Sagan s’avance en vert vers Paris avec davantage de confort.
De l’énergie, Peter Sagan aussi en déploie au quotidien. Le Slovaque, qui défend le maillot vert mais court vainement après une victoire d’étape sur le Tour de France depuis plus de deux ans, avait déjà accompagné la bonne échappée hier. Le revoilà qui remet ça pour contester une fois encore les points du sprint intermédiaire et s’avancer avec désormais davantage de confort vers Paris, qu’il pourrait rejoindre en vert pour la quatrième fois de suite dans une semaine. Pour la victoire d’étape, autour de laquelle il continue de tourner (neuf fois dans un Top 5 depuis le départ d’Utrecht il y a deux semaines), il lui faudra toutefois également repasser, car le peloton se rapproche et, dans un sprint massif, même délesté de Mark Cavendish, le Slovaque a de moindres chances, surtout après les bornes effectuées à l’avant.
A la bascule du col de l’Escrinet (7,9 km à 5,8 %), dernier obstacle à une arrivée massive à 56,5 kilomètres de l’arrivée à Valence, le peloton n’a plus que 1’20 » à reprendre aux hommes de tête, dont il rattrape sept premiers coureurs à 40 kilomètres du but avant de revoir 10 bornes plus loin, sur les bords du Rhône, les deux derniers réfractaires à une arrivée au sprint, Ryder Hesjedal et Matteo Trentin. A 30 kilomètres du but, le verrou est posé par les équipes Katusha (pour Alexander Kristoff, encore trop réservé sur ce Tour) et Europcar (pour Bryan Coquard, qui entrevoit une chance à l’aube d’une troisième semaine qui redistribue naturellement les cartes). Resté intentionnellement discret, le plus coriace des sprinteurs, l’Allemand André Greipel, ne sollicitera ses hommes que dans les 10 derniers kilomètres.
Et il n’y a rien à redire. Sur ce Tour de France, André Greipel est définitivement le sprinteur le plus rapide. Quand Mark Cavendish se traîne dans un lointain gruppetto, les yeux déjà tournés vers le sprint des Champs, l’Allemand accélère le long des barrières pour mettre tout le monde d’accord, réglant sur la ligne son compatriote John Degenkolb (Giant-Alpecin), le Norvégien Alexander Kristoff et le Slovaque Peter Sagan, encore lui, 4ème après avoir accroché Bryan Coquard et manqué d’envoyer le Nazairien dans le décor. Ce Tour 2015, ce n’est peut-être pas le Tour de grand-monde, mais c’est au moins celui de Greipel, qui avec trois victoires est désormais le coureur le plus victorieux de cette 102ème édition. Il aura une dernière occasion de gonfler son palmarès dans une semaine à Paris quand le rideau tombera sur le Tour 2015.
Demain lundi, les attaquants auront l’avantage du terrain entre Bourg-de-Péage et Gap (201 km).
Classement 15ème étape :
1. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) les 183 km en 3h56’35 » (46,4 km/h)
2. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) m.t.
3. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
4. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) m.t.
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, MTN-Qhubeka) m.t.
6. Ramunas Navardauskas (LIT, Cannondale-Garmin) m.t.
7. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
8. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
9. Davide Cimolai (ITA, Lampre-Merida) m.t.
10. Florian Vachon (FRA, Bretagne-Séché Environnement) m.t.
Classement général :
1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 59h58’54 »
2. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 3’10 »
3. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 3’32 »
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 4’02 »
5. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) à 4’23 »
6. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 4’54 »
7. Robert Gesink (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 6’23 »
8. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 8’17 »
9. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Soudal) à 8’23 »
10. Bauke Mollema (PBS, Trek Factory Racing) à 8’53 »
Classement par points :
1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) 360 pt
2. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 316 pt
3. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) 264 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Etixx-Quick Step) 192 pt
5. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) 122 pt
6. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 112 pt
7. Chris Froome (GBR, Team Sky) 109 pt
8. Zdenek Stybar (TCH, Etixx-Quick Step) 78 pt
9. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 77 pt
10. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Soudal) 76 pt
Classement de la montagne :
1. Chris Froome (GBR, Team Sky) 61 pt
2. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) 52 pt
3. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) 41 pt
4. Richie Porte (AUS, Team Sky) 40 pt
5. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) 38 pt
6. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 32 pt
7. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) 32 pt
8. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 32 pt
9. Serge Pauwels (BEL, MTN-Qhubeka) 28 pt
10. Robert Gesink (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 28 pt
Prix de la combativité :
1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo)
Classement des jeunes :
1. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) en 60h02’04 »
2. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 7’53 »
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 10’00 »
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) à 27’47 »
5. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) à 1h02’24 »
6. Adam Yates (AUS, Orica-GreenEdge) à 1’08’50 »
7. Wildo Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 1’15’39 »
8. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) à 1h22’30 »
9. Bob Jungels (LUX, Trek Factory Racing) à 1’25’01 »
10. Louis Meintjes (AFS, MTN-Qhubeka) à 1’32’27 »
Classement par équipes :
1. Movistar Team (ESP) en 181h14’18 »
2. Team Sky (GBR) à 15’39 »
3. Tinkoff-Saxo (RUS) à 30’28 »
4. Astana (KAZ) à 36’07 »
5. BMC Racing Team (USA) à 37’42 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 46’36 »
7. Team LottoNL-Jumbo (PBS) à 50’25 »
8. MTN-Qhubeka (AFS) à 52’32 »
9. Team Europcar (FRA) à 1h02’49 »
10. IAM Cycling (SUI) à 1h13’48 »