Alexandre, vous êtes à présent manager de l’équipe Astana. Quel est le principal changement dans votre activité ?
La nouveauté, c’est que je suis maintenant en voiture, et plus à vélo. C’est néanmoins un travail difficile. Tu dois beaucoup voyager et ce n’est pas facile de rester six ou sept heures dans une voiture. Mais j’avais pris cette décision de changer de statut il y a déjà plusieurs années. Avec la médaille d’or aux Jeux Olympiques, il était décidé que je m’arrête là. Le Kazakhstan me fait confiance pour diriger cette équipe et j’espère pouvoir lui apporter ma grande expérience depuis la voiture.

Etes-vous toujours un peu coureur ?
Cette année, j’ai fait un stage avec l’équipe où j’ai roulé jusqu’à cinq heures avec les gars. Mais c’était seulement pour baisser le rythme doucement. J’ai été opéré il y a un mois pour qu’on me retire des vis. Depuis j’ai fait quatre sorties mais seulement en guise de rétablissement. Ce qui compte pour moi désormais c’est que l’équipe soit en ordre. On compte beaucoup sur Vincenzo Nibali cette année. On n’a pas encore gagné mais on attend de belles victoires.

Vous avez rejoint le poste de manager sans passer par la case directeur sportif, c’était un choix de carrière ?
Je suis directeur sportif aussi, j’ai suivi des cours à l’UCI cette année. Je ne veux pas seulement rester dans les bureaux, je veux aussi être présent sur les courses. Ce n’est pas facile de passer de coureur à manager directement, j’ai beaucoup à apprendre mais j’ai beaucoup lu et la pratique va compter. Ce n’est pas facile de changer de statut, de diriger des gars avec qui tu courais hier. Mais c’est un métier que j’aime, j’espère que l’ambiance est bonne dans l’équipe. Cette année nous serons concentrés sur le Giro avec Vincenzo Nibali et les classiques en Belgique.

Le recrutement de Vincenzo Nibali était-il votre priorité numéro une ?
Oui, aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de coureurs qui peuvent gagner le Giro, le Tour ou la Vuelta. On doit pouvoir les compter sur les doigts d’une main et Vincenzo en fait partie. On compte beaucoup sur lui, il est encore jeune, et l’équipe est concentrée autour de lui. Sa préparation se passe bien. D’ici au Giro il va disputer Tirreno-Adriatico, Milan-San Remo et effectuer un stage en montagne au mois d’avril.

Vincenzo Nibali s’était classé 3ème du Tour de France l’an passé, le fait de privilégier le Giro cette année l’écartera-t-il de la Grande Boucle ?
Son objectif prioritaire, c’est le Giro, et s’il réussit son coup en mai il ne sera normalement pas sur le Tour en juillet. On compte beaucoup sur Vincenzo sur le Tour d’Italie. Bradley Wiggins y sera aussi mais je ne pense pas qu’il sera là pour gagner. Ensuite Vincenzo se concentrera sur la Vuelta et le Championnat du Monde. Au Tour de France, l’objectif sera surtout de gagner des étapes. Et pour cela on comptera sur Jakob Fuglsang, qui progresse pas mal et qui peut être une surprise cet été.

Pour vous qui avez gagné deux fois Liège-Bastogne-Liège et une fois l’Amstel Gold Race, les classiques ardennaises seront forcément un objectif pour l’équipe Astana…
Bien sûr. Nous avons obtenu deux victoires l’année passée entre l’Amstel Gold Race pour Enrico Gasparotto et Liège-Bastogne-Liège pour Maxim Iglinsky. Nous comptons sur les classiques, et ce dès Milan-San Remo avec Vincenzo Nibali, qui y avait fait 3ème l’année dernière.

Vincenzo Nibali est un coureur de votre trempe, un attaquant, malgré tout il a trop souvent tendance à se griller et met rarement la balle au fond, allez-vous tâcher d’y remédier ?
Mon objectif est de lui apporter un peu de confiance. Il peut gagner de grandes classiques mais pour cela il faut qu’il soit plus patient et qu’il attaque au bon moment. J’avais le même souci à mes débuts jusqu’à ce que je rencontre Walter Godefroot, le manager de l’équipe Telekom. En 2000, il m’a dit que je ne devais attaquer qu’une fois mais que ça devait être la bonne. De là, j’ai appris à attaquer au moment opportun. Aujourd’hui je veux transmettre cette science de la course à Vincenzo, qu’il n’attaque plus à 50 kilomètres de l’arrivée mais une fois et pour la gagne.

Sur quels domaines est-il encore perfectible pour gagner un autre Grand Tour ?
Nous travaillons beaucoup sur le contre-la-montre, la position, l’aérodynamisme. Il progresse dans ce domaine que nous travaillons en priorité, sachant qu’il est très bien en montagne, dans les ascensions comme dans les descentes. S’il reste en bonne forme, tous les paramètres seront réunis pour qu’il gagne le Giro cette année. Ensuite, on ne peut pas gagner tout seul, il faut une bonne équipe autour de soi et je pense que toute l’équipe se prépare bien et est déjà concentrée pour cela.

Sur qui comptez-vous pour le soutenir ?
Nous comptons beaucoup sur Janez Brajkovic. A ses côtés nous retrouverons aussi des coureurs comme Andrey Zeits ou Fredrik Kessiakoff. Nous aurons une bonne équipe. Pour l’heure elle n’est pas définie. Nous comptons une douzaine de candidats.

L’autre champion olympique sur route 2012, Bradley Wiggins, a affirmé vouloir performer au Giro. Comment jugez-vous sa forme actuelle ?
S’il a annoncé cet objectif, c’est son choix, je n’ai pas à le commenter. Nous n’annonçons rien de précis mais nous travaillons. Je sais que Bradley Wiggins a un énorme potentiel. Il a fait une saison exceptionnelle l’an dernier mais je ne crois pas qu’il puisse réaliser la même cette année. Je ne crois pas qu’il laissera le leadership aussi facilement à Chris Froome pour le Tour. A mon sens il disputera davantage le Giro en guise de préparation. Mais nous verrons bien. Nous nous préparons de notre côté sans regarder ce que font les autres. La route fera la décision.

Propos recueillis à Loriol le 22 février 2013.