Jean-Charles, quand l’idée d’un passage en 2ème division de l’équipe Roubaix Lille Métropole a-t-elle commencé à germer dans votre esprit ?
Nous sommes toujours en projet sur Roubaix. Comme l’a signalé le maire de Roubaix lors de la présentation de l’équipe, Paris-Roubaix est une marque qui doit nous aider dans le cadre de la promotion de cette équipe. L’idée m’est donc venue, d’une part parce que nous avons le support, les moyens, d’autre part parce que je me rends compte qu’au fil des années nous progressons dans chaque compartiment, en ce qui concerne la gestion d’une équipe professionnelle. Aujourd’hui, je pense que nous avons tous les éléments en main, les compétences, l’expérience, le savoir-faire, pour aller au niveau au-dessus. Il n’y a pas grand-chose qui nous différencie d’une Continentale Pro, si ce n’est que nous ne sommes pas invités sur certaines courses du WorldTour. Mais nous participons notamment aux Coupes de France avec elles et bien d’autres courses encore. Nous possédons aujourd’hui un vrai potentiel avec des jeunes et des moins jeunes. Mais tous ont envie d’aller dans le même sens. Tous ont envie de gagner, de mettre en avant les couleurs de Roubaix. Ce sentiment, je l’ai perçu lors des premiers regroupements, et plus encore lors du stage de l’équipe à Calpe. Cela m’a permis d’échanger, de travailler avec eux et de convenir d’un certain nombre de choses pour que nous puissions tous ensemble réaliser une très bonne saison qui, je l’espère, nous portera au niveau supérieur.

À quel stade ce projet est-il avancé ?
Nous avons bien commencé à travailler là-dessus. Il faudra avoir bouclé le projet pour fin juin. Il y a vraiment un travail de fond qui est en train de se préparer. Nous avons des réunions régulières pour trouver les subsides. Je ne peux bien sûr rien dévoiler pour le moment puisque les gens ne disposent pas encore forcément de l’information, mais il y a des entreprises qui cherchent et qui ont envie de tenter quelque chose. Le vélo reste sans doute le meilleur moyen en matière de marketing, d’image et de notoriété pour une marque.

Êtes-vous optimiste quant à la réussite de ce projet ?
Oui, je suis optimiste, mais pas de manière démesurée. Je suis conscient de la difficulté avec le groupe avec lequel je travaille. Il va nous falloir travailler et communiquer beaucoup. Nous avons un gros travail à faire dans les trois mois à venir. Les décisions viendront à ce moment-là, vers mi-avril. Nous aurons alors fait beaucoup d’épreuves, je l’espère. J’ai demandé à l’équipe de démontrer sa valeur, sa force et sa puissance pour effectivement accrocher les gens qui pourraient encore douter de l’équipe à l’heure qu’il est. Car si elle est connue du milieu cycliste en général, c’est à nous de la faire connaître davantage au niveau du grand public et des entreprises en particulier.

L’un des gros obstacles est de nature financière puisqu’il vous manque trois millions d’euros…
Oui, nous passerons d’un million à quatre ! Je ne suis pas en mesure de vous dire que j’irai chercher un million ici et un autre là. Quoi qu’elle en dise aujourd’hui, un million pour une collectivité, ce n’est rien ! Aujourd’hui, le tout est de savoir si une collectivité veut s’engager dans un projet de développement de son image à travers l’Europe. Si l’on cherche des soutiens financiers, il faut savoir quelles sont leur stratégie et leur politique à venir et essayer de faire en sorte que ça puisse correspondre. Que l’on ait ensemble à construire un projet qui nous emmènera vers des résultats et une satisfaction en ce qui les concerne.

L’autre gros obstacle, c’est la réforme du WorldTour prévue pour 2017 qui devrait limiter le nombre d’équipes de 2ème division à huit ?
Aujourd’hui, on ne sait rien de cette réforme de la réglementation UCI. On est dans le néant le plus total. Ils vont devoir se raviser et il y aura beaucoup plus de courses. Ce sera à nous d’être engagés sur les bons endroits. Il est plus facile pour une équipe Continentale Pro d’être engagée sur Paris-Roubaix. L’essentiel est d’avoir une bonne équipe. Si on a une bonne équipe, on est invités où l’on veut. Prenez l’exemple de Cofidis. Avec l’arrivée de Nacer Bouhanni, ils sont invités sur certaines épreuves où ils n’étaient pas ces dernières années. Il faut faire les bons investissements où il faut. Si la réforme est appliquée par rapport à ce que j’en sais actuellement, c’est vrai que les Continentales seront d’autant plus pénalisées. Elles auront moins de possibilités sur certaines épreuves si les pelotons sont réduits. Ce sont elles qui passent à la trappe.

À vous entendre, on en oublierait presque que l’équipe luttait encore pour sa survie il y a deux ans encore…
On devait passer un cap à l’époque. On a travaillé pendant des années, tranquillement et sereinement, sans vouloir faire de chichis. Pour la plupart des gens, nous étions une équipe sympathique. Nous avions le budget pour fonctionner et puis, en 2012, nous avons effectivement dû revoir nos ambitions. On devait alors trouver 80 000 euros. Je les ai finalement trouvés et nous fonctionnons depuis sur ces apports supplémentaires. J’ai beaucoup communiqué sur les plateaux de télé, dans les radios et dans tous les médias. On s’est fait entendre. Les gens ont compris la situation dans laquelle on était. Ils ont pris conscience que nous étions la seule équipe professionnelle régionale et qu’ils ne pouvaient pas la laisser mourir.

Voir votre équipe, porte-parole du cyclisme nordiste, être invitée sur Paris-Roubaix est-il un rêve ?
C’est un rêve pour tout le monde, si l’on peut parler de rêve. Je pense que c’est avant tout l’aboutissement d’un travail qui s’inscrit dans la durée et un travail au quotidien. Personnellement, je n’ai pas d’ambitions, je vois ça par rapport à la population roubaisienne, par rapport au département, par rapport à la région, par rapport aux sponsors privés. Bref, par rapport à tous ceux qui nous aident depuis longtemps. Ma satisfaction serait un jour de leur apporter cela. Nous avons tous envie de toucher le Graal.

Vous êtes depuis l’an dernier beaucoup plus tourné vers la Belgique et cette année encore, quatre de vos coureurs viendront de l’autre côté de la frontière. La solution n’est-elle pas aussi de ce côté ?
Entendons-nous bien. Nous ne sommes pas regardants de ce point de vue là. Si demain, j’ai un sponsor belge, néerlandais ou anglais, je prends ! Notre souci est de nous élargir. Nous faisons partie de l’Eurométropole. Il faut montrer qu’elle existe. Notre intérêt est aussi de courir en Belgique sur de belles épreuves. C’est un tout. Avec ces coureurs, nous communiquons beaucoup en Belgique. Nous avons des coureurs qui ont une autre mentalité. Ils s’investissent beaucoup dans ce qu’ils font. Ils ont l’envie de gagner et on sent que ce sont des vrais Flahutes ! Cet apport dans notre équipe franco-française nous fait du bien. Il montre que seul le travail paye. Et puis quand on gagne une grande course en Belgique, comme nous l’avons fait avec Maxime Vantomme au Samyn, on attire. Les télévisions belges se sont déplacées pour les filmer. Les médias vont les suivre cette saison. Un coureur comme Baptiste Planckaert va marcher c’est sûr. Si on arrive à chercher quelques belles performances en début de saison, on va parler de nous !

Propos recueillis à Lomme le 26 janvier 2015.