Mark, vous gagnez le premier sprint massif du Tour 2012. Pourtant les choses sont différentes cette année, en l’absence d’un train pour vous emmener ?
Je n’ai pas d’équipe entièrement dédiée à mon service pour rouler durant les étapes et m’emmener le sprint, en effet. Je savais que ce serait plus dur. Chez Sky, nous avons l’objectif de remporter le Tour, mais je suis aussi très heureux d’appartenir à une équipe comme celle-ci qui vise la victoire finale. Les sprints sont plus difficiles car je n’ai pas une équipe entière à mon service. Finalement ça m’enlève de la pression. Gagner comme ça me rend super heureux. Ça restait un objectif de venir ici pour gagner. Le Tour, c’est la course la plus importante, il me procure une motivation supplémentaire.

Vous pouvez néanmoins compter sur deux coureurs, Edvald Boasson-Hagen et Bernhard Eisel, que vous avez renvoyés à l’approche du sprint. Pourquoi ?
Ici, on est sur le Tour, et dans un sprint comme ça, deux coureurs autour de soi ce n’est de toute façon par suffisant. Il faut avoir toute l’équipe autour de soi si on veut vraiment être lancé. Edvald Boasson-Hagen avait déjà fait le boulot en me repositionnant devant, je ne voulais pas faire travailler deux coureurs pour les épuiser. J’ai pensé qu’il valait mieux faire ça seul aujourd’hui. Dans un sprint, il faut prendre une décision immédiatement, et c’est seul qu’on la prend : où se positionner, quand fournir son effort. Cette fois, j’ai préféré trouver mon chemin tout seul.

Courir comme ça semble vous débarrasser d’un poids…
J’ai beau être champion du monde, l’équipe se consacre à Bradley Wiggins cette année. J’ai déjà obtenu beaucoup de victoires, je dois courir dans une autre configuration et saisir ma chance quand je le peux. L’équipe n’est pas entièrement à mon service mais d’un autre côté, oui, je suis détendu. Ça m’enlève du stress. Avant, j’avais une responsabilité, beaucoup de pression, tandis que maintenant j’y vais de manière plus détendue. Si je gagne tant mieux, sinon tant pis. J’ai juste à cœur de montrer que j’ai les capacités d’un champion du monde pour honorer ce maillot arc-en-ciel.

Vous sembliez coincé à 500 mètres de l’arrivée, comment vous êtes-vous retrouvé dans la roue d’Andre Greipel à l’instant T ?
Sous la flamme rouge, j’étais dans la roue d’Oscar Freire, qui a l’habitude de remonter à la dernière minute. Je savais que c’était une roue à prendre. Devant nous, sur la droite, il y avait Daryl Impey et Matthew Goss. Goss n’a pas pu suivre le mouvement, je me suis faufilé entre les deux. Puis j’ai vu Greg Henderson, j’ai saisi sa roue, je l’ai suivi, et il m’a ramené dans celle de Greipel. Quand le sprint est parti, j’ai pensé que ça allait être juste mais je l’ai vraiment sauté. Ça a été chaud !

C’est votre vingt-et-unième victoire sur le Tour de France mais la première avec le maillot arc-en-ciel, qu’est-ce que ça change ?
Gagner sur le Tour, c’est toujours spécial, mais s’imposer avec le maillot arc-en-ciel, ce n’est pas seulement extraordinaire sur le Tour de France, ça l’est dans toutes les courses que j’ai remportées avec. Depuis le début, ça a toujours été très important pour moi de le montrer, de faire honneur à ce maillot. J’y tiens, où que ce soit. J’ai remporté en juin le premier classement général de ma carrière au Ster ZLM Toer, j’ai gagné au Giro, maintenant au Tour, c’est très spécial. Quand je baisse les yeux, que je vois les couleurs de l’arc-en-ciel, ça me fait quelque chose de très particulier. Tant de grands champions ont porté ce maillot avant moi que je veux vraiment lui faire honneur.

Un autre maillot auquel vous aimez faire honneur, c’est le maillot vert du classement par points. Constituera-t-il un objectif cette année encore ?
Oui, je vais essayer, d’abord en marquant des points aux sprints intermédiaires. Je n’ai pas très bien commencé cette bataille mais il y aura bien d’autres occasions. J’ai encore des chances de marquer des points et je vais faire de mon mieux. Ici, c’est le Tour de France, ça compte plus que tout dans une saison. Autant que les Jeux Olympiques. Pas moins en tout cas.

Propos recueillis à Tournai le 2 juillet 2012.