Sandra, vous êtes agent sportif en cyclisme, quel a été votre parcours jusqu’à l’obtention récente de votre licence ?
J’ai 36 ans et suis originaire de Rhône-Alpes. Je suis juriste de formation (titulaire d’une maîtrise de Droit Public), spécialisée dans le secteur sportif et des loisirs (DESS « Economie du sport et des loisirs »). Etant passionnée de sport, je recherchais une formation qui puisse me permettre de lier l’aspect juridique et l’aspect sportif. J’ai ainsi eu un parcours professionnel assez polyvalent ces dix dernières années à travers ces deux domaines. Il y a deux ans, j’ai commencé à pratiquer le VTT, ça m’a beaucoup plu, et étant du Rhône-Alpes, j’ai toujours été amenée à suivre le cyclisme à travers des épreuves comme le Dauphiné et les étapes du Tour de France. Quand j’ai découvert l’appel à candidatures pour devenir agent sportif en cyclisme sur le site de la Fédération Française de Cyclisme, en fin d’année dernière, je me suis lancée.

Comment se passe le concours ?
Il se déroule en deux temps. Une épreuve générale comprenant des questions de droit portant sur une douzaine de disciplines juridiques. Elle est désormais commune à toutes les disciplines sportives, que l’on veuille être agent en cyclisme, en football, en basket… Il s’agit de la même épreuve pour tous. Là, il faut obtenir la moyenne pour être autorisé à passer l’épreuve spécifique à sa discipline, constituée de tous les règlements de la fédé et de l’UCI, du Code Mondial Antidopage, etc.

Quelles sont les missions d’un agent sportif ?
La mission principale, c’est de mettre en rapport des parties intéressées pour conclure un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive. C’est un rôle d’intermédiaire. Après, selon les agents et le souhait des coureurs, d’autres missions peuvent venir se greffer. Ça peut être du conseil au quotidien, la gestion de l’image, la gestion du patrimoine, l’aide à la reconversion… Ça peut aller loin, tout dépend de la relation entre l’agent et le coureur.

Qu’est-ce qui vous attire le plus dans cette activité ?
Le droit, la négociation et la relation avec les coureurs. J’avais envie de trouver une activité juridique, centrée sur les contrats, et qui me permette de jouer ce rôle d’intermédiaire entre les coureurs et les équipes, et inversement. L’aspect technique et l’aspect conseil m’attirent.

Concrètement, comment se passent les premiers contacts avec un coureur ?
Tout part d’un contrat de mandat. Un coureur va nous mandater pour trouver une équipe et/ou des sponsors. Avant d’être mandatée par eux, je leur fais parvenir un questionnaire pour mieux appréhender leur personnalité, identifier leurs attentes… Ce contrat va cadrer la relation entre l’agent et le coureur. Me concernant, les coureurs avec lesquels je travaille (NDLR : Mickaël Bourgain, Sandie Clair, Clara Sanchez) s’inscrivent dans une relation élargie. On va de la négociation des contrats au suivi au quotidien : gestion avec la presse, gestion de carrière…

Est-ce à dire que vous intervenez aussi sur leur après-carrière sportive ?
Tout à fait. Certains coureurs arrivent sur la fin de leur carrière et s’interrogent déjà sur ce qu’ils veulent faire par la suite. Or ils ne connaissent que le vélo, ayant exercé ce métier depuis très jeunes, si bien que le monde extérieur leur fait peur, d’une certaine manière. Mon rôle est de les aider.

Quelles relations entretenez-vous avec les coureurs dont vous êtes l’agent ?
C’est d’abord professionnel mais ça tend à devenir amical au fil des échanges. Je vais les retrouver aux Championnats de France sur piste de Bordeaux ce week-end. Ça permettra de se rencontrer au-delà du téléphone. L’entraîneur Benoît Vêtu, que j’avais rencontré au préalable, a aussi beaucoup joué dans la mise en relation.

Les pistards que vous avez démarchés ont-ils été tout de suite réceptifs à vos sollicitations ?
Très vite, oui. Ils ne savaient pas bien en quoi consistait la profession d’agent, n’en ayant jamais vu au bord des pistes, et ont été demandeurs d’informations. Ils ont été assez vite séduits. Les pistards sont souvent livrés à eux-mêmes, très individuels. Il y avait donc une attente. La mentalité est toute différente en VTT par exemple. Là, les teams sont proches des pilotes et possèdent leurs propres sponsors.

Les coureurs imposent-ils leurs exigences ?
Toute démarche qu’un agent va entamer doit être cohérente par rapport à ce que le coureur va nous demander. On peut ainsi avoir des exigences positives comme négatives. Un coureur peut souhaiter travailler avec tel ou tel sponsor ou à l’inverse ne pas désirer travailler avec telle ou telle marque. A nous d’accepter leur choix pour rester dans le cadre qu’ils définissent.

Dans tous les cas, qui a le dernier mot dans une négociation : le coureur, l’agent ou le sponsor ?
Certainement pas l’agent, qui a vraiment un rôle d’intermédiaire et de conseiller. Je dirais que c’est surtout le sponsor qui est le décisionnaire. Ses exigences sont assez fortes, les coureurs pas forcément prêts à les suivre, et le sponsoring en matière de sport n’est plus ce qu’il était. En cela, la phase de négociation est importante. De la qualité des négociations en amont dépendra la qualité du contrat.

Comment un agent sportif est-il rémunéré ?
Le commissionnement est réglementé. L’agent ne peut pas demander plus de 10 % des sommes brutes perçues au total par un coureur et par contrat. Les sommes en jeu sont moindres dans le cyclisme, par rapport au foot. Ça tourne d’ailleurs autour de 7 à 9 % en cyclisme. On s’adapte là aussi au coureur. Personnellement, bien avant le commissionnement, mon objectif est surtout d’être utile au coureur.

Vous gérez actuellement trois coureurs, tous pistards, combien vous verriez-vous en gérer au maximum ?
Je pense que si j’avais une quinzaine de coureurs, toutes disciplines et tous âges confondus, ce serait déjà un grand maximum. Il faut pouvoir garder une relation privilégiée avec eux et être en phase avec leurs attentes. Je privilégie une démarche qualitative au travail quantitatif.

En France, on compte une dizaine d’agents sportifs en cyclisme, deux femmes seulement, n’est-ce pas difficile de faire sa place en tant qu’agent dans un milieu essentiellement masculin ?
C’est ce que je me suis dit au départ. Mais je suis habituée à travailler dans des milieux masculins et l’arrivée d’une femme dans le vélo est finalement très bien perçue. Pour un coureur, ça a un côté rassurant. Ça offre une relation moins dure qu’avec un homme. Une femme peut se montrer plus compréhensive, voir des choses qu’un homme ne verrait pas. Je ne m’attendais pas à un tel accueil, même si je suis facile d’accès.

Aujourd’hui, un athlète peut-il se passer des conseils d’un agent sportif ?
De moins en moins. Les contrats ne sont pas toujours sécurisés, volontairement ou non. La présence de certaines clauses dans les contrats fait parfois que l’on se retrouve avec des situations compliquées, des coureurs qui ignorent comment se dégager d’un contrat, qui ne pensent pas forcément à demander conseil. Les agents sportifs titulaires d’une licence sont contrôlés par la fédé, à qui nous transmettons tous les contrats signés, et c’est aussi une garantie pour les coureurs ou les équipes qui s’engagent avec nous.

Propos recueillis à Saint-Herblain le 5 juin 2012.