Stéphane, comment se présente l’année 2012 ?
Très bien. Nous avons vécu un hiver serein, sans ennui de santé ni blessure majeure. Tout va très bien pour tout le monde, c’est plutôt de bon augure. La loi de la compétition telle que je la vois, c’est qu’on a toujours envie de faire mieux. Nous sommes tous très motivés mais aussi tributaires de beaucoup de mouvements. C’est aussi ce qui fait la magie du sport. Ce n’est pas parce que tout va bien que tout se passe bien, et inversement. En ce qui nous concerne, nous avons tout fait pour être le plus performant possible.

L’effectif est relativement stable, avec seulement quatre recrues, c’était une volonté ?
Oui, nous n’avons pas bouleversé l’existant. David Le Lay est quelqu’un avec qui j’avais envie de travailler depuis très longtemps. Il a de grosses capacités et j’ai été frustré de le voir s’exprimer dans le registre dans lequel il était chez Ag2r La Mondiale. C’était son choix, aujourd’hui il va retrouver plus de liberté et j’espère le voir retrouver le niveau qu’il avait chez Agritubel. Maxime Médérel est un grimpeur qui va remplir le rôle d’équipier en montagne pour Jérôme Coppel, sachant qu’il peut jouer sa carte de temps en temps pour soulager Jérôme. Quant à Etienne Tortelier, c’est un élément issu de notre formation.

Qu’en est-il de Brice Feillu ?
On est tous restés sur notre faim après sa victoire d’étape dans le Tour 2009 à Arcalis. Il a fait deux années profitables à l’étranger, sur le plan humain, sur le plan collectif et sur l’expérience personnelle. Il est maintenant grand temps qu’il retrouve le chemin de la performance, je pense que le groupe le lui permettra.

Avez-vous effectué le recrutement que vous souhaitiez ?
J’en suis ravi, même si on aurait bien aimé enrôler un coureur comme Sylvain Chavanel. Ça aurait changé complètement la physionomie et les objectifs de l’équipe. Ce sont des choix stratégiques, des choix financiers également. Sylvain était à deux doigts de venir avec nous, ça a bien accroché entre lui et moi, mais ça n’a pu se faire. Ce ne sont pas des regrets mais la loi de l’offre et de la demande. Il ne faut pas non plus grandir trop vite mais accompagner au mieux l’évolution de l’équipe.

A défaut de chasseur de classiques, c’est donc vers les courses par étapes et le Tour de France que sont orientés vos objectifs ?
Notre équipe est plus complète pour les courses par étapes, et c’est notre choix. Nous sommes bien vus et bien reçus en Espagne, où nous avons affaire à beaucoup de courses qui correspondent à notre physionomie. Nous avons d’autres objectifs à côté, comme Paris-Roubaix, et bien entendu le Tour de France en toile de fond. Nous attendons le sésame mais pour l’instant nous nous concentrons sur le début de saison, une bonne réussite à Paris-Nice. C’est ce qui lancera l’équipe sur de bons rails.

Avez-vous davantage de garanties que l’an passé de participer au Tour de France ?
Je ne me pose pas ces questions. On a fait un Tour 2011 à la hauteur de ce qu’on devait faire. Nous étions tout neufs, avec peu de coureurs ayant l’expérience d’un Grand Tour. Nos neuf coureurs sont allés à Paris, non sans souffrance. L’objectif initial était une place de Jérôme Coppel dans le Top 15, il a fait 14ème. Anthony Delaplace, qui était le benjamin du Tour, a marqué les esprits. L’équipe s’est comportée admirablement.

Vous attendez beaucoup de Jérôme Coppel, clairement désigné leader du groupe ?
On n’a pas besoin d’attendre beaucoup de lui parce que c’est quelqu’un d’extrêmement perfectionniste, méticuleux, exigeant avec lui-même et avec nous, et ça ne me dérange pas car on fonctionne comme ça. L’idée est de le conduire sur le Tour dans les meilleures dispositions. Dans quelques années, je pense que ce sera véritablement sa course, celle sur laquelle il sera en mesure de jouer les premiers rôles. Nous maintenons la pression sur Jérôme, nous formons un leader. Après, il évoluera peut-être ailleurs un jour, mais nous aurons contribué à son épanouissement. En plus, ça fait progresser tout le monde.

Le départ de Jimmy Casper chez Ag2r La Mondiale ouvre-t-il des opportunités à d’autres coureurs dans l’équipe ?
Oui, forcément. Jimmy monopolisait beaucoup d’attentions autour de lui parce que c’était le sprinteur de l’équipe. Maintenant c’est un choix stratégique. Il était beaucoup moins performant et il a besoin de ce genre de remises en question. C’était la meilleure issue dans son propre intérêt. Chez nous, il se serait assis sur ses acquis et je ne voyais pas les choses comme ça. Je ne voulais pas que nos relations se tendent à cause de ça, je suis donc ravi pour lui qu’il se retrouve dans un autre challenge. Je serai le premier heureux quand il va lever les bras, ce que je suis sûr qu’il fera ailleurs que chez nous.

Qui en tirera donc profit chez Saur-Sojasun ?
Beaucoup vont pouvoir s’affirmer, comme Stéphane Poulhiès ou Cyril Lemoine, qui savent gagner aussi. Un coureur comme Jimmy Casper demandait forcément une mise en place autour et un sacrifice des uns et des autres. Désormais il va nous falloir tourner un peu plus notre stratégie sur l’offensive qu’elle ne l’était quand nous avions une cartouche pour l’arrivée.

Vous n’étiez pas opposé à recruter à l’étranger mais encore une fois l’effectif de Saur-Sojasun sera 100 % français ?
Nous avons sollicité des coureurs étrangers qui n’ont pas mordu à l’hameçon ou qui n’étaient simplement pas dans nos moyens. Ça reste un vrai problème de recruter pour une équipe française, par rapport aux équipes anglo-saxonnes. Le pouvoir d’achat n’a rien à voir.

En quoi l’équipe est-elle plus forte cette année que l’an passé ?
Elle est plus forte parce que tout le monde a pris une année de plus avec une vraie saison derrière et un Grand Tour pour une majorité. Ce sont des choses qui pèsent. On aborde le haut niveau avec plus de sérénité, moins de complexes. On sait que sur Paris-Nice, on va être un peu plus percutants qu’on a pu l’être il y a deux ans. Nous avons des repères, une connaissance du haut niveau, c’est essentiel.

L’équipe Saur-Sojasun, lancée avec Besson Chaussures en 2009, entame sa quatrième année d’existence. L’avenir passera-t-il par le WorldTour ?
Oui. C’est quelque chose que nous sommes en train de construire posément. Je vais prendre beaucoup de recul cette année par rapport à la direction de course. Je ne serai plus dans la voiture car je ne peux plus cumuler autant de choses. Je vais me concentrer sur la pérennité du groupe et tâcher surtout de le faire évoluer. C’est bien engagé, ça demande du temps, mais j’ai préféré poser les choses comme il le fallait fin 2011 pour aborder l’avenir le plus sereinement possible.

Vous êtes-vous fixé une échéance ?
Aucune. Disons le plus vite possible mais pas n’importe comment. Cette saison, j’attends beaucoup de victoires. C’est ce qui compte pour un coureur et pour une équipe. C’est une spirale collective, comme on l’a vu en 2011 avec Europcar et la FDJ, qui ont permis une embellie. Je nous souhaite la même chose. Nous mettons tout en place pour réussir, que ce soit l’entraînement, les moyens logistiques, matériels, diététiques… Après, ce sont les coureurs qui pédalent.

Etes-vous confiant quant à vos chances d’intégrer un jour la 1ère division ?
Le WorldTour, ce sont de gros moyens financiers, point. La logique de recrutement se fait avec les moyens dont on dispose. En ce qui nous concerne, la conjoncture économique, la volonté de nos partenaires n’a pas été de vouloir ou pouvoir mettre plus d’argent cette année. Nous sommes en train de construire un vrai grand projet. Je ne suis pas quelqu’un qui m’enflamme sur du court terme. Je préfère construire durablement. Aller au WorldTour juste pour dire qu’on y est, ça ne me séduit pas. L’important est de grandir avec un groupe que je n’ai pas voulu trop dénaturer par rapport à sa base. Je n’ai pas envie de recruter des coureurs pour leurs points UCI, ça m’agace. Les choses se feront. Je suis un laborieux, je travaille, et je suis relativement serein par rapport à ces perspectives.

Propos recueillis à Châteaubourg le 20 janvier 2012.