Thomas, vous avez décidé de raccrocher à l’issue du Tour de France 2017. Que vous inspire le chemin qui vous conduira au bout de votre carrière ?
Il y aura peu de temps mort. Peut-être sera-t-il moins concentré en termes de temps forts mais on ne devrait pas s’ennuyer. Les massifs intermédiaires seront tous visités et on sait que je les affectionne. J’y ai toujours pris énormément de plaisir. On peut citer par exemple l’étape de Saint-Flour, quand j’avais pris le maillot jaune en 2011 ou encore quand je l’ai conservé avec toute mon équipe en 2004. Ce sont des routes sur lesquelles, même si chacun fait des reconnaissances, on a toujours des surprises. Tant qu’on n’a pas fait la course sur le terrain, on ne sait jamais comment ça va se dérouler. Regardez l’étape d’Oyonnax que remporte Tony Gallopin en 2014, personne n’en aurait imaginé le scénario.

Quelles catégories de coureurs seront favorisées par ce parcours ?
A l’image de ces dernières années, ceux qui seront moins avantagés seront les rouleurs qui grimpent extrêmement bien, style Bradley Wiggins. Il n’y a pas énormément de contre-la-montre en termes de kilométrage. Plus que des coureurs avantagés, ce parcours pénalise une certaine catégorie. Un Miguel Indurain qui courrait aujourd’hui serait moins à la fête que dans ses années où il y avait deux chronos de 60 kilomètres.

Vous imposerez-vous justement d’aller reconnaître certaines étapes ?
Cette année, les reconnaissances avec l’équipe étaient plutôt orientées autour de Bryan Coquard, puisque chez nous le sprint est le domaine primordial depuis que nous avons articulé l’équipe autour de Bryan. Pour mon dernier Tour, je ne demanderai pas de faveur. Si je dois aller rouler pour Bryan, je le ferai avec grand plaisir, sans amertume, car c’est le travail d’équipe. Je suis lucide. Je n’ai plus forcément les jambes pour apporter suffisamment de garanties en tant que leader. par contre j’ai énormément d’ambitions en parallèle de ce travail d’équipier pour me faire plaisir. Et me faire plaisir, ce n’est pas faire coucou à la caméra mais être à l’avant et être acteur.

Le Grand Ouest, pour votre dernier Tour de France, sera occulté. Cela vous chagrine-t-il ?
Vous savez, j’ai l’impression d’être un petit peu partout chez moi en France. Partout où je vais, je suis tellement encouragé et soutenu que je m’y sens chez moi. Je suis né en Alsace, j’ai grandi en Martinique et fondé ma famille en Vendée depuis presque vingt ans. J’ai vécu les Grands Départs du Tour en Vendée en 2005 et 2011, nous sommes passés par l’Alsace à plusieurs reprises, je ne peux pas me plaindre. J’ai eu ma part dans mes régions de cœur.

On n’imagine pas que vous sortiez du Tour de France 2017 sans un dernier beau coup…
J’aimerais bien. Et je sais que j’en suis encore capable. Quand je vois mon début d’année 2016 ou encore les jambes que j’avais sur le Tour de France, je me dis qu’il y a de la place pour faire quelque chose. Maintenant, quand on voit la rétrospective du Tour de France 2016, que l’on note qui sont les vainqueurs d’étape et la façon dont ils ont gagné, il faut reconnaître que ce ne sont pas des perdreaux de l’année. S’illustrer d’année en année sur le Tour de France est vraiment extrêmement compliqué. Des seconds couteaux qui s’imposent, ça n’arrive quasiment plus.

Vous mettrez-vous une pression particulière ?
Cela fait des années que ce qui m’arrive sur le vélo, c’est du bonus. Je n’ai pas de poids. Je prends plaisir à travailler pour Bryan Coquard comme je prends plaisir à jouer ma carte quand j’en ai la possibilité. C’est aussi simple que ça. Je n’irai pas sur le Tour en me disant qu’il faut absolument que je fasse un truc. Le Tour m’a tellement donné d’émotions que je ne suis plus à leur recherche. Mais j’ai l’ambition de faire un beau dernier Tour, être acteur. Que ce soit en bossant pour mon leader qui est capable de gagner une voire plusieurs étapes ou en étant à l’avant de la course. Je veux passer la ligne des Champs-Elysées sans le moindre regret.

Avez-vous déterminé ce à quoi ressemblera votre après-carrière ?
Non, pas encore. Depuis début juin, je sais quand s’arrêtera ma carrière pro. Je l’ai décidé par moi-même. Ça m’a libéré d’un poids car je sais que mon choix est le bon. Il fallait prendre cette décision et je me sens soulagé vis-à-vis de cela. Ma reconversion, j’y pense, bien sûr, j’ai quelques pistes, mais j’ai encore un petit peu de temps. J’aime foncièrement le vélo et je pense rester dans le domaine du cyclisme. Sous quelle forme ? L’avenir nous le dira.

Propos recueillis à Paris le 18 octobre 2016.