D’un côté l’absence de Bradley Wiggins, tenant du titre mais désormais focalisé sur les Jeux de Rio et l’espoir d’une cinquième médaille d’or sur piste qui en ferait l’égal du rameur Steve Redgrave au gotha du sport britannique. De l’autre le forfait de Fabian Cancellara, diminué moralement et physiquement au terme d’une saison qui n’aura été qu’une suite de contrariétés. Il n’en fallait guère plus pour dérouler à Tony Martin un tapis rouge susceptible de le mener à un quatrième titre mondial en Virginie, où l’Allemand avait cet après-midi l’opportunité tangible d’égaler le record détenu par Fabian Cancellara.

Ce ne devait pourtant pas être une simple formalité pour le triple champion du monde du contre-la-montre (2011, 2012, 2013), dont les performances en la matière se sont avérées cette année moins signifiantes qu’il ne fut un temps. C’est que dans le même temps une nouvelle génération de rouleurs s’est imposée, incarnée par l’Australien Rohan Dennis, le Britannique Alex Dowsett, le Néerlandais Tom Dumoulin ou encore l’Italien Adriano Malori. Ou autant de coureurs autorisés à convoiter le maillot arc-en-ciel orné d’un chronomètre au bout des 53,5 kilomètres d’un Championnat du Monde destiné, sur le papier, aux rouleurs les plus puissants. Une bonne heure d’efforts via de longs bouts droits entre Kings Dominion, un parc d’attractions situé à Doswell, et East Broad Street, en plein cœur de la cité américaine de Richmond.

Pourtant, au départ de Kings Dominion, personne ne se doutait que l’attraction viendrait d’ailleurs. De Biélorussie exactement. A 34 ans, Vasil Kiryienka ne s’imaginait sans doute pas un jour revêtir le maillot de champion du monde du contre-la-montre. Equipier émérite, le coureur de Sky était certes reconnu pour sa consistance face à la montre, médaillé de bronze des Mondiaux de Valkenburg il y a trois ans, au pied du podium à Florence en 2013 et Ponferrada en 2014. Sans doute pas de là à en faire le super favori du jour, lui à qui il aura fallu attendre 2015 et sa neuvième saison chez les pros pour remporter ses premiers contre-la-montre. Et non des moindres puisque le Biélorusse se sera imposé au printemps dans le chrono marathon du Giro à Valdobbiadene… avant d’accrocher la médaille d’or des Jeux Européens de Baku.

Cet après-midi à Richmond, de l’autre côté de l’Atlantique, c’est un troisième contre-la-montre que Vasil Kiryienka a donc glissé dans sa besace en l’espace de quatre mois. Ancien champion du monde de la course aux points (2008), le coureur de l’est est devenu champion du monde du contre-la-montre en déposant tous les maîtres de la discipline.

Parti en antépénultième position, juste avant Tom Dumoulin et Tony Martin, le robuste rouleur de Sky (1,82 m, 75 kg) aura établi le temps de référence à chaque poste intermédiaire, écartant le grand favori Tony Martin de 10 secondes après 16 kilomètres avant de balayer les chances de l’Allemand, pointé à 38 secondes (6ème) à mi-parcours et en perdition jusqu’à Richmond, qu’il aura rejoint avec le 7ème temps à 1’17 ». Une performance à contre-courant qu’il n’aura pas été le seul à déplorer. Affaibli par une douleur au muscle fessier, Tom Dumoulin se sera lui aussi rapidement éclipsé pour la gagne, 5ème à 1’02 ». Alors que Rohan Dennis, encore en lice pour un podium à la mi-course, aura dû se contenter d’une 6ème place à 1’08 » expliquée en partie par une crevaison ayant nécessité un changement de vélo.

Dans ce contexte, des favoris pressentis pour le titre on n’aura vu qu’Adriano Malori réussir à titiller Vasil Kiryienka. Parti moins vite, 27 secondes de retard (8ème) après 16 kilomètres, l’Italien aura été le seul à même de refaire progressivement son retard sur le Biélorusse : 23 secondes au kilomètre 26, 11 secondes au kilomètre 43… pour finalement venir mourir à 9 secondes du maillot arc-en-ciel à Richmond et prendre possession de la médaille d’argent.

Les grands favoris hors du coup, il restait à attribuer la troisième marche du podium. Et dans un jour d’exception, il a fallu que Jérôme Coppel se rappelle l’avoir occupée durant ses belles années Espoirs, médaillé de bronze des moins de 23 ans à Salzbourg et Stuttgart en 2006 et 2007. Le champion de France du contre-la-montre, qui avait signé dans le chrono du Tour d’Espagne une annonciatrice 5ème place, aura accompli aux Etats-Unis une grande performance, faisant jeu égal avec Vasil Kiryienka sur la seconde partie de course pour ne lui lâcher que 27 secondes au bout du compte. Et prendre place à 29 ans sur le podium des Championnats du Monde du contre-la-montre, ce que plus aucun Français n’avait été en mesure de réaliser depuis le titre mondial de Laurent Jalabert en 1997, la dernière apparition d’un Bleu sur le podium d’un Mondial pro remontant à Anthony Geslin il y a dix ans.

Classement :

1. Vasil Kiryienka (BLR, Biélorussie) les 53,5 km en 1h02’29 » (51,4 km/h)
2. Adriano Malori (ITA, Italie) à 9 sec.
3. Jérôme Coppel (FRA, France) à 27 sec.
4. Jonathan Castroviejo (ESP, Espagne) à 29 sec.
5. Tom Dumoulin (PBS, Pays-Bas) à 1’02 »
6. Rohan Dennis (AUS, Australie) à 1’08 »
7. Tony Martin (ALL, Allemagne) à 1’17 »
8. Maciej Bodnar (POL, Pologne) m.t.
9. Marcin Bialoblocki (POL, Pologne) à 1’22 »
10. Moreno Moser (ITA, Italie) à 1’32 »