Il y avait sept ans que le Tour de France, dont la passion qu’il véhicule a depuis longtemps dépassé les frontières, n’avait plus franchi la Manche. A l’échelle du cyclisme, autant dire une génération. Sept ans après le Grand Départ londonien, la planète cycliste s’est anglicisée. Elle possède avec l’équipe Sky l’une des formations les plus performantes du peloton, a célébré avec Bradley Wiggins et Chris Froome deux premiers sacres britanniques sur le Tour de France, et compte en Mark Cavendish l’un des plus extraordinaires sprinteurs de l’histoire. Le coureur d’Omega Pharma-Quick Step a porté les maillots les plus convoités. Tous, à l’exception du seul maillot jaune ! L’histoire lui offre l’occasion d’exaucer à domicile, entre Leeds et Harrogate (190,5 km), où réside sa mère, ce qui est devenu son rêve suprême.

Toute la journée, sur les routes du Comté du Yorkshire sublimées par le soleil de juillet, c’est une procession vers le trône à laquelle l’Angleterre tout entière est tout simplement venue assister. Salué par la Royal Air Force, honoré par la présence de la Duchesse de Cambridge Kate Middleton, du Prince William et du Premier ministre David Cameron, le peloton s’élance sur les routes du Yorkshire, troublant par son défilé royal la quiétude des troupeaux de moutons qui pâturent dans les champs fendus par des murets de pierres. Ils seront trois millions à se presser jusqu’à lundi sur les routes anglaises pour voir passer le Tour. Pas un de moins, c’est une évidence. Mais consentir prématurément la couronne à Mark Cavendish, dont le passage suffit à faire trembler sa terre natale sous l’ovation démente d’une foule innombrable, est méconnaître l’histoire du Tour. Et son entêtement à priver les Anglais du maillot jaune sur leurs routes.

Il y a vingt ans, lorsque le Tour avait visité la Grande-Bretagne sur deux jours, vingt ans après une première tentative du genre, Chris Boardman avait buté en jaune aux portes du tunnel sous la Manche… quand Sean Yates s’était emparé du maillot vingt-quatre heures trop tard, au retour sur le continent. Etre prophète en son pays n’est pas chose aisée, l’Irlandais Dan Martin en sait quelque chose, lui qui s’était brisé la clavicule après avoir commis une faute dans le contre-la-montre par équipes inaugural du Giro début mai à Belfast… Mark Cavendish l’ignore, bien entendu, mais c’est un destin semblable qui le guette dans les rues d’Harrogate, où sprint il y aura bien au terme d’une première étape de Tour de France jusqu’alors plus que convenue, personne n’ayant défié l’autorité des équipes de sprinteurs dans les 60 derniers kilomètres.

Mark Cavendish choque brutalement Simon Gerrans et s’écrase au sol qui est le sien.

Avant de décerner le maillot jaune, il y avait une autre tunique distinctive à aller chercher sur les routes accidentées – elles le seront bien davantage demain – du Yorkshire. Les Français Nicolas Edet (Cofidis) et Benoît Jarrier (Bretagne-Séché Environnement) n’attendront pas longtemps pour s’isoler avec l’Allemand Jens Voigt (Trek Factory Racing) et tenter de refaire un certain match, sous le contrôle d’un peloton qui ne leur accordera pas plus de 3’30 » d’avance. En ouvrant le score au dépens du meilleur grimpeur du Tour d’Espagne Nicolas Edet dans la côte de Cray, Benoît Jarrier ne fait que précipiter une riposte de Jens Voigt, qui attaque son dix-septième Tour de France avec beaucoup d’engagement. L’Allemand accélère avant la côte de Buttertubs pour aller chercher le maillot à pois dans la spectaculaire montée de Guntown Moore.

Se frayant un passage au milieu d’une foule telle que le Tour n’en avait jamais vue sur un Grand Départ, Jens Voigt s’en va conquérir un maillot qui représentait sa seule raison de rouler aujourd’hui. La mission accomplie, il coupe son effort pour réintégrer à 60 kilomètres du but le peloton, momentanément privé de quelques coureurs pris dans une cassure, parmi lesquels Joaquim Rodriguez (Team Katusha) et Thibaut Pinot (FDJ.fr). Mais l’alerte cesse vite de retentir. Le peloton décélère. Il rejoindra Harrogate en convoi dans une ambiance exceptionnelle. En attendant le sprint, royal s’il en est, que le culot de Fabian Cancellara (Trek Factory Racing), déterminé à remettre au goût du jour le coup fameux du kilomètre, ne suffira pas à empêcher. Le Suisse, premier Maillot Jaune à Londres en 2007, coince dans les 450 derniers mètres ardus, s’effaçant au profit des sprinteurs que provoque Peter Sagan (Cannondale), Marcel Kittel (Giant-Shimano) dans la roue.

Mark Cavendish, dont l’équipe a pris les rennes à 4 kilomètres du but, n’a pas pu tenir son rang. Déployant toute son énergie pour recoller aux roues de ceux qui se sont permis de le défier sur ses terres, il choque brutalement Simon Gerrans (Orica-GreenEdge). Et s’écrase au sol qui est le sien. Son rêve est brisé, son corps peut-être aussi. Le Tour de France 2014 vient de vivre son premier drame. Et à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne ! Débordant Peter Sagan dans les derniers mètres, le surpuissant Marcel Kittel est encore le plus rapide lorsqu’il s’agit d’aller revêtir le premier maillot jaune. Il répète à Harrogate ce qu’il avait accompli il y a un an à Bastia. A une petite précision près. Le premier leader du classement général de la 101ème édition du Tour de France porte le dossard 101.

Demain dimanche, la deuxième étape reliera York à Sheffield (201 km).

Classement 1ère étape :

1. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) les 190,5 km en 4h44’07 » (40,2 km/h)
2. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) m.t.
3. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) m.t.
4. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) m.t.
5. Michael Rogers (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
6. Christopher Froome (GBR, Team Sky) m.t.
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
8. Sep Vanmarcke (BEL, Belkin) m.t.
9. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) m.t.
10. Michael Albasini (SU, Orica-GreenEdge) m.t.

Classement général :

1. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) en 4h44’07 »
2. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) m.t.
3. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) m.t.
4. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) m.t.
5. Michael Rogers (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
6. Christopher Froome (GBR, Team Sky) m.t.
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
8. Sep Vanmarcke (BEL, Belkin) m.t.
9. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) m.t.
10. Michael Albasini (SU, Orica-GreenEdge) m.t.

Classement par points :

1. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) 45 pt
2. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) 45 pt
3. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) 39 pt
4. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) 30 pt
5. Michael Rogers (AUS, Tinkoff-Saxo) 22 pt
6. Jens Voigt (ALL, Trek Factory Racing) 20 pt
7. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 20 pt
8. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 18 pt
9. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 17 pt
10. Sep Vanmarcke (BEL, Belkin) 16 pt

Classement de la montagne :

1. Jens Voigt (ALL, Trek Factory Racing) 4 pt
2. Benoit Jarrier (FRA, Bretagne-Séché Environnement) 1 pt
3. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 1 pt
4. Lars Bak (DAN, Lotto-Belisol) 1 pt

Classement des jeunes :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) en 4h44’07 »
2. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) m.t.
3. Anthony Delaplace (FRA, Bretagne-Séché Environnement) m.t.
4. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.
5. Armindo Fonseca (FRA, Bretagne-Séché Environnement) m.t.
6. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) m.t.
7. Tom-Jelte Slagter (PBS, Garmin-Sharp) m.t.
8. Jon Izaguirre (ESP, Movistar Team) m.t.
9. Danny Van Poppel (PBS, Trek Factory Racing) m.t.
10. Arnaud Démare (FRA, FDJ.fr) m.t.

Classement de la combativité :

1. Jens Voigt (ALL, Trek Factory Racing)

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 14h12’21 »
2. Team NetApp-Endura (ALL) m.t.
3. Belkin (PBS) m.t.
4. Garmin-Sharp (USA) m.t.
5. Tinkoff-Saxo (DAN) m.t.
6. Movistar Team (ESP) m.t.
7. Ag2r La Mondiale (FRA) m.t.
8. Orica-GreenEdge (AUS) m.t.
9. Trek Factory Racing (USA) m.t.
10. BMC Racing Team (USA) m.t.