Quatorze tours d’un circuit de 18,2 kilomètres soit 254 kilomètres. Deux côtes : celle de la Confederacion (5,2 kilomètres à 3,3 %) et celle du Mirador (1,1 kilomètre à 5,5 %). Et 203 coureurs qui rêvent du maillot arc-en-ciel. Ces éléments, vous les connaissiez déjà peut-être si vous avez suivi les différentes épreuves au cours de la semaine, en particulier celle d’hier qui a vu le sacre de Pauline Ferrand-Prévot. Dans ce tableau de présentations, vient se glisser un invité que l’on a peu vu au cours de la semaine : la pluie. Le ciel est menaçant sur la Castille-et-Léon et sur Ponferrada. Quelques averses viendront rendre ce circuit plus difficile qu’il ne l’est. Car même si le tracé n’est pas, à proprement parler, difficile, l’enchaînement des deux bosses sur quatorze tours va largement user les organismes. Et la pluie ne va rien arranger.

Les courses cette semaine ont bien montré qu’il valait mieux rester au chaud pour tout lâcher dans le dernier tour. La course des élites ne fera pas exception à la règle et les favoris ne se dévoileront qu’au tout dernier moment. Le Croate Matija Kvasina, l’Ukrainien Oleksandr Polivoda, le Colombien Carlos Quintero et le Lituanien Zydrunas Savickas ne font pas partie de cette caste. Le peloton peut bien les laisser filer en début de course. Les difficultés s’enchaînent, et les quatre hommes vont user leurs batteries. Leur avance portée au-delà du quart d’heure ne leur permet pas une seconde d’envisager la victoire. Les grandes nations vont mettre en route pour limiter l’écart. Une équipe fera le travail, mais on s’étonne alors que ce soient les Polonais, coéquipiers de Michal Kwiatkowski, qui se mettent à la planche.

Il est vrai que la nation vient de sortir d’une année extraordinaire et s’est trouvé avec le coureur d’Omega Pharma-Quick Step, un véritable leader. Le gros travail abattu par les hommes au maillot blanc et rouge permet au peloton de se rapprocher progressivement des hommes de tête. Mais c’est à 80 kilomètres de l’arrivée que la course va prendre une toute nouvelle tournure. Cette fois, ce sont les tuniques bleues des Italiens qui font leur apparition et qui augmentent considérablement le rythme du peloton. L’effet est immédiat. L’écart chute sous l’impulsion des Transalpins qui vont dynamiter la course à quatre tours de la fin. Une accélération de Fabio Aru, suivie par Giovanni Visconti, permet à un groupe de treize coureurs de prendre le large et de reprendre les échappés matinaux à 64 kilomètres de l’arrivée.

Michal Kwiatkowski anticipe avant la dernière bosse et file vers le titre

La partie d’échecs peut alors commencer. Comme c’est de coutume sur un Championnat du Monde, on s’attendait à une course tactique et stratégique : on l’a eue ! Italiens, Espagnols et Belges placent des pions dans une offensive lancée à trois tours de la fin. Plus surprenant, les Allemands font de même avec un Tony Martin qui passe un tour seul en tête. Australiens et Français, piégés, prennent les commandes d’un peloton toujours fort d’environ quatre-vingts unités. Les Bleus assument leurs responsabilités et ramènent le peloton sur l’offensive de treize à 30 kilomètres de l’arrivée. Piégés une première fois, les Tricolores ne feront pas deux fois la même erreur. Cyril Gautier est envoyé dans une échappée de trois, constituée d’Alessandro De Marchi et de Michael Andersen et rejointe à la cloche par Vasil Kiryienka.

Leur avance n’excède pas les quarante secondes et les Espagnols font le forcing pour ramener le peloton sur le groupe de quatre fuyards dans lequel Cyril Gautier ne prend pas les relais. Et pour cause, Nacer Bouhanni continue de s’accrocher au sein du peloton et l’éventualité d’un sprint massif n’est pas à exclure. Il reste cependant une bosse à passer pour que les sprinteurs puissent penser à mettre la main sur le maillot arc-en-ciel. Paradoxalement, ce n’est pas dans une montée, mais dans la dernière descente de la côte de la Confederacion qu’ils laisseront filer leurs rêves de titre. À ce moment de la course, l’offensive que mène Michal Kwiatkowski paraît osée. Le Polonais reprend les quatre hommes de tête puis les lâche dès les premières pentes de la montée du Mirador qu’il aborde avec une cinquantaine de mètres d’avance.

Le plus dur reste encore à faire pour Michal Kwiatkowski mais les autres favoris tardent à démarrer. Un groupe de favoris constitué des Belges Philippe Gilbert et Greg Van Avermaet, du Français Tony Gallopin, de l’Australien Simon Gerrans et de l’Espagnol Alejandro Valverde se lance dans la descente à la poursuite du Polonais qui bascule avec une dizaine de secondes d’avance. Même si Gilbert se sacrifie pour tenter de ramener le groupe, Michal Kwiatkowski ne perd rien en bon rouleur qu’il est. Le coureur âgé de 24 ans prend même le temps de profiter dans les 300 derniers mètres quand son titre mondial est assuré. Déjà titré chez les Juniors sur le contre-la-montre en 2008, Kwiatkowski s’installe sur le toit du monde chez les grands. Tony Gallopin prend la 6ème place, Nacer Bouhanni termine 10ème.

Classement :

1. Michal Kwiatkowski (POL, Pologne) les 254,8 km en 6h29’07 » (39,1 km/h)
2. Simon Gerrans (AUS, Australie) à 1 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Espagne) m.t.
4. Matti Breschel (DAN, Tinkoff-Saxo) m.t.
5. Greg Van Avermaet (BEL, Belgique) m.t.
6. Tony Gallopin (FRA, France) m.t.
7. Philippe Gilbert (BEL, Belgique) à 4 sec.
8. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) à 7 sec.
9. John Degenkolb (ALL, Allemagne) m.t.
10. Nacer Bouhanni (FRA, France) m.t.