Tous les deux jours, à l’occasion de sa quatrième participation au Tour de France, dont il avait remporté une étape à Andorre-Arcalis en 2009, Brice Feillu (Bretagne-Séché Environnement) nous confie son journal de bord.

Brice, vous avez obtenu votre sélection pour le Tour de France le 16 juin dernier. Comment avez-vous vécu cette attente ?
Ma sélection pour le Tour a été officialisée tardivement mais nous discutions un peu dans l’équipe et nous savions plus ou moins ce qui allait se passer. Bien sûr, tant que l’annonce n’avait pas été rendue officielle, je n’étais pas tellement serein. Mais il n’y a pas non plus que le Tour de France dans la saison. Il y avait d’autres courses à effectuer et largement de quoi se concentrer avant sans penser tout le temps au Tour.

En quoi cette sélection tardive pour une épreuve comme le Tour de France a-t-elle impacté sur votre préparation ?
Je n’ai rien changé en particulier. Je m’entraîne moi-même, sans entraîneur. Les choses sont allées vite en ne sachant réellement que je serais au départ du Tour il y a un petit mois. Le calendrier s’est alors enchaîné avec la Route du Sud et le Championnat de France, on était vite rendu ici.

Entre le terme du Championnat de France dimanche soir et votre arrivée à Leeds hier, comment avez-vous préparé votre départ pour le Tour ?
N’ayant pas de vol direct dimanche soir après le Championnat de France, je suis rentré chez moi lundi midi pour partir pour le Tour mercredi. Je n’ai été qu’une journée et demie à la maison pour profiter au maximum de ma fille Olivia, qui vient d’avoir huit mois, et de ma compagne Maud. C’est passé très vite. L’unique journée pleinement passée à la maison, ça a été mardi. J’ai déposé la petite chez la nounou puis je suis allé faire trois heures et quart de vélo. La journée a vite passé elle aussi. Avant le départ hier matin pour venir à Leeds.

Est-ce plus difficile de partir pour le Tour de France quand on est père de famille ?
Ça fait partir trois semaines et demie, ce n’est pas comme lorsqu’on part dix jours ou deux semaines sur certains stages ou certaines courses. C’est vrai que ça va faire long. Il y a deux journées de repos mais Maud et Olivia ne pourront pas me rejoindre sur la première à Besançon. La deuxième à Carcassonne arrivera en troisième semaine, ça se fait mais ça devient de plus en plus difficile de quitter la maison aussi longtemps.

A votre arrivée à Leeds hier matin, êtes-vous allé rouler sur les routes du Yorkshire ?
Je suis arrivé à Leeds à 16h30. J’ai pu aller faire une heure et demie de vélo. J’étais tout seul car les copains ne sont arrivés que dans la soirée. Il faut se faire à la conduite à gauche, ce qui n’est pas forcément évident. Au début, en quittant l’hôtel, j’étais dans la circulation. Quand on voit les voitures à gauche, on pense bien à tenir sa gauche et à rester attentif. Mais en repartant après m’être arrêté pour un besoin naturel, j’ai pris automatiquement à droite ! C’est en voyant une voiture au loin que j’ai été rappelé à l’ordre… Ce sont de belles routes, souvent étroites. C’est ce qui nous attend ce week-end, j’espère que la pluie nous épargnera.

Conférence de presse, présentation des équipes, sollicitations multiples, le Grand Départ d’un Tour de France reste unique en son genre. Sentez-vous la pression monter ?
La journée usante et stressante, c’est celle d’aujourd’hui avec la prise de sang obligatoire ce matin, la conférence de presse ce midi, un petit tour de vélo cet après-midi et la présentation des équipes ce soir. Ça fait faire pas mal d’aller-retour. C’est sûr que nous n’avons pas ce cérémonial sur toutes les courses, ça amène une petite pression supplémentaire, mais c’est aussi une bonne pression. Il faut savoir faire la part des choses, ne pas trop laisser de jus là-dedans en restant calme. Le départ va venir vite. Et la journée de demain sera tout de même plus calme. On ira rouler au matin, on se fera masser l’après-midi. Ce sera semblable à une journée-type d’avant-course, sans trop de stress.

Vous qui avez déjà l’expérience de trois Tours de France, tous achevés, avez-vous donné un conseil en particulier au reste du groupe ?
Le conseil, c’est de rester calme. Mais le conseil qu’il faudra suivre durant tout le Tour, c’est de penser à bien récupérer, ne pas passer trop de temps à table non plus, même si on pourra discuter et rigoler, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la récupération. Le but étant de pouvoir dormir un maximum de temps.

D’un point de vue sportif, avez-vous coché une étape en particulier ?
Pas spécialement. Toutes les étapes sont belles à gagner. L’étape qui sort du lot, c’est une étape qu’on n’a pas l’habitude de voir sur un Tour de France, je pense à celle des pavés. J’espère d’ailleurs qu’on n’aura pas trop de pluie, que les pavés ne seront pas détrempés, sans quoi ce sera glissant et dangereux. Mais je n’ai pas coché d’étape en particulier, bien que celle de la Planche des Belles Filles sera à mon sens l’une des plus belles à accrocher.

L’absence d’Eduardo Sepulveda rajoute-t-elle une pression supplémentaire sur vos épaules ?
Eduardo aurait été capable de sortir un bon classement général. Il n’y aura qu’un seul contre-la-montre mais il sera long. Le sachant bon rouleur, bon grimpeur, sans ses pépins il aurait pu réaliser une belle place. Son absence me met une pression supplémentaire, oui, mais c’est le jeu. C’est dommage pour l’équipe mais nous sommes un bon groupe de neuf guerriers et nous ferons au mieux pour faire oublier son absence.

Propos recueillis à Leeds le 3 juillet 2014.