En juillet, Mikaël Chérel (Ag2r La Mondiale) nous ouvre son journal de bord à l’occasion de sa troisième participation au Tour de France. Le lieutenant de Romain Bardet, avec qui il fait chambre, nous fait découvrir son univers.

Mikaël, comment ont répondu les jambes hier au lendemain de votre échappée vers le Plateau de Beille ?
Les jambes étaient dures, contracturées au départ. Elles ont mis un peu plus de temps à se mettre en action mais par chance l’échappée est partie très tôt, dès le premier kilomètre. Ça nous a permis de récupérer durant la première moitié de course, où l’allure était modérée. Ça a été une bonne chose. Je savais que la mise en route serait difficile mais la forme est là, elle est bonne, et en fin de course les jambes étaient à nouveau présentes.

Jeudi, on a retrouvé une équipe Ag2r La Mondiale volontaire, avec trois hommes dans l’échappée. Est-ce ainsi que vous définiriez l’atmosphère ambiante ?
Dès le briefing, on sentait effectivement qu’il y avait une grosse motivation d’aller de l’avant et de rompre avec ce climat de défaite qui nous accompagnait depuis deux jours. Nous nous sommes retrouvés à trois dans l’échappée avec Romain Bardet et Christophe Riblon. L’échappée a gagné du terrain, jusqu’à huit minutes. Nous avons d’abord pensé à garder de l’énergie pour les dernières difficultés. Puis il s’est mis à pleuvoir dans le col de la Core, et en haut, avec Romain, on a décidé de faire la descente à toute vitesse. C’était sinueux, très technique et assez dangereux. Ça a disloqué l’échappée.

Puis Kwiatkowski et Vanmarcke sont sortis et vous avez travaillé derrière. Y avait-il mieux à faire stratégiquement ?
Le coup parfait, ça aurait été que je parte avec Michal Kwiatkowski et Sep Vanmarcke, ce qui aurait permis à Romain de filocher avec Rodriguez, Fuglsang et compagnie. Dès lors, après concertation avec les DS, nous avons mis Romain en position de leader. De nous deux, il était le plus à même de s’imposer au sommet du Plateau de Beille. J’ai donc essayé de chasser derrière Kwiatkowski et de réguler l’allure pour que le peloton ne nous reprenne pas. Une fois mon travail accompli, je me suis battu pour ne pas me faire rattraper par le peloton des favoris. Ça fait toujours plaisir de faire une petite place. J’arrive 8ème, quelques secondes avant le groupe Maillot Jaune, ça a été ma petite satisfaction personnelle.

Le soir avec Romain, votre compagnon de chambre, avez-vous refait la course ?
Nous en avons parlé un petit peu parce qu’on avait pris beaucoup de plaisir à l’avant de la course, mais on ne reste pas là-dessus. Il faut toujours chercher à aller de l’avant. La victoire était proche mais elle n’était pas au bout, on ne peut pas s’en satisfaire. Nous avons déjà hâte de recommencer.

Depuis plusieurs jours, le Tour de France souffre de la canicule. Comment luttez-vous contre cet élément ?
Ce sont des conditions extrêmes qui mettent l’organisme à contribution et nous épuisent. En course mais aussi à l’hôtel. La nuit dernière, nous n’avions pas de climatisation dans les chambres. Nous avons eu super chaud. Tout ça impacte sur la récupération. Les pertes en minéraux sont importantes chaque jour. Pour réguler un peu la température corporelle, nous plaçons notamment sur la nuque des bas féminins dans lesquels nos assistants insèrent des glaçons. Ça refroidit un peu l’organisme et sur le moment, ça fait beaucoup de bien. Après la course, nous bénéficions d’un système de bain froid. Nous y plongeons les jambes dans une eau à 8/10° pendant une petite dizaine de minutes. Exceptionnellement, hier soir, nous l’avons refait après le dîner pour nous rafraîchir avant d’aller dormir.

En termes d’hydratation, qu’utilisez-vous pour refaire le plein de minéraux ?
J’évalue ma consommation de bidons à quinze, seize bidons, soit environ huit litres en quatre heures et demie de course. J’aime consommer des produits énergétiques qui comblent précisément notre déficit en minéraux. Nos partenaires diététiques nous fournissent des solutions isotoniques qui contiennent quelques minéraux essentiels : magnésium, potassium etc. Je couple cela avec de l’eau. Quand il fait chaud, c’est compliqué d’avaler tout liquide et même de manger sur le vélo, mais c’est essentiel pour la récupération. Il faut aussi penser aux étapes du lendemain. Le Tour, c’est un long périple. Quand le corps est déshydraté de 1 %, on perd 10 % de notre potentiel. Il faut vraiment veiller à bien s’hydrater sur le vélo.

Hier, Jean-Christophe Péraud a été victime d’une lourde chute qui vient s’ajouter aux contre-performances réalisées dans les Pyrénées. Comment va-t-il moralement ?
Le moral, c’est compliqué pour Jicé. C’est un peu la chute de trop. Il est vraiment bien épluché avec des contusions multiples. C’est assez impressionnant de le voir avec tous ses bandages et surtout de savoir que l’étape d’aujourd’hui va être disputée sous la chaleur, sur un parcours très difficile. Ça risque d’être dur pour lui. J’espère qu’il va réussir à la passer avec nous pour rester à nos côtés mais ça risque d’être compliqué.

Propos recueillis le 18 juillet 2015.