En juillet, Mikaël Chérel (Ag2r La Mondiale) nous ouvre son journal de bord à l’occasion de sa troisième participation au Tour de France. Le lieutenant de Romain Bardet, avec qui il fait chambre, nous fait découvrir son univers.

Mikaël, quel sentiment vous anime à la sortie des premières étapes nerveuses du Tour de France ?
Je suis déjà heureux d’être encore intact. Comme beaucoup de coureurs, j’ai connu mon lot de mésaventures, mais je suis sorti indemne des premières journées très stressantes et ultra dangereuses, avec toutes ces chutes. Mon état de forme est bon. Je redoutais plus que tout de prendre une mauvaise chute et de me blesser comme ça avait été le cas l’année dernière, ce qui m’aurait handicapé par la suite. Ce stress a prédominé dans l’équipe durant les premiers jours. Nous ne voulions pas que ça s’arrête pour l’un d’entre nous sur une mauvaise chute.

A quoi faut-il imputer la nervosité du peloton au cours des premiers jours de course ?
Avant toute chose, le tracé a été très bien élaboré par ASO. Il a offert du très beau spectacle aux téléspectateurs. Pour nous, ça a clairement été une classique tous les jours. Nous avons eu les bordures avec l’arrivée en Zélande, le final de la Flèche Wallonne avec le Mur de Huy le lendemain, puis l’étape des pavés… Ce qui rend nerveux, c’est que le Tour génère beaucoup de pression de la part des équipes, des sponsors… La couverture médiatique est tellement importante qu’on peut réussir ou rater une saison en trois semaines. Il y a une envie de bien faire. En cela on sait que le placement joue énormément dans le cyclisme moderne. Quand 198 coureurs veulent être placés au même endroit, qu’on entend tous la même consigne dans l’oreillette, ça crée des chutes.

Vous soulevez la question de l’oreillette. Faut-il mettre la faute sur son compte ?
Non, pour moi les chutes ne sont pas causées par l’oreillette. Sans elle, le coureur étudierait peut-être plus minutieusement le parcours au départ. Nous nous reposons certes un peu plus sur les directives des directeurs sportifs qui nous suivent et nous informent d’éventuels dangers à anticiper, de l’orientation et de l’intensité du vent… Mais avec ou sans oreillette, on savait tous qu’il fallait être placé aux endroits où sont survenues les chutes. Il ne faut pas rejeter la faute sur l’oreillette, bien au contraire, nous sommes grâce à elle avertis des dangers. C’est un outil précieux.

La tension a été particulièrement intense au cours des premières étapes du Tour, de quelle façon parvenez-vous à l’évacuer à la descente du vélo ?
Hormis Damien Gaudin, qui dispute son premier Tour de France, nous n’avons pas de novices dans l’équipe. Nous avons su prendre du recul par rapport au fait que nous avions des ambitions élevées avec Romain Bardet et Jean-Christophe Péraud, qu’il y allait y avoir une attente des journalistes autour du bus au départ comme à l’arrivée, mais nous aimons rire ensemble et nous parvenons à évacuer cette pression en partant à la déconnade, en parlant d’autre chose, même si le vélo revient évidemment souvent dans nos discussions. Mais nous savons plaisanter sur d’autres sujets. C’est important. Ça permet de faire le vide par rapport à tout ce qui gravite autour de la course.

Sur le Tour, vous faites chambre avec Romain Bardet. Comment cela a-t-il été défini ?
Les chambres sont constituées par l’encadrement en fonction des affinités mais aussi du rythme de vie de chacun. Avec Romain nous partageons notre chambre sur l’ensemble du calendrier. Il était naturel que nous gardions cela sur le Tour de France, où la récupération est essentielle. Romain et moi avons le même rythme, et c’est important de partager la chambre avec quelqu’un qui a le même rythme que soi. Nous essayons de nous coucher le plus tôt possible, bien que ce soit compliqué sur le Tour. Je sors du massage à 21h00 pour passer à table, dont je sors pour 22h00. Le temps de digérer, on peut s’endormir au plus tôt vers 23h00/23h15. D’autres veillent plus tard.

Le sommeil vient-il facilement après une étape du Tour de France ?
Ce n’est pas toujours facile, mais nous avons des petites techniques de relaxation. Il faut surtout laisser la course de côté, éteindre les lumières le plus tôt possible, éviter les écrans de téléphone ou d’ordinateur… Ce sont des astuces qu’on utilise pour faciliter l’arrivée du sommeil. Nous avons la chance, sur le Tour, de partir assez tard des hôtels, ce qui nous permet de dormir jusqu’à 9h00 en s’étant couché en moyenne vers 23h15. Avec Romain, nous sommes certainement la chambre de l’équipe qui dort le plus !

Le Tour passera demain non loin de la Manche. Vous en serez le régional. Qu’est-ce que cela va vous apporter ?
Mes proches seront sur le bord de la route, je le sais. J’aurai probablement beaucoup d’encouragements lors des derniers kilomètres, sur mes routes d’entraînement de jeunesse. Ce sont des routes que je connais parfaitement. Ce sera vraiment agréable, d’autant plus que je n’avais pas eu la chance de passer par le Grand Ouest lors de mes deux précédentes participations au Tour de France. C’est une première pour moi. Je vais apprécier le moment. Mais l’arrivée étant dévolue aux sprinteurs, je ne vais pas mettre le nez à la fenêtre sous prétexte que je suis le régional de l’étape ! Comme chaque jour, je vais essayer de protéger Romain et Jicé du mieux possible, et si je peux faire un petit coucou à mes proches sur le bord de la route, je le ferai !

Propos recueillis le 9 juillet 2015.