Comme pour s’offrir une pause après trois journées intenses, le Tour faisait un détour, avant les Alpes, par Villars-les-Dombes. Bordures, éventails, chutes, Maillot Jaune à pied, repêchage, polémique, contre-la-montre, Tour de France plié ? L’avenir le dira car pour l’instant le peloton éprouve le besoin de souffler. Pourtant c’est bien le vent qui souffle le premier aujourd’hui encore. Qu’importe, puisque pour le plus grand bonheur des coureurs, sa direction ne va cette fois pas dynamiter la course mais plutôt la paralyser. Sur une étape rectiligne, entre Montélimar et Villars-les-Dombes, promise comme l’une des dernières occasions pour les hommes rapides du sprint de briller, le peloton fait face au vent durant les 208,5 kilomètres menant au fameux Parc des Oiseaux. Quoi de mieux qu’un parc pour une parenthèse de tranquillité ?

Il semble donc acquis que le peloton arrivera groupé à l’arrivée déjà connue sur le Critérium du Dauphiné. Le scénario de ces étapes est dores-et-déjà connu : une échappée, courageuse et audacieuse, mais reprise dans un jeu traditionnel du chat et de la souris perdu d’avance. Autant dire que ceux qui tentent leur chance n’ont plus rien à perdre. Et la chance fait partie du slogan de l’équipe FDJ qui en manque cruellement sur cette édition jusqu’à présent. Après les abandons de Mathieu Ladagnous, Cédric Pineau et Thibaut Pinot – qui a annoncé son forfait pour le Jeux Olympiques de Rio -,  Jérémy Roy (FDJ) tente de forcer son destin en devenant le premier attaquant du jour après une vingtaine de kilomètres de course. Cesare Benedetti (Bora-Argon), Martin Elmiger (IAM Cycling) et Alex Howes (Canondale) ne tardent pas à le rejoindre. Et tant mieux, avec ce vent, la journée risque d’être longue. Mieux vaut donc être accompagné.

Mais les fuyards ne sont pas dupes. Même si le chasseur laisse de l’avance – 5 minutes au plus fort de l’écart – aux chassés, la tâche est compliquée, trop compliquée. Alors, à l’avant, les compagnons d’aventure pensent à la victoire, forcément, mais sans vraiment y croire. Ils y pensent parce qu’après tout, « on ne sait jamais » mais sans y croire car au fond « on le savait ». Néanmoins, il faut faire la course, provoquer et tenter, bien que tout semble écrit. Et puis, il y a les miettes. Celles que le peloton accepte de laisser aux courageux. Trois grimpeurs, un sprint intermédiaire et un prix de la combativité, synonymes de fierté, de primes, de lots de consolation en fait. Des petites animations pour oublier l’élément clé de cette étape : le vent. Il épuise les échappées et endort un peloton qui se contente de 30 petits kilomètres lors de la première heure de course. Mais ce jeu définitivement engagé a des allures de poker, et même de poker menteur.

Mark Cavendish s’envole… 

Pendant que Matthias Frank (IAM Cycling) et Matti Breschel (Canondale) quittent la route du Tour, Martin Elmiger et Jérémy Roy en gardent sous la pédale pour espérer. Après s’être débarrassés de leurs collègues, encombrant sur leurs porte-bagages, les deux hommes se délestent de leurs dernières forces dans les 10 derniers kilomètres pour contenir un peloton revenu à 30 secondes. Mais malheureusement pour eux, la meute s’est déjà fait avoir. C’était à Montpellier, ville qui devait les accueillir à bras ouverts mais Peter Sagan, « le petit fils d’Eddy Merckx » pour reprendre le termes élogieux de Marc Madiot, en avait décidé autrement. Le Champion du Monde avait manoeuvré parfaitement, mettant tout le monde dans le vent en rabattant la bordure, emmenant avec lui un Christopher Froome en jaune mais opportuniste. Autant dire que cette occasion, les sprinteurs ne la manqueront pas. L’écart fond entre échappés et peloton mais aussi entre Mark Cavendish et Eddy Merckx.

A 3 kilomètres de l’arrivée, le train bleu d’Etixx-Quick Step se met sur les rails. D’abord à gauche de la route puis tout à droite. Car l’équipe belge est une habituée du genre : le vent de 3/4 face doit handicaper ceux qui voudront remonter son équipe. Mais les 3 kilomètres sont longs, trop longs pour les Etixx débordés par leurs compatriotes de la Lotto-Soudal. Si Marcel Kittel se voit bien vainqueur à Villars-les-Dombes, André Greipel (Lotto-Soudal) a les mêmes visions pour son cadeau d’anniversaire. Et pourtant les trains s’essoufflent et le barnum commence. Bryan Coquard (Direct Energie) frotte l’épaule de Peter Sagan (Tinkoff) mais le véritable spécialiste de l’exercice est anglais et déjà placé. Dans la roue du géant Kittel, Mark Cavendish (Dimension Data) est courbé sur son vélo, dans son style si caractéristique. Le déjà triple vainqueur d’étape sur ce Tour de France sort de sa cachette à 150 mètres de la ligne pour déborder le sprinteur d’Etixx-Quick Step. Vexé, frustré mais surtout battu, Marcel Kittel lèvera le bras en guise de réclamation, en vain. Alexander Kristoff (Katusha), Peter Sagan et John Degenkolb (Giant-Alpecin) se contenteront des places d’honneur car l’homme de l’Île de Man le signe de sa main droite : il remporte sa quatrième victoire sur le Tour de France 2016.

Quatre. C’est le nombre de succès de Mark Cavendish cette année mais c’est aussi ce qui le sépare des 34 victoires d’Eddy Merckx sur la Grande Boucle. Un gouffre ? Pour cet homme, non. Le meilleur sprinteur de l’Histoire du Tour est redevenu celui-ci. Car jusqu’à ces deux dernières années, Mark Cavendish collectionnait les victoires : 4 en 2008, 6 en 2009, 5 en 2010, 5 en 2011, 3 en 2012, 2 en 2013 et seulement une en 2015. On le disait moins rapide, moins fringant, perdant de son fameux « dobble kick »(sa double accélération)… Certes, il a brisé une moyenne de bouquets incroyable mais il est définitivement de retour. Dans le Parc des Oiseaux, celui qui a pris son envol est à n’en pas douter un phénix, jamais véritablement mort, renaissant de ses cendres, pour mieux déployer à nouveau ses ailes.

Demain vendredi, la quinzième étape reliera Bourg-en-Bresse à Culoz (160 km) en passant deux fois sur le col du Grand Colombier.

Classement 14ème étape :

1. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) les 208,5 km en 5h43’49 » (36,4 km/h)
2. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) m.t.
4. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) m.t.
5. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) m.t.
6. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) m.t.
7. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
8. Davide Cimolai (ITA, Lampre) m.t.
9. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
10. Samuel Dumoulin (FRA, Ag2r la Mondiale) m.t.

Classement général :

1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 58h02’51 »
2. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 1’47 »
3. Adam Yates (GBR, Orica-BikeExchange) à 2’45 »
4. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 2’59 »
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 3’17 »
6. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 3’19 »
7. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 4’04 »
8. Richie Porte (AUS, BMC Racing Team) à 4’27 »
9. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) à 5’03 »
10. Fabio Aru (ITA, Astana) à 5’16 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 340 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 278 pt
3. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 228 pt
4. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 145 pt
5. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 128 pt
6. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange)  127 pt
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 122 pt
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 112 pt
9. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 106 pt
10. Chris Froome (GBR, Team Sky) 94 pt

Classement de la montagne :

1. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 90 pt
2. Rafal Majka (POL, Tinkoff) 77 pt
3. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) 68 pt
4. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 58 pt
5. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) 50 pt
6. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) 40 pt
7. Stef Clement (PBS, IAM Cycling) 35 pt
8. Diego Rosa (ITA, Astana) 27 pt
9. Winner Anacona (COL, Movistar Team) 26 pt
10. Sylvain Chavanel (FRA, Direct Energie) 24 pt

Classement des jeunes :

1. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) en 58h05’36 »
2. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) à 3’03 »
3. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 5’38 »
4. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) à 16’17 »
5. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 27’23 »
6. Eduardo Sepulveda (ARG, Fortuneo-Vital Concept) à 42’11 »
7. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 1h05’12 »
8. Patrick Konrad (AUT, Bora-Argon 18) à 1h12’14 »
9. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 1h36’28 »
10. Tsgabu Grmay (ETH, Lampre-Merida) à 1’36’43 »

Classement par équipes :

1. BMC Racing Team (USA) en 174h07’01 »
2. Movistar Team (ESP) à 2’30 »
3. Team Sky (GBR) à 8’10 »
4. Astana (KAZ) à 26’33 »
5. Ag2r La Mondiale (FRA) à 45’58 »
6. Trek-Segafredo (USA) à 54’15 »
7. Tinkoff (RUS) à 1h07’08 »
8. Team Katusha (RUS) à 1h19’43 »
9. IAM Cycling (SUI) à 1h24’22 »
10. Orica-BikeExchange (AUS) à 1h24’53 »