C’est le genre de course qui permet d’entrer dans le coeur des Français, comme par effraction. Le Championnat de France nous offrira dimanche, très tôt, dès 15 heures, un nouveau représentant du cyclisme français. En franchissant la ligne, la carrière de l’heureux élu prendra un tournant avec, pendant un an, de nouvelles responsabilités qui galvanisent mais aussi parfois, tétanisent. Au bout de la course, un coureur se parera du maillot tricolore, bleu-blanc-rouge, si visible, si prestigieux et tant aimé sur le bord de la route. Sur la plus haute marche du podium, le vainqueur chantera la Marseillaise au même moment où tout un pays entonnera le même chant pour d’autres représentants, ceux du football qui joueront leur 8ème de finale de l’Euro. Les Français aiment se rassembler autour de leurs sportifs et dimanche à Vesoul, ils pourront en supporter un nouveau.

Cette année, le parcours du Championnat de France est dessiné en Haute-Saône, en Bourgogne-Franche-Comté. Et la région a déjà son représentant en la personne de Thibaut Pinot. Le leader de la FDJ est un local et a proposé, avec son entraîneur et frère Julien, un des tracés les plus exigeants de ces dernières années. Les 13,1 kilomètres du circuit empruntent deux côtes, courtes mais raides, que le cadet des Pinot a su dompter hier pour remporter le titre national en contre-la-montre. En quittant Vesoul, les coureurs entreront tout de suite dans le vif du sujet. Après un petit kilomètre plat, la Côte des 4 Sapins présente un pourcentage moyen de 8% sur 1,6 kilomètre. Viennent ensuite 3 kilomètres en faux-plat descendant où les concurrents souffleront avant d’attaquer la prochaine difficulté. La Côte de Neurey, moins longue mais plus pentue avec 600 mètres à 9,6%, devrait faire monter encore un peu plus l’acide lactique dans les jambes des prétendants. Au sommet, ils en seront à mi-parcours et entameront le retour vers Vesoul sur des routes larges et roulantes qui favorisent les regroupements. Des groupes sans doute, mais pas de peloton. Sur une distance habituelle, ce circuit court accroit la répétition et offre 4 200 mètres de dénivelé positif au bout des 19 tours. Autant dire que le profil du vainqueur se situera entre le puncheur et le grimpeur mais ce sera surtout un coureur endurant qui franchira la ligne en premier après 248,9 kilomètres de course.

Le profil de ce parcours semble vouloir nous offrir une course de mouvements, spectaculaire à souhait. Alors, même si l’équipe Ag2r La Mondiale, la Direct Energie et la FDJ disposent d’au moins 20 coureurs, ces armadas devraient plutôt tenter d’envoyer un voire deux d’entre-eux – de préférence, les meilleurs – dans chaque offensive plutôt que de cadenasser la course. L’objectif tactique sera donc d’éviter de laisser partir le bon wagon sans avoir un représentant pour la gagne. Plus facile à dire qu’à faire. Car même si l’aspect stratégique est important, la course se jouera sans doute davantage à la pédale et les plus forts seront devant. Il est donc temps de jouer au pronostiqueur.

Parmi les favoris, les Franc-comtois vous citeront forcément les régionaux que sont Thibaut Pinot et Arthur Vichot, leaders de la FDJ. Le choix du coeur, sans doute, mais personne ne les laissera gagner à la maison facilement. La FDJ pourra aussi compter sur Anthony Roux, dauphin de Pinot sur le chrono hier, et qui tourne autour depuis plusieurs années avec quatre places sur le podium toutes disciplines confondues. Ag2r La Mondiale misera, elle, sur un quatuor composé de Romain Bardet, Cyril Gautier, Pierre Latour et Alexis Vuillermoz. Le premier affiche une forme resplendissante depuis sa 2ème place sur le Critérium du Dauphiné. Sur cette dernière course, un autre coureur français s’est illustré en se classant 6ème et meilleur jeune : Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step). Certes, il ne sera accompagné que d’un équipier, Maxime Bouet, mais ce circuit est tellement difficile que cela ne devrait pas lui être préjudiciable. Cette situation, Tony Gallopin (Lotto-Soudal) et Warren Barguil (Giant-Alpecin), 3ème du dernier Tour de Suisse, la connaîtront eux-aussi mais affichent également une grande condition. Et puis, il ne faut pas oublier les anciens comme Thomas Voeckler (Direct Energie) dont la malice et l’expérience pourraient combler une faiblesse physique. Aux autres de faire la course pour contredire cette liste, non-exhaustive, de candidats au titre. Après tout, Steven Tronet (Fortuneo-Vital Concept) a prouvé l’an dernier que transformer ses rêves en réalité était possible…