Imprévisible. Tel est l’adjectif qui pouvait le mieux résumer la course qui nous attendait aujourd’hui à Chantonnay. Le circuit de 14,7 kilomètres à couvrir seize fois annonçait une course ouverte et sélective. Une course où il allait falloir compter ses efforts, ses coups de pédale, jaillir au bon moment. Imprévisible, le Championnat de France le sera jusqu’au bout. Aujourd’hui, le cyclisme a retrouvé toute la dramaturgie qui fait son charme, loin du classicisme dans lequel bon nombre d’épreuves sont malheureusement tombées. Il n’y a pas vraiment de mot pour décrire la folie qui s’est emparée du final de cette course en ligne pas comme les autres et dont le scénario est allé à l’encontre de tout ce que l’on pouvait espérer, de tout ce que l’on pouvait tenter de prévoir.

Sur ce Championnat de France disputé en Vendée, il n’y avait en fait qu’une certitude, celle de voir s’activer les membres de l’équipe Europcar qui évoluent à domicile. Les locaux qui ont laissé filer la première échappée mettent tout en œuvre pour la revoir après 100 kilomètres, pour qu’une autre, cette fois avec au moins un des leurs, prenne le large. Bryan Nauleau et Cyril Gautier sont alors les coureurs envoyés en éclaireurs, suivis par Kenny Elissonde, Olivier Le Gac et Francis Mourey (FDJ) Nicolas Edet et Rudy Molard (Cofidis), Pierre-Roger Latour et Christophe Riblon (Ag2r La Mondiale), Matthieu Boulo (Bretagne-Séché Environnement), Jérôme Coppel (IAM Cycling), Julien Guay (Auber 93) et Jérôme Mainard (Armée de Terre) et qui compteront plus de cinq minutes d’avance sur un peloton mené par l’équipe Bretagne-Séché Environnement.

C’est pourtant un autre coureur que tout un peuple attend sur ses terres. Titré ici même en 2010, 2ème en 2006, Thomas Voeckler (Team Europcar) est le premier favori à se dévoiler. Il choisit la côte du Champ du Loup, à 50 bornes de l’arrivée pour rejoindre Gautier, Molard, Riblon et Coppel en compagnie de Damien Guadin (Ag2r La Mondiale). Un tour plus loin, Julien Antomarchi (Roubaix Lille Métropole), Romain Bardet (Ag2r La Mondiale) et Warren Barguil (Giant-Alpecin) flairent le bon coup, dans la principale difficulté du circuit de Chantonnay. Ils faussent compagnie au peloton et rejoignent les six hommes de tête peu avant l’avant-dernier passage sur la ligne. La minute d’avance qu’ils possèdent peut leur permettre de penser au maillot tricolore. Mais sur ce Championnat de France, rien ne se passera comme prévu.

Car dans le peloton, malgré l’aspect sélectif du circuit, Nacer Bouhanni (Cofidis) n’a pas fait de croix sur ses ambitions pour retrouver la tunique qu’il a endossée un jour de juin 2012 à Saint-Amand-les-Eaux. Toute l’équipe Cofidis se met au service du Vosgien, nouveau leader du groupe sportif nordiste depuis le début de l’année. Une armada rouge prend la tête du peloton et réduit progressivement l’écart sur un groupe de tête où l’entente est loin d’être parfaite dans le dernier tour. Ni les efforts du valeureux Damien Gaudin qui se sacrifie pour Romain Bardet, ni la relance de Thomas Voeckler et de Warren Barguil n’empêchent le retour d’un groupe d’une dizaine d’éléments dans lequel figure Nacer Bouhanni qui possède encore trois coéquipiers à ses côtés. L’affaire semble pliée pour le sprinteur vosgien, évidemment le plus rapide du groupe.

Mais comme chacun sait, la victoire n’est jamais acquise en cyclisme tant que la ligne n’est pas franchie. Et même si le maillot bleu-blanc-rouge lui tend les bras à l’entame de la dernière ligne droite, Nacer Bouhanni va comprendre brutalement qu’un Championnat de France tient à bien peu de choses. Anthony Roux (FDJ) se rabat trop rapidement sur la gauche de la voie et touche la roue-avant de son ancien coéquipier. Bouhanni ne peut éviter la chute et heurte violemment le sol. Ses espoirs de titre s’envolent pendant qu’une porte inespérée s’ouvre pour Steven Tronet (Auber 93). Initialement 2ème, Anthony Roux est finalement déclassé par les commissaires pour son sprint irrégulier.

Celui qui réalise sa neuvième année professionnelle n’a jamais eu la chance de découvrir le plus haut niveau, toujours resté cantonné à la troisième division, chez Roubaix Lille Métropole, puis chez Auber 93, faisant de lui l’un des coureurs les plus anciens à ce niveau. À 28 ans, le Calaisien va voir son rêve s’accomplir enfin, quelques jours après la belle victoire qu’il a remportée sur la Route du Sud. Quand Tony Gallopin (Lotto-Soudal) produit son effort, le Nordiste se cale dans le sillage du Francilien pour mieux le déborder. Et quand Nacer Bouhanni tombe, Steven Tronet a déjà pris quelques mètres d’avance qu’il tâchera de conserver jusqu’à la ligne. Il offre ainsi à Stéphane Javalet  son deuxième titre national, quinze ans après celui de Christophe Capelle. C’était déjà en Vendée, au Poiré-sur-Vie à quelques kilomètres de Chantonnay…

Classement :

1. Steven Tronet (Auber 93) les 247,7 km en en 5h58’11 » (41,4 km/h)
2. Tony Gallopin (Lotto-Soudal) à 3 sec.
3. Sylvain Chavanel (IAM Cycling) m.t.
4. Warren Barguil (Giant-Alpecin) m.t.
5. Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step) m.t.
6. Thomas Voeckler (Team Europcar) m.t.
7. Julien Antomarchi (Roubaix Lille Métropole) à 6 sec.
8. John Gadret (Movistar Team) m.t.
9. Julien Simon (Cofidis) à 10 sec.
10. Alexis Vuillermoz (Ag2r La Mondiale) à 18 sec.