Sur les hauteurs de Cherbourg, où le Tour avait eu la bonne idée de se hisser pour doucement élever le débat à peine vingt-quatre heures après sa prise d’envol, les parapluies étaient de sortie. Mais pas déployés. La précaution valait surtout au regard d’un ciel chagrin qui accompagnait la course depuis son départ de la préfecture de la Manche, Saint-Lô, 183 kilomètres plus tôt. De cette épaisse grisaille qui effaçait l’horizon et maquillait encore l’été aux couleurs d’une autre saison, la mémoire collective n’allait pourtant retenir qu’un arc-en-ciel tirant sur le jaune.

Mais parce que pour briller, un arc-en-ciel nécessite impérativement la conjonction du soleil et de la pluie, il était presque écrit qu’un bonheur de Peter Sagan (Tinkoff), 3ème à Utah Beach hier et mieux placé que Mark Cavendish (Dimension Data) et Marcel Kittel (Etixx-Quick Step) dans la perspective d’aller chercher l’étape et le maillot jaune en haut de la côte de la Glacerie, s’accompagnerait d’une désillusion d’Alberto Contador (Tinkoff). Le grimpeur madrilène, deux fois vainqueur du Tour de France en 2007 et 2009, avait déjà passé son côté droit à la râpe hier lorsqu’il avait fait une cabriole par-dessus un îlot directionnel. Et le mauvais œil allait encore le fixer tandis que le peloton remontait la Manche pour la seconde fois en deux jours. Jusque dans le Cotentin cette fois. Une chute sur l’épaule déjà endommagée à 120 kilomètres de l’arrivée, et Alberto Contador voyait ses chances de se retaper se compliquer.

S’il s’agissait, pour les favoris, de passer correctement les premières étapes jusqu’au premier contact avec la moyenne montagne mercredi dans les monts du Cantal, deux d’entre eux auront laissé plus que des plumes sur les routes normandes. Car la montée de la Glacerie (5,2 %), qui ponctuait les 3 derniers kilomètres de l’étape, était suffisamment rude pour refroidir ceux que le mauvais sort avaient pris pour cible. Robert Kiserlovski avait beau encourager de toutes ses forces son leader amoché, Alberto Contador allait lâcher 48 secondes dans ce premier effort. Ce qui restera toujours moindre que le débours de Richie Porte (BMC Racing Team), 1’45 », provoqué par une crevaison de l’arrière à 5 kilomètres de l’arrivée… alors que plus aucun équipier n’était disponible pour lui céder une roue au cœur d’un peloton qui s’était décimé en entrant à toute berzingue dans Cherbourg, où trois échappés le précédaient encore.

Peter Sagan met fin à trois années de disette et une impressionnante série de places d’honneur.

L’attaque portée par Paul Voss (Bora-Argon 18) sitôt le peloton parti de Saint-Lô était téléphonée. Avec trois côtes répertoriées dans le premier quart de l’étape, le porteur du maillot à pois avait à cœur de consolider sa position au classement de la montagne, ce pourquoi il faisait le départ avec son coéquipier Cesare Benedetti. Mais il allait devoir compter avec Vegard Breen (Fortuneo-Vital Concept), qui le précédait à Thorigny-les-Villes, et surtout Jasper Stuyven (Trek-Segafredo), qui égalisait en franchissant devant les côtes de Montabot et Montpinchon. Les efforts fournis par le quatuor de tête, devenu trio après le décrochage de Benedetti, semblaient quasiment vains puisque dès lors le maillot à pois était promis au premier coureur, d’où qu’il vienne, qui franchirait la côte de la Glacerie (classée en 3ème catégorie) à 1500 mètres du but. Pour autant les attaquants n’étaient pas prêts à plier.

A mesure que l’on approchait du final, sous une nouvelle saucée, il semblait de moins en moins acquis que le peloton rentre sur les éclaireurs matinaux. La triplette se présentait dans la côte d’Octeville, à 9 kilomètres du but, avec deux minutes d’avance. Et Jasper Stuyven s’en servait de tremplin pour attaquer seul la montée de la Glacerie, doté d’une grosse minute d’avance. Malheureusement les efforts consentis par le Belge tout au long de cette grise journée et la forte déclivité de la pente à la sortie de Cherbourg allaient lui coûter la gloire. Si Stuyven passait bien en tête le dernier « Grimpeur » pour s’emparer du maillot à pois, il allait se rendre à 400 mètres du but à un peloton à l’avant duquel s’agitait déjà Peter Sagan (Tinkoff), bien loin du destin qui était celui de son leader.

Si la bosse finale était bien trop dissuasive pour les purs sprinteurs, ce qui remettait en jeu le maillot jaune de Mark Cavendish, elle demeurait taillée pour des finisseurs de la trempe de Peter Sagan… ou Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step). Le Berrichon, qui découvre le Tour, produisait son effort en vue du portique d’arrivée pour prendre la main, mais Peter Sagan avait bien assez de ressources pour bondir sur lui et mettre fin, après trois années de disette, à une impressionnante série de places d’honneur (quinze places de 2 ou 3 depuis sa victoire à Albi en 2013). Une patience récompensée par l’obtention du maillot vert, qu’il a déjà ramené quatre fois à Paris, et bien plus encore par un maillot jaune qu’il portera demain pour la première fois.

Alors que Contador et Porte vivaient leurs premières heures sombres sur ce Tour de France, les favoris se massaient tous ou presque dans le Top 20, où l’on retrouvait Chris Froome (Team Sky), mais aussi Fabio Aru (Astana), Wilco Kelderman (Team LottoNL-Jumbo), Daniel Martin (Etixx-Quick Step), Bauke Mollema (Trek-Segafredo), Nairo Quintana (Movistar Team), Tejay Van Garderen (BMC Racing Team), Adam Yates (Orica-BikeExchange), et les Français Warren Barguil (Giant-Alpecin), Tony Gallopin (Lotto-Soudal) et Pierre Rolland (Cannondale). Seuls Vincenzo Nibali (Astana) et Thibaut Pinot (FDJ) auront concédé un peu de temps, 11 secondes, sur une micro-cassure, avant d’entamer demain leur descente sur le Massif central par une troisième étape Granville-Angers (223,5 km).

Classement 2ème étape :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) les 183 km en 4h20’51 » (42,0 km/h)
2. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) m.t.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) m.t.
4. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) m.t.
5. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
6. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
7. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Soudal) m.t.
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
9. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) m.t.
10. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.

Classement général :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) en 8h34’42 »
2. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 8 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 10 sec.
4. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 14 sec.
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.
6. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
7. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
8. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) m.t.
9. Simon Gerrans (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
10. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) m.t.

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 87 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 63 pt
3. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 50 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 40 pt
5. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) 33 pt
6. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 25 pt
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 21 pt
8. Cesare Benedetti (ITA, Bora-Argon 18) 20 pt
9. Leigh Howard (AUS, IAM Cycling) 20 pt
10. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 20 pt

Classement de la montagne :

1. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo) 4 pt
2. Paul Voss (ALL, Bora-Argon 18) 2 pt
3. Vegard Breen (NOR, Fortuneo-Vital Concept) 1 pt
4. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) 1 pt

Classement des jeunes :

1. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) en 8h34’50 »
2. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) m.t.
3. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo)
4. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) à 6 sec.
5. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) à 17 sec.
6. Lawson Craddock (USA, Cannondale-Drapac) à 23 sec.
7. Eduardo Sepulveda (ARG, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
8. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) m.t.
9. Patrick Konrad (AUT, Bora-Argon 18) m.t.
10. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 41 sec.

Prix de la combativité :

1. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo)

Classement par équipes :

1. Orica-BikeExchange (AUS) en 25h44’48 »
2. Team Sky (GBR) m.t.
3. Movistar Team (ESP) à 21 sec.
4. FDJ (FRA) à 22 sec.
5. Astana (KAZ) à 26 sec.
6. Cannondale-Drapac (USA) à 34 sec.
7. Team Katusha (RUS) à 35 sec.
8. Ag2r La Mondiale (FRA) à 36 sec.
9. Lampre-Merida (ITA) à 45 sec.
10. Etixx-Quick Step (BEL) à 48 sec.