En nous envolant pour le Colorado il y a dix jours, nous pensions partir à la conquête de l’Ouest. Or, à notre retour en France, il faut bien le reconnaître, c’est l’Ouest qui nous a conquis ! Du 20 au 26 août, Vélo 101 s’est lancé à la découverte du Tour du Colorado, première rédaction européenne invitée à apprécier la qualité de cette course nouvelle, fondée il y a un an, et qui s’est déjà faite une place en or au calendrier. Une vraie curiosité nous animait au moment de constater comment le cyclisme s’est implanté dans ce pays qui, croit-on à grand tort, n’en possède pas la culture. Longtemps marginalisé, le vélo aux USA s’est développé au rythme où les champions américains conquéraient le Vieux Continent. Aujourd’hui de sublimes épreuves y voient le jour et se tirent mutuellement vers le haut. Mieux, elles sont en train de réinventer le vélo.

En déambulant dans les rues de Durango, ville du Far West retenue comme point de départ de la 2ème édition du Tour du Colorado, les évidences n’ont pas tardé à contredire les préjugés faits, par définition, pour être contestés. Ici, les cyclistes se sont depuis longtemps substitués aux chercheurs d’or, les parcs à vélos aux abreuvoirs à chevaux, les magasins de cycles où se marient bijoux technologiques et pièces de collection aux saloons. Le constat est on ne peut plus flagrant : le vélo a depuis longtemps colonisé les cités coloradanes. Dans la station chic d’Aspen, on recense jusqu’à douze boutiques cyclistes pour 6000 habitants, tenues par de vrais connaisseurs, des passionnés emprunts de culture cycliste. Peut-être a-t-on trop tendance à l’oublier, mais la bicyclette est un élément universel. Ne restait plus aux Américains qu’à lui trouver une place dans un cadre compétitif. Les routes sublimes du Colorado n’attendaient que cela.

Le Tour du Colorado est ainsi né, dans la foulée des Tours de Géorgie et du Missouri (aujourd’hui disparus), de l’Utah et de Californie. Il offre une formidable vitrine au cyclisme américain, dont l’après-Armstrong est aujourd’hui incarné par une génération dorée représentée par Tejay Van Garderen, 5ème et meilleur jeune du Tour 2012, Taylor Phinney sur les contre-la-montre et certainement, parce qu’il les aime, un futur grand coureurs de classiques, et Jo Dombrowski, qui semble avoir le potentiel pour devenir un grimpeur hors pair, ce qui devrait bientôt être reconnu en Europe. On parle de lui chez Sky ou BMC pour 2013… Des jeunes garçons qui possèdent pour eux le sens de la communication. Aux Etats-Unis, en plus des autographes, c’est via des tapes dans les mains des supporters qu’ils affichent leur proximité et leur accessibilité.

Le public en est friand, et on n’a eu qu’à constater son enthousiasme frénétique. Sur le bord des routes européennes, le constat est le même : la population vieillit. Les jeunes, dit-on, se tournent vers des disciplines plus funs. Or outre-Atlantique, ce sport moins populaire que ne le sont le baseball, le basket ou le football américain, attire un public majoritairement jeune, nécessairement enthousiaste, forcément passionné. Ici, on vient apprécier l’effort sportif avant de mendigoter un cadeau publicitaire. Et quand on se déguise comme à Halloween, c’est pour partager un moment de plaisir entre supporters, pas pour faire le zouave devant la moto télé. « 17 heures de route pour être ici », affichait fièrement un spectateur sur les pentes terreuses de l’Independence Pass, à 3687 mètres d’altitude. Samedi, portés par une nuée de spectateurs dans Flagstaff Mount, les coureurs ont vécu l’une des plus fameuses journées de leur vie sur un vélo…

On dit qu’aux USA, le vélo est le nouveau golf, il semble que ce soit de plus en plus vrai. Nombre de spectateurs sont aussi des pratiquants, venus à vélo sur les routes du Tour du Colorado. L’occasion de constater le fort pouvoir d’achat des cyclistes américains, estimable à la valeur des pick-up ou des vélos, dont les plus belles marques américaines et européennes sont privilégiées. Il est en outre intéressant de noter à quel point les Etats-Unis mettent un point d’honneur à offrir des programmes à l’attention des jeunes, par le biais de systèmes de détection comme chez Bontrager-Livestrong, par l’implication des tout petits ou l’organisation de rassemblements cyclos en marge des grandes compétitions. Pour attirer les jeunes, il faut aussi des icônes. En cela les anciens champions sont les premiers à se mobiliser, quelles que soient les disciplines.

Et si l’avenir du cyclisme était de l’autre côté de l’Atlantique ? Qu’on se le dise, le rêve américain existe toujours. Les grands événements fleurissent sur un territoire absolument adapté à sa pratique. Côté organisation, une compétition comme le Tour du Colorado n’a absolument rien à envier à ce qui se fait en Europe. Sécurité optimale, bénévoles adorables, routes larges au revêtement parfait… sans parler du panorama saisissant à travers lequel on réécrit à vélo les grandes pages de la conquête de l’Ouest, sous le regard des cowboys ou des troupeaux de bisons. Ce cyclisme-là a tout pour séduire, beaucoup d’idées nouvelles à apporter aux courses européennes en mal de renouveau. Oui, on peut le dire avec certitude, le cyclisme a un avenir aux Etats-Unis. Reste seulement à pérenniser les événements en fidélisant les partenaires outre-Atlantique. Et c’est sans doute là, désormais, le grand défi des années à venir.