Edvald Boassen-Hagen (Team Sky) est un homme discret. Malgré la renommée mondiale qu’on lui connaît depuis de nombreuses années déjà, le jeune norvégien ne sort que rarement de son silence, souvent intimidé par les (trop) nombreux médias qui le suivent tout au long de l’année. A seulement 25 ans, le coursier de la formation Sky compte déjà plusieurs succès en tout genre : des classiques, comme Gand-Wevelgem, des titres nationaux (il en compte six), et des étapes de grands Tours, comme au Giro en 2009, ou par deux fois sur le Tour de France 2011. Le week-end dernier, Boassen-Hagen a encore une fois démontré tout son talent en remportant d’une main de maître un GP de Plouay qui semblait destiné, encore une fois, aux purs sprinteurs.

Le matin même, présentation des équipes. Alors qu’il fait partie des têtes d’affiches de l’édition 2012, le coureur vêtu du maillot de champion de Norvège  n’est pas tant que ça demandé par les médias, ou encore les spectateurs, la faute à deux autres grands noms du cyclisme : la star Peter Sagan (Liquigas-Cannondale), et le néo-pro Arnaud Démare (FDJ-BigMat), les deux favoris du public. Pourtant, Boassen-Hagen se sent bien. Très bien. « Je me sens bien, l’équipe aussi, nous sommes forts. » A la question « Le scénario idéal pour vous aujourd’hui ? », il répond, d’un rire gêné, « si je pouvais gagner, ça serait parfait ! ». Comme s’il s’agissait d’une pensée interdite, tant Sagan, alias « Tourminator », paraît fort. Ou d’une manière de délester la pression sur les autres, et continuer son chemin, sans trop de vagues.

Au fil de la course pourtant, les choses ne se passent pas comme prévu. Alors que le nouveau circuit devait garantir une arrivée sans sprint massif, c’est bien vers cette situation-là que nous semblons nous diriger. Il reste cinq kilomètres, le peloton est groupé, mais pas de Sagan ou Démare à l’horizon, le premier ayant abandonné, l’autre ayant été lâché. Quand Rui Costa (Movistar Team) lance les hostilités, en attaquant dans la dernière difficulté du jour, la côte de Ty- Marrec. Très discret jusque là, Edvald Boassen Hagen suit le mouvement, et parvient à contrer le coureur de Movistar. Seul face à un peloton mené par les équipes de sprinters, il fait parler tout son talent, sa puissance, et son panache. Et finit par s’imposer, avec seulement cinq secondes d’avances sur Heinrich Haussler, vainqueur du sprint du peloton.

Après l’arrivée, entouré par une flopée de journalistes, le coureur de 25 ans prend son temps. Savoure. Attend le dernier moment avant de s’installer sur une chaise pour répondre à des médias. Et s’expliquer sur une course difficile à manœuvrer. « J’ai attendu jusqu’au dernier moment avant d’attaquer, ça n’a pas été évident d’attendre autant. Mon équipe a fait le travail pour que je me maintienne aux avant-postes, j’ai laissé mourir le coureur qui faisait figure de vainqueur (Rui Costa), et je suis parti. J’aime bien le circuit, on m’avait parlé de cette nouveauté, mais nouvelle difficulté ou pas, finalement ça n’a pas changé grand-chose. » Avant de se diriger vers le podium, devant des milliers de spectateurs, recevoir les coupes, le bouquet. Et de repartir le plus rapidement possible, dans l’ombre, à l’abri des regards, jusqu’à la prochaine course. – Mathilde L’Azou