Combien sont-ils, massés épaules contre épaules, à se présenter dans les faubourgs de Liège au bout d’une escapade de 250 bornes à travers le massif ardennais ? Une grosse quinzaine que la brève liaison entre la côte de Saint-Nicolas, qui les a catapultés devant à 5 kilomètres de l’arrivée, et l’entrée dans Ans, terme de Liège-Bastogne-Liège, n’a pas laissé le temps d’inventorier avec précision. On a relevé la présence d’Alaphilippe et de Bardet côté français. Sont également là Costa, Fuglsang, Henao, Kreuziger, Nibali, Pozzovivo, Rodriguez et Valverde. Quand quantité et qualité font écho ! Il n’y aura donc rien eu à faire pour épargner à la doyenne d’entre elles du synopsis de plus en plus convenu observé sur les classiques printanières : une course d’attente qui débouche sur la formation d’un essaim de favoris dans la finale.

Même les rampes de la côte de Saint-Nicolas, sur lesquelles s’étaient progressivement déportés les assauts décisifs ces dernières années, n’auront pas eu cette fois le dernier mot. Si bien qu’il aura fallu attendre le haut de la côte d’Ans, son virage à gauche et le dernier bout droit vers la ligne d’arrivée, pour que s’établisse, dans les derniers instants, la hiérarchie du jour. Disons même celle du moment, puisque ce sont les mêmes Alejandro Valverde (Movistar Team) et Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step) que l’on retrouve, comme mercredi en haut du mur de Huy, sur les deux premières marches du podium. Dire pourtant que Julian Alaphilippe a attendu de jouer des coudes pour faire sa place au terme d’une campagne ardennaise qui l’a projeté dans une nouvelle dimension – 7ème de l’Amstel Gold Race, 2ème de la Flèche Wallonne – serait une hérésie. Car avant ce sprint en comité royal, il y a bien eu une course. Et Alaphilippe y a tenu son rôle.

Dans les Liège-Bastogne-Liège contemporains, il ne faut plus attendre de mouvement avant la côte de la Roche-aux-Faucons qui annonce l’entrée dans les 20 derniers kilomètres. Les huit coureurs qui auront occupé la tête de course une partie de la journée (Benedetti, Chevrier, Minnaard, Montaguti, Quaade, Turgis, Ulissi et Vergaerde) ont déjà déserté les premiers rangs depuis une bonne heure, ravalés à 70 kilomètres de l’arrivée, lorsque s’y présente le peloton. Un peloton diminué, réduit à une quarantaine d’unités, après une première sélection opérée dans le triptyque Wanne-Stockeu-Haute-Levée, mais surtout une importante chute survenue juste avant la Redoute à 40 kilomètres de Liège. Une Redoute qui n’a plus de mythique que les exploits du passé, car désormais c’est à un rythme de sénateur que les favoris la passent.

Seule l’équipe Astana prend sérieusement ses responsabilités.

A cet instant de la course, seule l’équipe Astana a sérieusement pris ses responsabilités. Une accélération d’Andriy Grivko puis une attaque conjointe dans la côte de la Haute-Levée de Tanel Kangert et Michele Scarponi, flanqués de Johan-Esteban Chaves (Orica-GreenEdge), préfigure comme sur l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne une action de Vincenzo Nibali. Mais le champion italien retarde son entrée en scène, et c’est Jakob Fuglsang qui s’y colle pour Astana quand de la Roche-aux-Faucons s’extirpent Roman Kreuziger (Tinkoff-Saxo) et Giampaolo Caruso (Team Katusha). Cette fois la course est lancée, débridée. Julian Alaphilippe remue, tente un temps de colmater la brèche avec quelques autres, dont Romain Bardet (Ag2r La Mondiale), mais le peloton revient sur tout le monde avant la côte de Saint-Nicolas.

Cette fois Vincenzo Nibali parachève l’excellent travail de sape de sa formation. Il met le feu aux poudres dans les forts pourcentages de la côte liégeoise avant que Sergio Henao (Team Sky) ne renchérisse, l’un comme l’autre marqués par l’indécrottable Julian Alaphilippe, qui ne perd rien des manœuvres d’une classe de champions dont il toque déjà à la porte à seulement 22 ans. En haut de la difficulté stratégique, il reste devant une grosse quinzaine d’hommes. Pas le temps de compter les points, Romain Bardet tente d’anticiper le sprint vers lequel chacun se projette en démarrant au cours du moment de flottement qui suit d’ordinaire la montée de Saint-Nicolas, mais il est tout de suite pris en chasse et ramené au cœur d’un peloton qui avance en rangs serrés vers le pied de la côte d’Ans. A l’exception de Daniel Moreno (Team Katusha), qui tentera sa chance à son tour, on ne trouvera personne pour contester une décision au sprint.

Resté aux aguets toute la journée, le grandissime favori qu’est Alejandro Valverde, deux fois vainqueur (2006 et 2008), deux fois 2ème (2007 et 2014), deux fois 3ème (2010 avant déclassement et 2013), fait l’effort au moment opportun. C’est lui qui bouche le trou sur Dani Moreno, suivi par Joaquim Rodriguez, pour virer en tête dans la dernière ligne droite et lancer un sprint qui va le mener vers une troisième victoire dans Liège-Bastogne-Liège au lendemain de son 35ème anniversaire. Un peu court au démarrage de Valverde, Julian Alaphilippe attaque le sprint avec un petit temps de retard pour venir mourir au 2ème rang comme il l’avait fait mercredi à Huy. Derrière un intouchable Valverde mais encore devant Joaquim Rodriguez, et avec la promesse de jouer à l’avenir un rôle majeur dans les classiques ardennaises.

Classement :

1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) les 253 km en 6h14’20 » (40,6 km/h)
2. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) m.t.
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
4. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) m.t.
5. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) m.t.
6. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.
7. Sergio-Luis Henao (COL, Team Sky) m.t.
8. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
9. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) m.t.
10. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) m.t.