Bien joué l’artiste ! Un mot nous vient à l’esprit, une fois la lecture achevée : époustouflant. En effet, ça décoiffe.

Un énième bouquin sur le vélo? Pas du tout. Il faut attendre la page 136, les 2/3 pour que ça cause vélo. Avant ça, tout débute le 23 juillet 1989, jour dont tout le monde se souvient, car c’est celui de Greg Lemond, et de ses 8 secondes d’avance sur les Champs-Elysées. C’est aussi le jour de la première victoire de William, en cadets. Sur le podium, derrière lui, le maire du village applaudit le petit, aucun des deux ne le sait sans doute, mais il y a le père et le fils réunis sur la même photo. Ils ne se recroiseront plus jamais.

William Turnes est né le 8 mars 1973 à Aix-les-Bains, enfance heureuse à Jarrier. Sportif de talent, en vélo comme sur les skis, mais pas assez sérieux pour faire le métier, il passe à côté des promesses qui en resteront là. Moniteur de ski, aux Deux Alpes, guerre ouverte entre l’ESF (école du ski français) et l’ESI (école de ski internationale), guerre exacerbée à La Toussuire ensuite. Concurrence loyale, déloyale, plaintes, attaque, coups bas… Jusqu’à l’irréparable « William, né d’un père inconnu ».

 

Un cadeau d’anniversaire, à 35 ans, dont l’auteur va chercher à se remettre, si tant est que… Essayer de comprendre (avec le soutien remarquable de sa femme Maryline), en remontant le fil de son histoire. Vers son père et sa maman tout d’abord, mais celle-ci disparaît à tout jamais très vite, après qu’ils aient pu évoquer le sujet d’un non-dit vieux de 35 années. Vers son père de sang ensuite, ou plutôt de sa famille, car ce père biologique, footballeur professionnel à Grenoble, est décédé 4 ans auparavant. Va pour la famille, très bienveillante, William Turnes, de sang Perli, va découvrir ses soeurs et frères, « tombés du ciel ».

Ce sont 135 pages, pleines de pudeur, d’introspection, de vérité que Wiwi nous livre, à coeur ouvert pour expliquer une déchirure dont on ne se remet jamais vraiment. William Turnes en profite pour militer en faveur d’une loi qui permettrait aux enfants de connaître leurs origines, loi qui aurait pu naître du mariage pour tous, car c’est facile de comprendre pour un enfant né dans une famille homosexuelle, voire pour un enfant de couleur différente de ses parents, mais quand un enfant grandit au milieu d’un couple hétérosexuel, comment anticiper, appréhender, savoir si les parents n’assument pas leur rôle jusqu’au bout (William évoque un cas sur 30 enfants, c’est dire si la question mérite d’être posée).

Le dernier tiers de l’ouvrage est consacré au vélo, ou comment, quand on fait 1m80 pour 103 kilos en juillet 2011, on termine 32ème de l’étape du Tour à La Toussuire en 2012, puis 5ème en 2015, avant de remporter le Challenge Cyclo DT Swiss en 2016, et devenir le meilleur cyclosportif français. Où comment prendre une revanche sur la vie, se reconstruire, se réhabiliter aussi peut-être à travers le sport et le vélo. Le poids des ans joue forcément un peu plus maintenant, mais on se dit que pour battre un gars comme William Turnes sur le vélo, il faut être bien supérieur physiquement car, côté mental, il est indestructible, après de telles expériences de vie, pas communes, on le serait aussi, enfin certains.

C’est toujours bien écrit, avec les innombrables « je », forcément, mais c’est un récit passionnant à vivre, à lire, surtout quand on connaît un peu William Turnes, sur et en dehors du vélo.

Cycliste à l’esprit ouvert, il n’élude pas le dopage dont ses performances ont forcément éveillé les soupçons chez des jaloux, des faibles, des « qui veulent se rassurer à pas cher ». Pas de raisons que le vélo en soit exempt, surtout le vélo !

En un mot, comme en deux cents pages, un livre qui se lit comme un roman, on n’est pas à la télé et son célèbre « vous avez 4 heures », là, quand vous prenez le livre, prévoyez 4 heures car une fois commencé, vous ne vous en détacherez pas.

William Turnes, un personnage de roman, il évoque un second bouquin, pourquoi pas un film ? Clap ! ça Turnes ???

 

William Turnes, « Contrôlé Bâtard » éditions Derrier, décembre 2017, 200 pages, 25 euros.

Pour commander l’ouvrage: www.william-turnes.fr