On a beau dire de Liège-Bastogne-Liège qu’elle s’offre au plus méritant, les coureurs la considérant avant tout comme une course de survie, le résultat a de plus en plus souvent de quoi chagriner. On n’a surtout rien contre les quatre coureurs qui auront fait la différence sur la fin, car il fallait le faire au terme d’une course plus rude que jamais de par ses conditions météorologiques dignes d’un jour d’hiver, mais franchement on a un peu – beaucoup – le sentiment de n’avoir rien vu des favoris. Vraisemblablement cités à ce rang par erreur.

Si elle demeure courtisée, la doyenne des classiques se meut de plus en plus difficilement avec l’âge. A 124 ans, on a bien du mal à faire bouger la vieille dame. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, du côté de l’organisation. Ce ne sont pas des rides mais des côtes que prend Liège-Bastogne-Liège avec le temps. Et si la côte de Saint-Nicolas a été éloignée d’un kilomètre et demi par rapport à la ligne d’arrivée à Ans, c’était aujourd’hui pour mieux introduire un crochet inédit par la rue Naniot, une rue pavée dont les 600 mètres rectilignes à 2500 mètres du but offraient un tremplin idéal à qui voudrait fausser le jeu des favoris, qui trop souvent s’en remettent au sprint dans les faubourgs de Liège.

C’était l’inconnue du jour. Une nouveauté qui a eu en contrepartie la peau de la côte de Stockeu, dont les pentes avaient autrefois pour effet d’essaimer le peloton. Mais qu’importe au fond le nombre et la difficulté des bosses qui se succèdent tout du long des 248 kilomètres dans les Ardennes. Le peloton a pris le parti d’arriver le plus compact possible dans le quartier de Saint-Nicolas.

Quitte à dédaigner les côtes de la Redoute et de la Roche-aux-Faucons, gravies au train (des Movistar pour la première, des Etixx-Quick Step pour la seconde) par un peloton qui n’avait pour aspiration que de rattraper les derniers rescapés d’une échappée matinale lancée après 12 kilomètres par Alessandro De Marchi (BMC Racing Team) et Nicolas Edet (Cofidis), les derniers rejoints au pied de la Roche-aux-Faucons à 20 kilomètres de l’arrivée, qu’auront accompagnés un temps Cesare Benedetti (Bora-Argon 18), Pavel Brutt (Tinkoff), Thomas De Gendt (Lotto-Soudal), Vegard-Stake Laengen (IAM Cycling), Jérémy Roy (FDJ) et Paolo Tiralongo (Astana).

Ce ne sont donc pas tant les offensives qui avaient fragilisé le peloton encore conséquent après la côte de Saint-Nicolas – une trentaine d’hommes à peine remués par les accélérations d’Ilnur Zakarin (Team Katusha) et Diego Rosa (Astana) –, mais ce temps de Flahute auquel la classique ardennaise semblait envier aujourd’hui le magnétisme de ses consœurs flandriennes. De la pluie, du froid, de la neige, de la grêle… De quoi frigorifier jusqu’aux prétentions des coureurs attendus pour la gagne, à commencer par Alejandro Valverde (Movistar Team), invisible dans sa quête d’un nouveau doublé ardennais (16ème), ce dont n’aura su profiter son premier duelliste Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step), qui entraînait bien fébrilement le peloton dans sa roue à l’assaut de la rue Naniot. Sans oser ou pouvoir se démarquer si près d’en finir avec cette journée de calvaire.

Il fallait encore un vieux de la vieille d’Orica-GreenEdge, le Suisse Michael Albasini, pour saisir l’opportunité que lui offrait cette courte rue pavée qui méritera, dans le futur, d’être mieux exploitée par les grands favoris. Souvent très à l’aise sur la Flèche Wallonne, dont il a déjà foulé deux fois le podium, le coureur de 35 ans prenait la tête du paquet sur les pavés luisants pour asséner de gros coups de pédales auxquels ne répondaient, dans la difficulté, que Rui Costa (Lampre-Merida), Wout Poels (Team Sky) et Samuel Sanchez (BMC Racing Team). L’avance, bien que brève, avec laquelle le quatuor plongeait en direction de la côte d’Ans à 2500 mètres du but laissait entrevoir la possibilité que le vainqueur se trouve parmi les quatre.

Pourtant personne n’accordait le moindre relais à Michael Albasini, qui sans renoncer insistait encore et encore jusque dans la côte d’Ans. Là, à hauteur du dernier kilomètre, le Suisse essayait de sortir de son aspiration ses trois sangsues. Mais il s’exposait à une contre-attaque de Wout Poels. Dès lors, le Néerlandais de 28 ans – vainqueur cette saison du Tour de Valence et d’une étape du Tour de Catalogne – tenait tête au Suisse. Il plaçait son accélération décisive dans le dernier virage, pour tenir en respect Michael Albasini, Rui Costa et Samuel Sanchez. Et s’adjuger de la sorte, en 3 kilomètres bien sentis, sa première classique.

Classement :

1. Wouter Poels (PBS, Team Sky) les 248 km en 6h24’29 » (38,7 km/h)
2. Michael Albasini (SUI, Orica-GreenEdge) m.t.
3. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) m.t.
4. Samuel Sanchez (ESP, BMC Racing Team) à 4 sec.
5. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 9 sec.
6. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 11 sec.
7. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) à 12 sec.
8. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
9. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) m.t.
10. Diego Rosa (ITA, Astana) m.t.