Mon Ventoux ou comment un projet géant mené par les Flandriens de Sporta amène, depuis 9 ans maintenant 2500 Belges dont quelques Wallons en plus de quelques Français, à gravir le Géant de Provence le plus de fois possible sur une tranche de 12 heures à compter de 7h30 du matin.

Ce 22 juin est l’aboutissement d’une campagne menée à partir d’octobre 2012 par Sporta qui vise à amener le maximum de sédentaires à pratiquer le sport, tous les sports, à travers des programmes d’entraînements adaptés et avec l’appui de centaines de clubs à travers toute la Flandre. Le but ultime, pour ceux qui se mettent au cyclisme, c’est de gravir ce qui est l’Everest des Belges, le Ventoux soi-même. La première année, c’était sur 24 heures, maintenant les responsables ont aussi pensé à l’aspect fête et c’est sur 12 heures de 7h30 à 19h30 que les trois côtés du Ventoux voient défiler des vélos, des vélos de ville, des VTT, etc. Quand on aime, on ne compte pas et encore moins les litres de sueur qui ont été déversés sur les pentes chauffées à blanc du géant, ce samedi 22 juin.

Depuis 9 ans déjà, et pour la seconde fois, l’organisation a apporté une touche supplémentaire au dispositif. Créer une cyclosportive, sans véritable classement, mais avec des compétiteurs, certains issus du projet Ventourist, de tous niveaux. Au total 1100 coureurs qui ont un peu zappé la fête de la musique pour se réveiller aux aurores et s’attaquer au Ventoux par Bedoin, dès 6h30 du matin. C’est à la Cannibale qu’on s’est attaqués, 4567 mètres de dénivellation pour 173 kilomètres (une journée à 200 avec le retour pitons sur Bedoin) et six cols répartis sur le Vaucluse et sa voisine la Drôme. Une version light, la Cannibalette est proposée avec quatre cols, dont deux fois le Ventoux.

Véritable organisation flamande transposée en France, la logistique de cette cyclosportive est impressionnante. Chacun est équipé de puces. Les contrôles se font au départ bien sûr, puis au Châlet Reynard, au sommet avec passage par le parking du dessous pour éviter que les coureurs se croisent, à Sault, puis au sommet de chacun des cols: de l’Homme Mort à 1242 mètres, par Ferrassières, puis les cols Saint-Jean, du Perty, et d’Aulan avant un retour sur Sault par Aurel pour une arrivée au sommet. À chaque sommet un ravitaillement solide et liquide est proposé (dix points de ravitaillement au total, 6000 litres de boisson énergétique, 7340 bananes, etc.), un poste de secours (six médecins, un hôpital de campagne, vingt défibrillateurs), des toilettes (quarante-deux sanisettes), bref une organisation parfaite ou pas bien loin, pilotée avec 137 personnes (dont trente-huit de Sporta en plus des bénévoles, masseurs, motards, etc.). À notre avis, une des organisations les plus professionnelles qu’il nous ait été donné de vivre. C’est bien simple une organisation pour des cyclistes et par des cyclistes. Il suffit de voir les emplacements des ravitaillements : toujours bien placés, sans risque de créer de gênes pour ceux qui ne s’arrêtent pas et ceux qui se sont arrêtés ne gênent pas non plus la circulation. Si on ajoute à ça, que les Belges ont une vraie culture du vélo, des relais, des bordures, des moyens de déventer celui qui est derrière, on a passé une superbe journée.

Pour tous ceux et celles qui veulent découvrir la région et ne pas faire que grimper le Ventoux, même avec ses trois côtés tous différents (on pense aux supporters qui seront là pour le dimanche 14 juillet et l’étape du Tour Givors-Le Mont Ventoux), les quatre cols proposés ce samedi sont tous à découvrir que se soit dans le sens de la Cannibale 2013 ou celui de 2012 qui attaquait le Ventoux par Malaucène. Jamais très hauts (1250 mètres en moyenne), les cols de l’Homme Mort qui redescend sur Sederon en passant par le col de Macuègne, vous font apprécier les champs de lavande à perte de vue et avec les senteurs qui vont aller crescendo d’ici juillet. Un col roulant, facile, très exposé au soleil et au vent, mais une bonne mise en jambes. Ensuite, c’est le col Saint-Jean, plus marqué avec des épingles pour relancer, même s’il n’est pas très long (7 km à partir d’Egalayes). Puis c’est le col du Perty, le plus beau de cette enfilade, sur 9 kilomètres, bien découpé là aussi pas très dur, et avec une vue splendide sur les contreforts du Ventoux. Dernier du quartet, le col d’Aulan nous ramène vers l’Ouvèze et toute une vallée somptueuse qui apporte son lot de fraîcheur. Pour ceux qui veulent couper, la Cannibalette propose une version 131 kilomètres, où après Séderon, on tire vers Villefranche-le-Château. On a gommé Saint-Jean et Perty, 42 kilomètres et un peu plus de 1000 mètres de dénivellation.

Le retour se fait par Montbrun-les-Bains, un des plus beaux villages de France, Aurel en faux plat montant, puis Sault et son contrôle obligatoire puis la remontée par le Châlet Reynard et l’arrivée au sommet par la route qu’emprunteront les autres géants, ceux du Tour, le 14 juillet. Difficile de se retrouver seul sur une telle cyclo. Tant mieux, car entre le vent (presque absent ce samedi) et certains bouts-droits, il y aurait de quoi trouver le temps long. Encore moins sur le parcours retour et la seconde montée du Ventoux. C’est là qu’on se dit que nos amis Belges sont définitivement fous du Ventoux. On croise, on rattrape, on se fait doubler par des dizaines et des dizaines de cyclistes, vététistes, vélos urbains, tous là pour défier le géant et faire grimper le record du nombre de montées. À ce petit jeu, le plus âgé a quand même 84 ans, pour un âge moyen de 44 ans, un peu plus de 2000 hommes et 454 femmes sont aux départs. La plupart anonymes, des héros d’un jour, qui vont avoir plein d’anecdotes à raconter à leurs collègues au bureau. De quoi en faire des héros pour un peu plus d’un quart d’heure.

Le lendemain de fête de la musique oblige à limiter les festivités de la veille. Mais les Belges savent faire la fête, se faire plaisir et apprécier l’accueil des Français. Si l’accueil des participants se faisait à Malaucène, la fête de fin de partie se faisait à Bedoin. La bière et les frites (on ne se refait pas) ont servi de boissons et de nourriture de récupération. Chacun se disant qu’il a un an pour préparer la 10ème édition de ce que le tissu économique local considère comme un rendez-vous aussi important que l’accueil du Tour, car lui a lieu tous les ans. Pour conclure sur cette belle journée, on notera avec plaisir que les deux lieux mythiques du vélo en France, l’Alpe d’Huez et le Ventoux deviennent de plus en plus le réceptacle d’opérations menées par les organisations du Benelux et destinées à récolter des fonds pour doter la recherche de moyens supplémentaires ou pour des causes humanitaires. Les sportifs participants acceptent de payer un prix qui fait bondir en France: 125 euros pour cette Cannibale, 800 euros pour le téléthon néerlandais à L’Alpe d’Huez qui rassemble 6500 personnes, ou encore 1500 euros pour 650 Hollandais, il y a peu à Bedoin. Au moment où les cyclosportives sont à un tournant en France, peut-être que cette orientation grande cause va générer de l’intérêt. C’est tout ce qu’on souhaite.

Classement la Cannibale :

1. Hendrik Vos en 6h02’08 »
2. Joel Van Eyken en 6hen 6h06’22 »
3. Jean-Pascal Roux en 6h08’16 »
4. Geert Boschmans en 6h08’22 »
5. Pascal Willaert en 6h14’33 »
6. Raf Rosius en 6h25’33 »
7. Koen Hollevoet en 6h28’16 »
8. Paul Vanhoegaerden en 6h30’04 »
9. Chris Mannaert en 6h31’50 »
10. Eric Borghs en 6h33’50 »

Classement la Cannibalette :

1. Tom Hertogs en 5h42’32 »
2. Jan Heymans en 5h43’24 »
3. Jean-François Lubespere en 5h43’35 »
4. Thomas Koemans en 5h48’11 »
5. Johan Boonen en 5h49’25 »
6. Bart Huurdeman en 5h51’27 »
7. Pascal D’halluin en 5h55’20 »
8. Mark Bloem en 6h03’27 »
9. Joel Verdeyen en 6h03’29 »
10. Jan Mertens en 6h07’08 »