Nicolas, tu as tenté de battre le record du tour du Mont Blanc aujourd’hui. Tu as bouclé les 330 kilomètres en 12h13 soit 23 minutes de plus que le record. Quel est ton sentiment ce soir ?
Il y a certainement une pointe de déception parce que le record n’est pas au bout. Mais j’ai donné tout ce que j’avais. J’ai eu les éléments naturels contre moi en fin de parcours. J’ai eu un gros vent de face du col du Petit-Saint-Bernard jusqu’à l’arrivée. Ensuite, j’ai eu de l’orage et de fortes pluies accompagnés d’une forte chute de température. J’étais en hypothermie à quinze kilomètres de l’arrivée. Avec les conditions idéales, il est déjà difficile d’aller chercher le record seul. Je suis déçu, mais content de moi. J’ai été bien soutenu par ma famille. C’était une belle journée de vélo. Pendant longtemps j’ai eu du beau temps et j’en ai pris plein les yeux. C’est pour cela aussi que l’on fait du vélo.

Quelles ont été tes sensations au fil de la journée ?
J’avais de bonnes jambes. Pour aller chercher le record seul, il faut des conditions vraiment exceptionnelles. La première partie est propice à un groupe. Du moins jusqu’à Martigny, au pied du col de Champex. De petits groupes peuvent se relayer. Moi, j’ai fait tout tout seul. Ce sont de longs moments qui ne sont pas faciles à gérer. Si on veut aller aussi vite qu’eux, on le paye. Globalement j’étais bien. Je suis content de moi.

Tu as longtemps été en avance sur le record. À quel moment as-tu commencé à douter ?
En bas de la descente du Petit-Saint-Bernard. Au sommet j’étais dans les temps. Je ne voulais pas faire la descente à fond pour me réserver pour la fin, mais j’ai été obligé de pédaler constamment, car il y avait un gros vent de face. J’ai tout de suite compris que la montée du Cormet de Roselend allait être complexe. Ça s’est avéré exact avec de grosses bourrasques de vent. Ça a été difficile d’avancer et en fin de compte ça m’a entamé plus que cela aurait dû.

Penses-tu avoir atteint, et même dépassé tes limites ?
J’ai été cherché des choses que je n’étais encore jamais allé chercher. J’ai eu de très mauvais passages. Comme sur le final quand j’arrive à Beaufort et que je commence à monter sur Hauteluce, j’ai eu un trou noir. Avec le froid et la pluie, je ne voyais plus rien. Je n’avais plus de force. J’ai mangé et à cinq kilomètres du sommet j’ai pratiquement retrouvé mes jambes du début. J’ai fini la montée des Saisies à 18-19 km/h. On va vraiment puiser loin dans notre potentiel.

Juges-tu avoir bien géré ton alimentation aujourd’hui ?
Oui. J’avais fait le choix de m’arrêter en haut du Grand-Saint-Bernard pour manger du riz et du jambon tout en récupérant un peu. Ce que j’ai trouvé difficile, c’est le fait de manger et boire souvent. C’est très dur au niveau du ventre. J’avais mal à force de boire. Pourtant, j’ai beaucoup changé de boissons. J’ai bu du salé, du thé, différents types de boissons énergétiques, des boissons neutres, de l’eau. Mais à force de boire et de manger des barres ou des sandwiches, on a le ventre qui est complètement détruit. La semaine précédente, j’ai eu une alimentation à base de glucides. J’ai mangé des portions plus importantes et plus souvent du riz et des pâtes, mais je n’ai pas changé grand-chose. Ce matin, j’ai bien mangé. J’ai fait un gâteau et j’ai mangé des céréales. Globalement, l’alimentation du record a été bonne.

À part les conditions météo, rien n’a donc pêché aujourd’hui.
Non. Je pense que j’ai fait ce que j’avais à faire. Je suis parti sur de bonnes bases sans partir trop vite. J’ai terminé l’ascension du Grand-Saint-Bernard assez fort. Je pense que j’ai vraiment su créer un écart par rapport au temps de référence entre le tunnel et le sommet. Ensuite, j’ai bien géré la descente. On avait décidé de ne pas rouler trop vite sur le plat pour ne pas m’entamer. J’ai fait une belle montée du Petit-Saint-Bernard. Mais ensuite… Ce sont les aléas du sport d’extérieur. Je n’ai pas eu la chance d’avoir le vent avec moi. Cet orage a perturbé ma fin de course. Ce sont les règles du jeu. Sur une journée de 12 heures de vélo, on a la possibilité d’avoir ces choses-là.

Pour quels braquets as-tu opté ?
Au dernier moment, j’ai décidé de mettre un 39-28. Dans la vallée je tournais relativement bien les jambes. Je devais avoir 53×21, 53×23.

Quel sera ton programme pour récupérer ?
Je ne sais pas encore combien de temps je vais mettre. Demain, je ne ferai pas de vélo. Ensuite, je reprendrai peut-être gentiment des petites sorties cette semaine. Il faudra prendre en compte mon niveau de fatigue, mais il y a la Time-Megève Mont Blanc dimanche. Je ne sais pas encore si je la ferai.

Penses-tu retenter ce record un jour ?
Ce soir, si on me demandait de le faire le 20 juillet (NDLR : date à laquelle se déroule le Tour du Mont Blanc), je pense que je dirais non. C’est un effort considérable et pas seulement physiquement. Mentalement, c’est un gros effort sur soi. Il faut rester concentré pour ne pas penser à la fin, même quand on est mal. Il faut se fixer des objectifs intermédiaires au fil de la journée. Si on pense à ce que l’on doit faire pour arriver à la fin de la journée, ça casse le moral. En cas de coup dur, il faut se dire que l’on aura des moments meilleurs. C’est intéressant, mais c’est difficile. Je ne sais pas si je le retenterai un jour.

Tu es tombé au Piémont Vosgien. Cela a-t-il eu une influence sur cette tentative de record ?
J’ai eu un gros hématome à la hanche. Ça m’a perturbé dans ma préparation, car quand je descendais du vélo, je boitais. En fin de compte, j’ai fait deux grosses sorties pour préparer ce défi. Je voulais faire des courses un peu plus longues et rallonger derrière, mais je n’ai pas eu l’opportunité de le faire.

Propos recueillis le 2 juin 2014.