Rémi, vous êtes organisateur à un échelon international, pensez-vous qu’en cyclisme il y ait encore des idées nouvelles à apporter ?
Rémi Duchemin : Oui, tout à fait. Le calendrier est de plus en plus riche en belles épreuves cyclosportives, bien organisées, mais il est encore possible d’innover. C’est ce que nous allons faire avec le lancement de la Haute Route, une cyclosportive d’une semaine en sept étapes chronométrées, de Genève à Nice par-delà les cols mythiques des Alpes.

Avant de vous lancer, vous avez réalisé une étude de marché, qu’en est-il ressorti ?
Rémi Duchemin : La principale conclusion, que ce soit en Suisse ou en France, les deux marchés prioritairement concernés par la Haute Route, est qu’il n’y avait pas de format comparable, c’est-à-dire des cyclosportives par étapes d’une semaine. C’est le premier élément de différenciation. Nous avons ensuite mené une étude de marché pour valider l’intérêt des participants auprès d’une telle épreuve. Les résultats ont été largement suffisamment positifs pour nous encourager à créer aujourd’hui cet événement.

Jean-François, vous aviez quant à vous l’habitude de travailler sur des projets de courses d’un jour avec l’Etape du Tour. Là, le challenge va être multiplié par sept. Où se situe le principal changement ?
Jean-François Alcan : D’abord, le changement principal à titre personnel, c’est que j’ai choisi moi-même le parcours. Ce n’était pas le cas sur l’Etape du Tour. La différence se fait aussi en matière de logistique. Là, elle va être roulante et va se transformer d’étape en étape. C’est un petit peu plus compliqué mais pas tant que ça. Les équipes techniques seront simplement un peu plus réparties.

Comment a réagi une station comme Serre Chevalier entre l’organisation d’une cyclo d’un jour bien connue, la Serre Che-Luc Alphand, et l’accueil d’une étape de la Haute Route ?
Jean-François Alcan : La date, d’abord, leur a beaucoup plu. C’est la fin de saison pour toutes ces stations, qui ont peu de mal à les faire vivre en matière d’animations et d’hébergements. Pour elles, c’était un vrai événement intéressant. Ensuite, elles ont bien réagi à l’idée de faire partie d’une épreuve aussi prestigieuse que sera, j’espère, la Haute Route. C’est notamment le cas pour Serre Chevalier, qui va accueillir une nouveauté dans le monde des cyclos : un contre-la-montre individuel sur le col du Granon.

Si l’on revient sur l’étude de marché réalisée cet été, quels sont les points positifs et négatifs qui en sont ressortis ?
Rémi Duchemin : La principale interrogation des participations porte sur l’organisation et la logistique qui tourne autour de cette cyclosportive. On arrive à un point différent du point de départ, il faut se loger durant une semaine, donc il fallait qu’on trouve des solutions et des services à proposer aux coureurs en complément de l’inscription pour leur faciliter la vie. C’est la raison pour laquelle nous proposons des options d’hébergement avec des packages différents en fonction des exigences et du budget des participants. Nous proposons également une navette retour entre Nice et Genève.

Quelle sera la proportion de cyclos étrangers ?
Rémi Duchemin : Nous attendons entre 400 et 600 participants, bien qu’il soit toujours difficile de faire des prédictions lorsque la première édition n’a pas encore eu lieu. Nous estimons à 50-50 le pourcentage entre les Français et les étrangers. Mais nous avançons avec prudence sur ces chiffres sans l’expérience de la première édition. Il en va de même pour la proportion individuels-équipes. Dans mon esprit, je dirais 60-40 mais seule l’ouverture des inscriptions pourra nous donner des orientations à ce sujet. Nous ajusterons la logistique au printemps en fonction de ces inscriptions.

Les villes de Genève et Nice se sont engagées pour plusieurs années et l’obligation est faite de franchir la Cime de la Bonnette, la plus haute route d’Europe. Le reste du parcours est-il susceptible d’évoluer chaque année ?
Jean-François Alcan : L’idée est effectivement de faire évoluer ce parcours, entre Genève et Nice au moins pour les trois années à venir. Des stations nous attendent et ont manifesté leur intérêt pour nous recevoir à l’avenir, mais l’idée est de traverser les Alpes par différents endroits. Il y a des cols que nous n’emprunterons pas dans cette première édition mais que nous pourrons prendre dans les années à venir. L’idée est de changer de parcours chaque année pour que les gens découvrent de nouvelles routes.

Quels sont les impératifs dans le tracé de la Haute Route ?
Jean-François Alcan : On ne peut pas dépasser un certain nombre d’étapes ni un certain kilométrage. Il faudrait rester sur une base de 80 à 120 kilomètres pour les étapes moyennes, et conserver une étape marathon et une étape contre-la-montre. Mais on peut trouver des systèmes pour aller dans tous les cols des Alpes sans déroger à la règle des 750 kilomètres sur la semaine.

Comment anticipez-vous l’organisation des étapes marathon et contre-la-montre ?
Jean-François Alcan : Pour l’étape marathon, on aura un départ neutralisé de Bourg-Saint-Maurice au col de la Madeleine, ce qui permettra de réduire le temps du dernier sur le premier. Malgré tout, une fois tout le monde lancé, il devrait y avoir un bel écart entre le premier et le dernier. Il y aura des délais pour entrer dans le classement de la Haute Route, mais les gens qui ne seront plus dans la barrière horaire pourront tout de même rejoindre l’arrivée. Concernant les chronos, les départs seront donnés par paquets car le col du Granon est un cul de sac. Nous les ferons descendre également par paquets, tous d’un coup, avant de lancer l’autre vague.

Third Pool est un groupe jeune avec beaucoup de projets sur des sports novateurs. Ces premiers pas dans le vélo ne seront sans doute pas les derniers…
Rémi Duchemin : Le cyclisme, qu’il soit amateur ou professionnel, est un univers extrêmement dynamique, que ce soit en France ou dans les pays limitrophes. Le cyclisme est au cœur de la stratégie de développement de Third Pool pour les prochaines années. La Haute Route nous permet d’arriver dans cet univers, pour notre plus grand bonheur. On espère que ce ne sera pas la seule initiative de notre groupe dans cet univers. Notre champ d’expression ne se limite pas à la France et à l’Angleterre. Il y a des massifs partout dans le monde. Nous organiserons l’an prochain quatorze événements dans onze pays différents, que ce soit au Moyen-Orient, en Asie ou en Amérique du Nord. Que ce soit dans le vélo ou dans d’autres sports. Nous avons la volonté de développer d’autres projets dans cet univers des sports outdoor, qui se déroulent en plein air et partagent ces valeurs de dépaysement, de nature et de convivialité.

Propos recueillis à Boulogne-Billancourt le 18 novembre 2010.