Multiple championne de Bretagne quand elle courait sous les couleurs de l’UCK Vannes, sur route comme sur piste, Claire Pedrono aurait pu aspirer à une jolie petite carrière chez les filles. Mais à l’époque, le cyclisme féminin ne disposait pas des moyens qui se développent désormais, et surtout, avec ces dames, jamais la Morbihannaise n’aurait pu courir le Tour de France. Passionnée irréversible, la jeune femme de 27 ans a toujours vibré pour le Tour et longtemps rêvé d’en rejoindre la joyeuse colonie des suiveurs. Comme hôtesse ou caravanière. Faute de relations, ses demandes sont restées vaines pendant trois ans, jusqu’à ce qu’elle aborde Christian Prudhomme puis Laurent Bezault au détour d’une manifestation, qu’elle leur expose ses difficultés, et que les deux responsables aient une illumination commune : et pourquoi pas ardoisière ?

Analyste risque entreprise dans un grand groupe, c’est sur ses jours de congés qu’elle endosse depuis mars 2010 la casaque jaune d’ardoisière, plusieurs semaines par an, pour couvrir le Tour et certains événements d’ASO : Paris-Nice, Paris-Roubaix, le Dauphiné… Claire Pedrono effectue donc son troisième Tour sur la moto pilotée par Christian Bourguignon. « Cette course, c’est vraiment le summum de la compétition, confirme l’ardoisière. Les enjeux, les coureurs, les comportements sont complétement différents en course. »

A une époque où la fonction d’ardoisier répond plus à un désir d’entretenir le folklore qu’à une nécessité absolue, Claire Pedrono prend sa mission très à cœur. « On attend impatiemment la première échappée, poursuit-elle. Parfois ça part très vite, d’autres fois il faut attendre longtemps avant que ça n’entre en action. » Une fois l’échappée formée, l’unique moto jaune de la course multiplie les va-et-vient entre la tête de course et le peloton, recevant les écarts enregistrés par les motos infos pour communiquer les différences aux coureurs situés à chaque échelon de la course. « Notre mission se termine à 5 ou 10 kilomètres de l’arrivée. Mais si l’on sent que la course peut se jouer là et que l’écart demeure raisonnable, nous poursuivons notre mission. »

Une craie à la main, Claire Pedrono relate les informations de la course. Numéros de dossard des coureurs échappés, temps entre les différents groupes, elle s’est rapidement approchée de la perfection. « Les enjeux étaient forts quand je suis arrivée. D’abord parce que sur le Tour tout doit être parfait. Ensuite parce que j’étais la première femme à laquelle on confiait cette fonction, se rappelle celle qui possède deux vélos Hinault et roule à hauteur de 90/100 kilomètres chaque week-end sur son cadre carbone. Il faut faire de son mieux possible, aujourd’hui je suis rodée. Au début il m’arrivait souvent que la craie m’échappe des doigts. Aujourd’hui l’unique difficulté, c’est quand il pleut et que la craie devient de la gomme ! »

Si elle n’est en rien responsable des écarts qu’elle communique, Claire sait, en cycliste avertie, que les différences présentées aux coureurs auront une influence. Salvatrice ou dévastatrice. « Ce n’est pas un mystère que de dire qu’un directeur sportif a déjà communiqué des écarts faussés à son coureur dans l’intérêt de sa motivation, soulève la Bretonne. Moi je suis là pour donner le bon écart. Les coureurs le savent, je ne suis pas là que pour leur annoncer de bonnes nouvelles. »

Quel que soit le temps affiché sur l’ardoise, les coureurs du Tour, bien que concentrés sur leur course, manifestent un vrai respect envers l’ardoisière. Marquée par les attaques qui prennent forme sous ses yeux depuis le Tour 2010, par l’audace des échappés qui auront toujours sa préférence, Claire Pedrono s’est fait une vraie place dans le peloton.