C’est tout simplement historique. Dimanche dernier l’équipe de France junior a ramené deux médailles d’or des championnats du monde de course en ligne de la même catégorie. Une performance exceptionnelle réalisée par Pauline Ferrand-Prevot (18 ans) et Olivier Le Gac (17 ans). Les juniors français sur le toit du monde. Déjà Vendredi dernier Pauline Ferrand-Prevot, véritable « cannibale » féminine –son palmarès serait trop long à écrire- , finissait deuxième du championnat du monde de contre-la-montre individuel.  Comme l’an passé. Mais cette année elle ne concédait que cinq secondes de retard sur l’Ukrainienne Canna Solovei, contre 40 secondes l’an passé. Première médaille pour les Bleus et pour Ferrand-Prevot. De l’argent synonyme de déception presque. Deux jours plus tard, la Champérienne revenait plus motivée que jamais sur les 80 km de course en ligne. Parfaite tactiquement, elle règle ses cinq compagnons d’échappée et s’octroie le titre mondial. C’est son deuxième titre mondial après celui acquis l’an dernier aux mondiaux de VTT. Elle n’a que 18 ans. Le cas Olivier Le Gac est tout autant significatif de cette jeunesse française en or. Le Breton n’a que 17 ans, c’est-à-dire qu’il est Junior première année. L’an prochain il pourra donc défendre son maillot arc-en-ciel. Sur le circuit d’Offida, Le Gac a pris le risque de partir seul à cinq bornes de l’arrivée. Victime d’un saut de chaîne à 600 mètres du titre, il a su garder son sang-froid pour remettre la chaîne à la main alors que ses poursuivants n’étaient que 80 mètres derrière. Il devient finalement champion du monde avec trois secondes d’avance sur le reste de l’échappée.

Doublé exceptionnel des Français, certes. Mais ce n’est pas la première fois qu’un français devient champion du monde junior. Loin de là. Il s’agit du troisième cas en huit ans ! Arnaud Gérard avait ouvert la voie en 2002 à Zolder (Belgique). Et il y a deux ans, Johan Le Bon s’imposait au Cap en Afrique du Sud. Deux bretons déjà. La Bretagne, terre de cyclisme ? Une réalité. Mais il y a un malaise. Qu’est devenu aujourd’hui Arnaud Gérard ? Loin de vouloir le déconsidérer, mais force est de constater qu’il n’a pas confirmé tous les espoirs placés en lui. Arnaud Gérard est à la FDJ et ne compte qu’une victoire à son palmarès : la Polynormande en 2008. Pour Johan Le Bon il est encore un trop tôt pour tirer des conclusions. Pour sa première saison professionnelle, le Breton de 20 ans réalise une saison tout à fait honnête chez Bretagne-Schuller avec trois victoires et une récente troisième place sur Paris-Corrèze la semaine dernière. Mais à côté d’un Peter Sagan (Liquigas-Doimo) qui a le même âge, son palmarès peut paraître bien fade. Toutefois Le Bon a encore quelques années devant lui pour confirmer ce statut de gros moteur. Quant à Olivier Le Gac, il semble disposer d’une marge de progression énorme puisque ce n’est que cette année qu’il s’est consacré au cyclisme à plein temps. Les années précédentes il jonglait entre le football et le vélo.

Mais le temps presse. Il ne s’agit pas de chercher quel est le prochain Bernard Hinault, mais si l’on fait l’état des lieux du cyclisme français, les jeunes coureurs à potentiel énorme sont rares. On cite évidemment Romain Sicard (Euskaltel-Euskadi), champion du monde espoir, qui justement est apprécié par Bernard Hinault – et ce n’est pas une mince affaire – pour son tempérament de gagneur et offensif. On parle aussi d’Alexandre Geniez (Skill-Shimano) et Thibault Pinot (FDJ) pour leurs qualités de grimpeur. A respectivement 22 et 20 ans, ils ont déjà laissé entrevoir de belles capacités, que ce soit à la Route du Sud pour Geniez (2ème du classement général) ou sur le Dauphiné pour Pinot (échappé sur l’étape de Grenoble). Mais pourquoi les cyclistes français sont-ils au sommet du monde dans les catégories jeunes et incapables de gagner une grande classique ou d’aller chercher un top 5 d’un Grand Tour à la pédale ? Quelles sont les causes de cette incohérence ?

Beaucoup d’éléments de réponse peuvent être avancés. Certains disent que les jeunes passent  professionnels trop tôt (18, 19 ans) dans de trop grosses équipes qui les envoient au « casse-pipe » dans des courses bien trop dures. Ainsi les jeunes se crament et perdent toute possibilité de progression. Johan Le Bon était peut-être conscient de ce risque en signant chez Bretagne-Schuller, une équipe continentale. On peut aussi évoquer le rôle des instances sportives (fédérations, ministère..) qui n’assureraient pas une formation assez poussée des jeunes athlètes. En effet, si dans les catégories cadets, voire junior, ce sont les capacités physiques qui font la différence – la preuve avec Le Gac qui n’en est réellement qu’à sa première année d’entraînement intensif-, passé le stade professionnel, c’est l’entraînement qui est prépondérant dans les résultats. Il n’y aurait donc pas assez de structures de formation intensive  des 17-20 ans pour le cyclisme de haut niveau. Ce qui nous amène donc à un dernier élément de réponse, la volonté des sportifs français à s’entraîner durement. Bernard Hinault nous a habitué à ses commentaires cinglants sur la « fainéantise » des cyclistes français. Au-delà de cette critique un peu facile, il serait plus intéressant d’analyser les véritables objectifs des français pour lesquels la stade de cycliste professionnel est déjà une finalité en soi. Bien évidemment ce ne sont que des éléments de réponse qui n’ont pas la prétention de répondre au problème, mais de pointer du doigt l’incohérence des résultats asymétriques entre les jeunes catégorie et le niveau professionnel.

Léos Maere