Il est des recettes parfois simples pour vivre une belle aventure le temps d’un week-end : embarquer son meilleur compagnon à 2 roues, attraper une tente et un sac de couchage, choisir un joli sommet des Alpes de plus de 3000 m et rouler ! Bienvenue à la tête de la Frema, au coeur de l’Ubaye.

Même si l’été est la meilleure saison pour aller en montagne, j’apprécie d’y aller quand elle commence à se dépeupler. C’est pour moi le moment le plus propice de profiter de la magie des lieux. Non pas que je fuis le monde mais que j’aime cette petite sensation d’isolement que l’on peut éprouver en montagne. C’est tellement rare chez nous en France. Je choisis mes affaires pour ce petit week-end en amoureux avec mon vélo : de quoi bivouaquer et passer un nuit au chaud, un peu de nourriture lyophilisée, de quoi me couvrir, un peu de matériel de réparation une lampe frontale et c’est parti ! Je réparti de manière équilibrée les charges : la tente et une sacoche sur le guidon, un autre sac sur le top tube juste sous la selle et un sac-à-dos pas trop chargé.

Quand j’arrive au village de Fouillouse, au fin fond de l’Ubaye dans les Alpes de Haute-Provence il est déjà tard. En cette saison, le soleil se couche plus tôt que prévu et je sais déjà que je finirai cette approche de nuit. Mais ce n’est pas grave, la perturbation annoncée par la météo a du retard. Elle n’a pas du trouver les portes de l’Ubaye. J’avais justement pris la tente en prévision d’une nuit humide mais en tous cas, j’ai encore quelques heures devant moi avant de me faire doucher. Pour l’heure la lumière est magnifique, je quitte le parking en sifflotant. Le hameau est calme. Il ne reste que quelques habitants, les autres ont déjà fermé leurs maisons secondaires. Je dépasse la dernière habitation et la chapelle puis attaque un sentier qui monte franchement sur la gauche.

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Sans assistance et bien chargé, aucune chance de rester sur le vélo, il faut pousser. C’est le jeu en montagne, je l’accepte sans broncher. Je n’ai pas honte à le dire mais, j’aime pousser et porter ! Un peu plus haut, je chemine sous les résineux mais puis rapidement la forêt se fait plus éparse et laisse place à des vues magnifiques sur les montagnes environnantes. J’adore ce coin, j’y viens en général une fois par an. Il y a de belles sorties VTT à faire. Et même à pied d’ailleurs ! En grimpant, je prends quelques photos, m’arrête régulièrement pour contempler le paysage. Comme je sais que de toutes façons, je n’arriverai pas à mon spot de bivouac avant la nuit, je flâne. Tant qu’à faire, autant profiter de ce que m’offre la nature.

Ça y est, le soleil tire sa révérence sur l’horizon, je sais qu’il est déjà physiquement plus bas plus car la lumière met 8 minutes à nous parvenir. C’est assez marrant de s’imaginer qu’en regardant vers le ciel, on voit les choses dans le passé. Les rayons que je vois en ce moment ne sont pas ceux de l’instant présent. Si le soleil venait à exploser, je le saurai que dans 8 minutes… Mais à priori cette farce n’est pas pour tout de suite. Comme il fait encore jour, j’en profite pour sortir ma frontale de mon sac-à-dos et pour la garder à portée de main. Elle n’est pas très puissante, mais elle me permettra de voir le sentier. C’est sur que si je devais attaquer la descente avec cette frontale, je serai très vite limité par son faible éclairage. Mais vu, ma vitesse de montée, même sur les portions de plat en pédalant, elle est suffisante.

Je peux me permettre d’arriver tard car je sais où je veux planter ma tente. Je suis déjà venu plusieurs fois ici et j’avais déjà repéré les bons spots de bivouac. Près du lac, ce sera parfait. Parfois il faut se méfier des plans d’eau ou des zones situées dans ces creux. En cas d’orage, le niveau d’eau peut monter rapidement. Ce serait dommage de se retrouver de nuit le matelas dans l’eau… Ma tente sera située à une petite trentaine de centimètres au-dessus du niveau du lac, cela devrait le faire vu son étendue. Il faudrait une quantité d’eau considérable pour que tout le lac monte d’autant ! Des dizaines de milliers de mètres cubes ! J’attaque son montage de nuit à la lueur de ma frontale puis je vais prendre de l’eau au petit ruisseau qui coule non loin. Des gestes simples s’en suivent : monter la bouteille de gaz sur la tête du réchaud, ouvrir la vanne, craquer une allumette, poser le récipient sur la flamme brillante, mettre un couvercle et attendre patiemment sous les étoiles.

Quand l’eau bouillonne, je déchire le haut d’un sachet de nourriture lyophilisée et verse l’eau dedans. Mon ventre crie famine mais le jeu c’est d’attendre presque 10 minutes pour que l’alchimie opère. Quand j’ouvre le sachet une succulente odeur de dinde et sarrasin mélangé à des petits légumes me monte aux narines. En quelques minutes, le sachet passe de plein à vide ! Je complète ce repas de quelques fruits secs et d’une pomme. Il est temps d’aller au lit. Je glisse dans mon duvet et ne tarde pas à m’endormir comme un loir. J’ai pris le soin de rentrer mes affaires personnelles dans la tente au cas où la météo ferait des siennes. Le vélo, lui, reste dehors !

Je sors de la tête de la tente, le soleil n’est pas encore levé. Par contre, les nuages sont là. Ils ne sont pour le moment pas menaçants mais en tous cas, ils sont signe d’un changement de temps. Cette couverture de haute altitude n’est que l’avant-garde des intempéries annoncées. L’inconvénient de mon lieu de bivouac c’est qu’il est encerclé de murailles rocheuses et que le soleil y pénètre que très tardivement.

Je ne peux pas compter sur ça pour me réchauffer. Alors, je me mets en route rapidement. Je replie tout mon matériel et bien entendu respecte la sancro sainte règle du bivouac : ne rien laisser derrière soi. Quelqu’un passerait après moi dans quelques minutes qu’il ne se rendrait même pas compte que j’ai dormi là. Je remonte la longue et belle vallée qui s’ouvre devant moi.

Régulièrement je dois porter mon vélo et quelques rares fois, je peux pédaler ou profiter d’un léger bout de descente pour m’étirer. Je découvre de nouveaux lacs dont les niveaux sont bas en cette saison.

Je sais aussi que les précipitations ont manqué cette année. Le lent dérèglement climatique est en marche… Plus haut, je quitte les dernières touffes d’herbes rases pour attaquer un col dans les pierres. Je flirte avec les 3000 m d’altitude. Sous nos latitudes, il n’y a presque plus que de la pierre. Je n’ai pas encore la vue sur le sommet. C’est une fois arrivé à ce petit col situé sur la frontière italienne que je peux admirer la dernière partie de ma journée. Une pyramide sommitale se dresse devant moi, le sentier magnifiquement bien tracé est comme une invitation indécente. J’accélère les pas, presser de fouler le sommet. La première partie est assez évidente, le sentier ne pose pas de souci. Plus haut, un passage rocheux sur la crête donne du fil à retordre. C’est une difficulté qui en décourage plus d’un de finir avec le vélo au sommet. Je franchis ces blocs puis termine le sentier escarpé qui amène à la croix sommitale. De là-haut, la vue est imprenable. Mais attention, de l’autre côté, le versant plonge à pic. Un pas de travers au sommet et c’est la mort assuré. Le temps s’est encore dégradé, de gros nuages noirs menaçants commencent à s’accumuler. Mais de temps en temps, un rayon de soleil vient éclaircir ce tableau.

Quelques minutes à profiter de spectacle et j’attaque la descente. Sur le haut, je reste prudent. Les virages sont étroits, la pente est assez forte, il faut naviguer tout en douceur sans brusquer la machine. Un freinage trop appuyé viendrait me déséquilibrer très vite. Après avoir passé le passage rocheux, un fin sentier suspendu en traversée m’amène sur la partie suivante : plus facile mais tout aussi serré ! Un peu plus bas, le versant s’élargi et le sentier devient un petit bijou à rouler. Du col, j’enchaine directement sur lac, en naviguant entre les blocs. Mon cheminement est aisé, c’est le même qu’à la montée. Sur mon itinéraire, je décide de faire un arrêt au refuge du Chambeyron pour saluer Marie, la gardienne. C’est son dernier week-end et je sais qu’en général, à ce moment-là, comme c’est plus calme, on peut prendre le temps de discuter. Derrière un bon repas préparé avec soin et une bière locale, nous discutons de la montagne, des conditions de vie ici, des randonneurs, des difficultés, de l’eau… C’est toujours un plaisir d’échanger avec ces passionnés des montagnes.

Je quitte alors le refuge pour attaquer la descente sur Fouillouse. Cette partie est un véritable plaisir. Seul dans la montagne, le dénivelé négatif défile à vive allure. Je quitte les alpages pour entrer dans la forêt puis pour rejoindre le petit hameau. Bientôt ici l’hiver enveloppera le lieu de sa coquille blanche, il sera temps de venir en ski de randonnée sans doute. Avant de revenir la saison prochaine.

Infos pratiques :

Y aller  : un seul accès en Ubaye pour ceux qui viennent du sud : depuis Barcelonnette. Pour un accès via le nord, le franchissement du col de Vars est un bon raccourci. Ensuite, il faudra aller tout en bout de la vallée.

Ou dormir : un bon point de chute dans la vallée de l’Ubaye reste la maison d’hôtes « Les Méans ».

https://www.les-means.com/fr

Vous pouvez contacter Diane et Fred de la part de Cédric 😉

Ou alors, passez la nuit au gîte de Saint-Ours, demandez Joël !

https://joelcrose.wixsite.com/saint-ours

Ou manger :

Faites bosser le refuge du Chambeyron bien sur ! Les repas sont de qualité. Et pour y passer la nuit, c’est tout à fait possible.

A voir / A faire : les maisons mexicaines de Bercelonnette, mais aussi les forts de la région et celui de Tournoux !

Itinéraires VTT :

Le VTOPO VTT Alpes de Haute-Provence dispo sur www.vtopo.fr

Environnement :

Comme de partout dans les Alpes, l’été il y a du monde, vous ne serez pas seul sur les sentiers. Il faut aussi cohabiter avec les berges et leurs chiens de garde. Ne pas sortir des itinéraires balisés, ne pas créer de raccourci ou de nouveau sentier.