Quelle est votre opinion par rapport au freinage à disques, est-ce un système qui va s’installer définitivement chez les pros ?

– Il n’y a déjà plus de débat. L’évolution va se faire selon les moyens financiers des constructeurs donc c’est en cours. On ne reviendra pas en arrière.

On parle du centenaire du maillot jaune. Est-ce qu’un français peut le ramener sur les Champs en Juillet prochain ?

– Là, je vais enfiler le costume du supporter : je croise les doigts et j’espère effectivement qu’un français va gagner. Mais je n’en ai évidemment aucune certitude.

 

Cyrille Guimard05Cyrille Guimard | © L’Equipe

 

Plus proche d’un Pinot ou d’un Bardet ou un mélange des 2 ?

– On va avoir du mal à les mélanger (rires). Plus sérieusement, oui ce sont de coureurs qui peuvent gagner. Quand on termine sur le podium, on est un vainqueur potentiel. Mais tout ceci reste complètement incertain. Autant je pouvais être sûr que Bernard Hinault ou Greg Lemond allaient gagner le Tour, auxquels je pourrais ajouter Andy Schleck – même si ce dernier n’a pas la passion du vélo donc c’était plus compliqué.

Mais pour nos français, ce sont les circonstances de course qui vont dicter la donne : il ne faut surtout pas rater l’occasion quand elle se présenter. Même si ça doit choquer, à la pédale par rapport à la concurrence, je pense que c’est pratiquement impossible. Il faut faire le coup de Bardet dans la descente de Domancy. Il faut beaucoup d’intelligence de course et surtout ne pas rater le jour où se trouve l’ouverture. Si tu la rates, t’es mort. En général, je dirais que sur un Grand Tour elle se présente 2 fois.

A l’heure actuelle, vous croyez plus en un Chris Froome N°5 ou un Geraint Thomas N°2 ?

– Je crois en la vertu de l’argent et de la façon dont cette équipe fonctionne, je pense que la victoire se décidera en fonction de ce qui est le plus rentable pour le sponsor ou pour en faire signer un 2ème.

Puisque nous en sommes aux prévisions, quel sera selon vous le sprinter de l’année ?

– Le match me parait lancé entre Gaviria et Viviani. Cela pourrait être Kittel mais il est limité dès qu’il y a la moindre bosse. Les sprints qu’il a faits dans le Tour il y a 2 ans étaient supersoniques puis il a fait une année blanche derrière. Et avec une telle année, tu ne progresses pas. Donc, pour moi c’est impossible qu’il aille aussi vite qu’il y a 2 ans.

Quel sera le grimpeur de l’année ?

– C’est une notion qu’il faut oublier, « le grimpeur de ». Car aujourd’hui, pour gagner sur les Grand Tours il faut être grimpeur-rouleur. Le dernier grimpeur à avoir gagné le Tour était Van Impe. Certes, Pantani est inscrit au palmarès, mais on parle ici sans EPO ou autre produit miracle. C’était un autre cyclisme à l’époque. Aujourd’hui, les vrais grimpeurs ne gagnent pas le Tour.

Quelle sera la révélation de l’année ?

– Il y en a déjà une qui existe, c’est Evenepoel. Il a en plus une chance exceptionnelle c’est de ne pas avoir commencé le vélo à 8 ans et ainsi développé d’autres qualités que les cyclistes n’ont pas. Mais c’est d’ailleurs un autre problème pour lequel des choses me choquent. Il faudrait quand même se poser les bonnes questions : pourquoi dans le football, des clubs de Ligue 1 ont dans leur effectif des joueurs de moins de 20 ans qui ont le potentiel des joueurs de 25 ans, sont titulaires et jouent 90 min.

Si Mbappé avait été coureur cycliste, on lui aurait imposé des braquets limités. On l’aurait bridé, mis un rupteur. C’est tout un débat que j’ai développé au niveau fédéral. On est en retard de 2 siècles dans le vélo !

Quand tu vois Mathilde Gros qui arrive, sans avoir fait de vélo jusqu’à l’âge de 16 ans à être l’une des rares médaillables aux Jeux, et qui vient du basket. Il faudra m’expliquer comment des jeunes qui font du vélo depuis très peu de temps sont plus forts que ceux qui en font depuis tout jeune.

J’aimerais que notre fédération se penche sur le problème. J’ai développé ceci au conseil fédéral mais ce n’est pas simple. « Ah oui mais il faut qu’ils tournent les jambes » me répond-on. Mais ceci était valable en 1950. Aujourd’hui il faut de la force et non de la vélocité.

 

Cyrille Guimard04Cyrille Guimard | © France 3

 

Après avoir débuté l’interview avec le cyclo cross, on va finir par la piste. Le fait que Bryan Coquard qui s’est remis à la discipline cet hiver et qui a fait une belle entame de saison, cela vous inspire quoi ?

– Ca fait à peu près 40 ans que j’explique qu’avant de faire de la route il faut faire du cyclo cross (le VTT n’existait) et de la piste, tout ceci pour savoir faire du vélo. Et que la route est la dernière étape.

Egalement, qu’au travers du cyclo cross et de la piste on développait toutes les qualités nécessaires pour avoir un bon cycliste dont on a besoin sur la route.

Les grands arrivent d’où ? De l’école du cyclisme ? Non, ils arrivent du VTT ou d’autres disciplines comme la piste. J’ai un avis tranché sur la question, qui va déranger : apprenons à bien faire du vélo, faisons du cyclo cross où l’on va prendre de la force, apprendre la glisse et également de la piste puis passons seulement à la route après. Quand on dit ça, on se fait pourtant très mal voir. Mais c’est pourtant la réalité.