Mais vous préférez fonctionner en termes de sensations et en fonction de la forme ou de la fatigue du jour. Loin des théoriciens de l’entraînement, vous préférez laisser une grande place au « feeling » dans la gestion de votre saison. Ce choix de pratique, s’il comporte de nombreux avantages puisqu’il permet d’être plus à l’écoute de son corps, comporte des limites puisqu’il peut occasionner des erreurs d’entraînement. Quelle place faut-il donc laisser au feeling dans la gestion d’une saison ? Peut-on entamer une démarche « 100% à la sensation » ?

Tentons de déterminer les avantages et inconvénients d’un tel fonctionnement.

Une démarche au feeling peut laisser la place au sourireUne démarche aux sensations peut laisser la place au sourire | © Stages DSO

 

A l’écoute de son organisme

Le principal atout d’une démarche au « feeling » c’est sa flexibilité. Dans ce cas, vous n’avez aucune contrainte et vous devenez ainsi votre propre « coach ». Or, à un moment donné, votre meilleur entraîneur c’est vous : vous seul pouvez connaître votre état de fatigue, votre état de forme et comprendre les signaux de votre organisme. Cette méthode permet donc de mieux gérer vos charges de travail selon vos ressentis : une fréquence de repos plus haute que d’habitude durant 3 à 4 jours consécutifs, des douleurs musculaires qui ne s’estompent pas après un jour de repos complet. Rien ne vous empêche alors d’enchaîner sur une semaine plus tranquille au niveau de son contenu voire de récupération active.

Cette démarche permet également de fonctionner selon sa motivation ou la météo : la journée de travail a été harassante, le temps ne vous pousse pas à mettre le nez dehors, vous n’avez nulle envie de monter sur le home trainer… Vous pouvez ainsi alléger le programme, quitte à rattraper le retard la semaine suivante quand le temps et la motivation seront de retour. Vous éviterez ainsi la saturation psychologique inhérente à une pratique « subie » puisque vous choisirez vos jours et horaires de pratique. Toutefois, soyez logiques dans le programme que vous établirez : respectez une certaine progressivité dans l’évolution de la charge, ainsi qu’une continuité dans la pratique !

Ce fonctionnement au « feeling » peut également s’avérer intéressant dans l’établissement de votre calendrier de compétition : sur la base des résultats des premières cyclosportives, vous pourrez bâtir la suite de votre programme : enchaînement des épreuves quand les résultats sont bons, période de récupération dès que le besoin s’en fait sentir : vous êtes plus libres que jamais, rien ne vous oblige alors à vous aligner sur une course si la méforme se fait sentir (à condition bien sûr de ne pas avoir tout réservé pour le jour de l’épreuve !).

Les pros à l'ouvrage pour préparer une bordureLes pros à l’ouvrage pour préparer une bordure | © Team Sky


De même, la liberté dans la détermination des charges d’entraînement est intéressante à plusieurs points de vue : si vous vous connaissez suffisamment, vous savez aussi bien qu’un véritable entraîneur ce dont vous avez besoin pour arriver « en forme ». En établissant alors vous-même votre programme vous pourrez déterminer une charge de travail qui vous conviendra puisqu’elle répondra aux sensations ressenties. Prenez garde toutefois à ne pas « en faire trop » à l’entraînement, que ce soit en volume ou en intensité. De plus, ayez toujours à l’esprit que pour progresser durablement il faut faire évoluer les sollicitations.

Enfin, et c’est sans doute là le plus intéressant, la démarche au feeling vous permet de vous adapter au mieux à vos contraintes familiales et professionnelles : en roulant quand vous en avez le temps, vous ne vous imposerez rien et fonctionnerez selon les créneaux horaires qui sont disponibles. Il est alors facile d’adapter ses sorties et de ne pas empiéter sur la vie extra-sportive quand un programme rigide oblige parfois à trop de sacrifices.

En reprenant les différents aspects positifs du fonctionnement au « feeling », il apparaît que cette démarche permet d’être plus à l’écoute de ses sensations, et offre une liberté dans la pratique qui s’avère très intéressante, y compris pour la qualité de la préparation. En effet, si vous roulez avant tout pour le plaisir, vous n’avez sans doute aucune envie de vous trouver enfermé dans un programme préétabli parfois difficile à tenir face aux réalités de la vie quotidienne (fatigue, contraintes professionnelle et familiale principalement).

Les limites de l’empirisme

Se préparer uniquement aux sensations peut occasionner rapidement de nombreuses erreurs d’entraînement, provoquant ainsi certains échecs durant la saison, notamment sur les objectifs que vous vous êtes fixés. En effet, il est parfois impératif de s’imposer certains cycles de préparation, surtout durant les périodes pré-compétitives.

Si le fonctionnement au « feeling » comporte certains avantages comme nous l’avons vu plus haut, il s’avère trop empirique pour être efficace : une préparation non structurée ne peut être efficace à long terme puisqu’une saison réussie commence par une bonne planification de l’ensemble de celle-ci. Il vous faut donc déterminer dès cet hiver les épreuves que vous viserez afin de programmer les pics de forme correspondants et ainsi agencer les cycles d’entraînement en fonction. Une saison réussie passe donc immanquablement par un cadre relativement rigide qui va privilégier des contenus suffisamment précis basés sur la progressivité de la charge d’entraînement.

Cyclo01© Photo Sport


Aussi une démarche « 100% au feeling » est souvent une importante source d’erreurs sur la saison : si votre préparation n’est pas bâtie de manière logique, vous risquez d’en faire « trop » ou « pas assez » d’un point de vue quantitatif. Sur le plan qualitatif, cette organisation ne sera guère logique : en effet, vous pourrez par exemple faire trop d’intensité l’hiver puisque vous vous sentirez bien et en faire moins durant les périodes pré-compétitives, vous amenant ainsi à la méforme au plus mauvais moment.

De fait, il est nécessaire de posséder de solides connaissances en matière de planification de l’entraînement et de physiologie de l’effort (agencement des cycles de préparation, développement des paramètres entrant en jeu dans la performance comme le VO2Max ou le « seuil anaérobie) pour pouvoir se permettre de fonctionner uniquement aux sensations et élaborer ensuite un programme réfléchi, garant d’une progression à long terme.

Pour une préparation plus pointue, il peut donc s’avérer intéressant d’avoir recours à des professionnels qui seront plus à même de vous proposer des programmes qui ne manqueront pas de s’adapter à votre niveau et à vos diverses contraintes (changement de dernière minute, intempérie, obligation familiale ou professionnelle) : vous pourrez ainsi vous faire guider et accompagner dans la pratique de votre sport favori, ce vous qui permettra d’optimiser les heures passées à l’entraînement en vue des objectifs fixés.

Pour et contre

Durant les périodes de préparation, notamment en hiver et au printemps il sera préférable d’avoir recours à un cadre d’entraînement assez précis : en effet, avant d’arriver au top sur une cyclosportive donnée il faut avoir au préalable optimisé toutes les composantes de la performance depuis la préparation foncière jusqu’aux séances les plus ciblées, ce qui semble délicat dans le cadre d’une démarche au feeling. En effet, la préparation devra être à la fois progressive, logique et continue, ce que ne garantit pas une approche aux sensations. Toutefois, une fois la saison lancée, vous pourrez tenter de vous orienter vers un cadre moins rigoureux afin de récupérer à votre rythme entre les épreuves et de préparer les échéances suivantes.

 

Par Olivier Dulaurent