En remontant la communauté valencienne de Valence à Castellon (146,6 km), histoire de réduire la distance du transfert qui attend à présent les coureurs vers Andorre et le festin pyrénéen qu’offrira mercredi la principauté aux montagnards, un point d’interrogation se dressait au-dessus du peloton. Qui d’autre que l’équipe Giant-Alpecin, qui possède en John Degenkolb le dernier rescapé d’une espèce en voie de disparition sur cette Vuelta, les sprinteurs, pouvait encore vouloir d’un sprint massif ? Cette dixième étape, a priori, semblait taillée pour un finisseur au terme d’une première semaine qui aura su jouer à merveille avec l’alternance d’étapes pour puncheurs et d’étapes pour sprinteurs. Mais ces derniers ont payé de lourds tributs dans des chutes qui ne sont même pas survenues dans l’exercice de leur fonction de sprinteur.

Exit Matteo Pelucchi, qu’on voyait bien ouvrir son compteur sur les Grands Tours après ses deux succès d’étapes au Tour de Pologne. Exit Nacer Bouhanni, dont les plaies ne cicatrisent plus à force de sans cesse se râper le corps depuis deux mois. Exit Kris Boeckmans, le finisseur aux huit victoires cette année qui s’est si méchamment abîmé vers Murcie que les médecins ont jugé plus décent de le plonger dans un coma artificiel. Exit Peter Sagan, jeté dans le décor par une moto alors qu’il venait de retrouver comment gagner sur les Grands Tours et s’apprêtait à en claquer une seconde. Exit Jasper Stuyven, le finisseur de Trek qui avait tiré parti de cette hécatombe pour s’imposer à Murcie avant de constater qu’il s’était lui-même fracturé une main. Exit enfin Caleb Ewan, contraint à l’abandon aujourd’hui même, cinq jours après avoir obtenu à 21 ans sa première victoire d’étape d’une série très prometteuse.

En vue du sprint auguré à Castellon, tout cela ne laissait guère plus beaucoup d’adversaires sérieux à John Degenkolb, qui voyait là forcément l’occasion rêvée de renouer lui aussi avec la victoire sur les courses de trois semaines, un an après ses derniers succès sur la Vuelta. 2ème à Cambrai et 2ème à Valence, côté Tour de France, 3ème à Malaga et 2ème à Alcala de Guadaira, côté Tour d’Espagne, l’auteur du doublé Milan-San Remo-Paris-Roubaix était d’autant plus favorisé par les desseins de son groupe que Tom Dumoulin a repris hier possession du maillot rouge de leader. Et que le Néerlandais a bien l’intention de défendre comme il le pourra sa petite minute d’avance (57 secondes sur Joaquim Rodriguez, 59 sur Esteban Chaves) sur les meilleurs grimpeurs à la reprise de la Vuelta mercredi dans les Pyrénées.

De ce rush sans hiérarchie, John Degenkolb ne sait bientôt plus où donner de la tête.

Pour en arriver là, il fallait donc maintenir ce peloton compact, et ce n’était pas une mince affaire compte tenu du nombre d’équipes dont les chances de sortir la tête haute de ce Tour d’Espagne reposent à présent essentiellement sur un coup de maître. Il aurait pu sortir de la quarantaine de coureurs parvenue à tromper la vigilance du peloton après un départ rythmé qui avait attiré de nombreux candidats dans l’échappée du matin. Les vingt-deux équipes engagées étaient représentées en tête de course, au sein de cette fraction de peloton qui s’était détachée pour prendre un peu le large, deux minutes et quelques d’avance, avant de prolonger la bataille de début de course dans une succession d’attaques et contre-attaques finalement toutes nuisibles à la bonne marche des nombreux coureurs installés au commandement.

Quand le peloton ravalait les derniers rescapés de l’imposante échappée à 50 kilomètres de l’arrivée, il était dit que plus personne n’en sortirait. Du moins pas avant l’Alto del Desierto de las Palmas, une côte de 7,5 kilomètres à 5,3 % malicieusement placée à 17 kilomètres de l’arrivée. Histoire de perturber les plans des équipes de sprinteurs. Ce sont les Français qui exploitaient au mieux la pente, Romain Sicard (Team Europcar) et Kenny Elissonde (FDJ) s’y détachant avec l’Italien Alessandro De Marchi (BMC Racing Team). Mais il restait encore trop de route jusqu’à Castellon et Kenny Elissonde, qui avait déjà vécu cela samedi vers Murcie, devait à nouveau déposer les armes à 5 kilomètres de l’arrivée.

Le labeur des Giant-Alpecin était en train de payer. Non seulement Tom Dumoulin, qui venait prêter main forte aux siens, légèrement dépassés dans le final après avoir œuvré toute la journée, allait préserver le maillot rouge, mais personne ne semblait pouvoir s’opposer à la pointe de vitesse de John Degenkolb. Mais de ce rush sans hiérarchie, l’Allemand ne savait bientôt plus où donner de la tête et, mal placé au moment où le paquet s’emballait, il allait produire son effort trop tard pour bondir sur celui qui sprintait en tête et s’en allait gagner l’étape devant lui, l’Italien Kristian Sbaragli (MTN-Qhubeka) ! Voilà comment ce coureur souvent placé mais encore trop rarement victorieux, 7ème de Paris-Camembert et 20ème de l’Amstel Gold Race, ce qui vous situe un homme, venait ajouter un succès de poids dans la besace des MTN-Qhubeka !

Demain mardi, chacun prendra un peu de repos avant le retour des choses très sérieuses mercredi en Andorre, entre Andorre et Els Cortals d’Encamp (138 km).

Classement 10ème étape :

1. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) les 146,6 km en 3h12’43 » (45,6 km/h)
2. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) m.t.
3. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) m.t.
4. Tosh Van Der Sande (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
5. José Gonçalves (POR, Caja Rural-Seguros RGA) m.t.
6. Matteo Montaguti (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
7. Jens Keukeleire (BEL, Orica-GreenEdge) m.t.
8. Daryl Impey (AFS, Orica-GreenEdge) m.t.
9. Pieter Serry (BEL, Etixx-Quick Step) m.t.
10. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) m.t.

Classement général :

1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) en 38h34’56 »
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 57 sec.
3. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 59 sec.
4. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) à 1’07 »
5. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’13 »
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’17 »
7. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
8. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 1’18 »
9. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’47 »
10. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 1’52 »

Classement par points :

1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 71 pt
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 70 pt
3. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 67 pt
4. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) 57 pt
5. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 56 pt
6. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) 56 pt
7. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 53 pt
8. Chris Froome (GBR, Team Sky) 43 pt
9. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) 42 pt
10. Fabio Aru (ITA, Astana) 41 pt

Classement de la montagne :

1. Omar Fraile (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 18 pt
2. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 13 pt
3. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 13 pt
4. Walter Pedraza (COL, Colombia) 7 pt
5. Natnael Berhane (ERY, MTN-Qhubeka) 7 pt
6. Ilia Koshevoy (BLR, Lampre-Merida) 7 pt
7. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 6 pt
8. Fabio Aru (ITA, Astana) 6 pt
9. Chris Froome (GBR, Team Sky) 6 pt
10. Kenny Elissonde (FRA, FDJ) 5 pt

Classement du combiné :

1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 6 pt
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 11 pt
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 20 pt
4. Fabio Aru (ITA, Astana) 23 pt
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) 25 pt
6. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 37 pt
7. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 40 pt
8. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 84 pt
9. Sergio Henao (COL, Team Sky) 85 pt
10. Pieter Serry (BEL, Etixx-Quick Step) 89 pt

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 115h58’54 »
2. Movistar Team (ESP) à 6’10 »
3. Astana (KAZ) à 11’52 »
4. Team Katusha (RUS) à 15’46 »
5. Caja Rural-Seguros RGA (ESP) à 20’40 »
6. Lotto-Soudal (BEL) à 21’33 »
7. Cofidis (FRA) à 22’35 »
8. Etixx-Quick-Step (BEL) à 23’17 »
9. Team Europcar (FRA) à 28’39 »
10. Trek Factory Racing (USA) à 29’16 »