Audrey, faites-vous d’ores et déjà d’une nouvelle sélection aux Jeux un objectif ?
La fille qui fera le contre-la-montre sera issue de la sélection sur route. C’est ce que j’avais eu l’occasion de faire à Londres. Je possède l’expérience de cette immense compétition, c’est un point de plus en ma faveur quant à une sélection pour Rio. Maintenant, le cyclisme féminin français possède une jeunesse montante qui impose de continuer à travailler jusqu’à l’année prochaine. Je pense à des filles comme Pauline Ferrand-Prévot bien sûr, mais aussi Aude Biannic, Elise Delzenne et Amélie Rivat qui sont très performantes et à qui le circuit des Jeux pourra très bien convenir. Nous serons plusieurs prétendantes, j’espère pour quatre places comme c’est le cas actuellement. Pour l’heure, il faut rester concentré sur les quotas pour avoir un maximum de filles représentant la France. Ensuite on se battra pour les sélections.

Modifierez-vous votre approche des Jeux de Rio au regard de l’expérience de 2012 ?
Oui, complètement. Les JO de Londres, c’était une première expérience. Les unes comme les autres, nous nous sommes peut-être laissé destabiliser par l’environnement, le Village olympique, les grandes stars qu’on peut rencontrer au réfectoire… J’irai au Brésil avec cet espoir de faire une médaille, du coup dans un tout autre état d’esprit, moins absorbée par l’entourage.

Depuis l’an passé, vous formez avec Elisa Longo-Borghini un duo en parfaite symbiose. Comment l’expliquez-vous ?
Je pense tout simplement que nous sommes les mêmes personnes. Nous avons un caractère assez similaire, un physique assez similaire. On nous confond très souvent en course. Ce feeling s’est créé sans se l’expliquer, et ça marche bien. Nous n’avons pas besoin de nous parler, nous nous comprenons tout de suite. Nous avons la même façon de courir, c’est une grosse aide mutuelle. Une confiance aveugle l’une envers l’autre.

On évoque la renaissance dans le futur du Tour de France féminin, qu’en pensez-vous ?
J’ai un avis partagé. Beaucoup verraient un Tour de France féminin comme une consécration pour le cyclisme féminin. A mon sens, c’est faux. On ne peut pas créer un Tour féminin si les filles ne sont pas elles-mêmes professionnelles. Aujourd’hui, 10 à 15 % du peloton est pro. Pour moi, la grosse avancée serait d’abord de professionnaliser le cyclisme féminin, instaurer un salaire minimum, des cotisations sociales, avant de faire un Tour de France de dix ou quinze jours. Ce ne serait pas compatible étant donné la différence de niveau entre les filles.

Pensez-vous que Pauline Ferrand-Prévot puisse être une meilleure ambassadrice que Jeannie Longo pour promouvoir le cyclisme féminin en France ?
Clairement, oui. Pauline est quelqu’un de très ouvert qui sait reconnaître le travail de ses coéquipères. Après, elle a aussi sa carrière à mener. Avec tout ce qu’elle fait, elle ne peut pas non plus être le défenseur du cyclisme féminin. C’est quelque chose que nous devons faire en groupe, en tant qu’équipe de France féminine. Le nombre fera la force. Jeannie Longo a étouffé cela jusqu’ici, mais aussi parce que les médias l’ont bien voulu en la médiatisant elle et pas les autres. J’ai peur que cela recommence avec Pauline. Aujourd’hui on parle beaucoup d’elle mais peu de l’équipe de France. Si elle est championne du monde, c’est parce qu’elle a le talent mais aussi une équipe derrière elle. Evitons de la sacraliser et de lui faire prendre malgré elle la trace de Jeannie Longo. Ce n’est pas ce qu’elle veut. J’aimerais changer cette vision du cyclisme féminin. Le cyclisme, c’est un sport collectif.

Diriez-vous que l’avenir des coureuses françaises passe automatiquement par l’étranger ?
Pour le moment, oui, complètement. J’ai été six ans chez Vienne-Futuroscope et j’ai vu comme l’évolution est tellement lente en France. Trop lente. Il y a une différence énorme entre l’étranger et la France. La seule chose qui pourrait faire bouger les choses serait d’intégrer une équipe féminine à une structure masculine existante.

Propos recueillis à Paris le 26 juillet 2015.