Comme il est agréable de constater, que de nos jours et sur les courses modernes, sur des étapes en ligne sur le papier tout à fait promises aux sprinters, une échappée du premier kilomètre peut, à force de vaillance et de pugnacité, parvenir à son terme… Cinq hommes que le classement général jusqu’ici frustre tentèrent l’aventure. Les Brésiliens Magno Nazaret, Walter Ribeiro et Breno Sidoti, l’Italien Mirko Tedeschi et l’Américain Eric Schilde profitèrent des premiers rayons de soleil sur Rio das Ostras pour prendre la poudre d’escampette. La dernière étape qui achemine les coureurs vers Rio longe d’abord l’océan. Sable blanc et bruit des vagues. Avec un départ matinal donné à sept heures, le ciel rougeoie à peine sur l’horizon maritime, le soleil apparait, la lumière est déjà intensive et les ombres projetées sont encore longues. 167 km d’autoroute emportent les coureurs vers leur destin, vers le final. Peu ou pas de difficultés. L’asphalte est en bon état, le boulevard reste large et le trafic est plus facilement canalisé par la police. Un tapis rouge déroulé jusqu’à Rio est offert à ceux qui ont tout donné ces cinq derniers jours.

En tête, les cinq hommes ne rechignent guère à l’effort et personne ne se défile pour prendre le relais nécessaire pour préserver l’allure requise aux ambitions. Une internationale entraide de citoyens du monde. Derrière, le peloton, emmené par l’équipe des Colombiens, cède d’abord une minute, puis deux, puis trois. Magno Nazaret en profite pour gratter un à un tous les sprints intermédiaires. A lui le maillot vert sur le final. A cinquante kilomètres de l’arrivée, le quintet de musiciens compte jusqu’à cinq minutes d’avance. Le chant des pédaliers et des roulements garde son intensité, ne déroge pas, la musique son mouvement. Le peloton réagit, cette fois sous l’impulsion de l’équipe Funvic. Et l’écart irrémédiablement s’amenuise, diminue, chute, ne compte plus qu’une minute à vingt kilomètres du but. La belle aventure du club des cinq court à sa perte. C’est si commun.

Rio ouvre ses portes. On y entre par la baie, on franchit l’immense pont qui enjambe Guanabara. Quel site ! A gauche, la baie, le port, les bateaux. A droite, la mer, les plages, les buildings, les montagnes et le Christ qui, majestueusement, domine. Une carte postale. Le vent ambiant n’offre guère son aide. C’est pourtant maintenant qu’il faut réaliser l’exploit. Nulle question d’abdiquer, les valeureux mousquetaires n’abandonnent pas, s’unissent encore, décuplent un effort qui ne fut pas jusqu’ici lésiné. C’eut été trop bête d’être arrivés là pour se contraindre à rentrer dans le rang. Mais combien à ce point y parviennent ? Un bras de fer à distance entre cinq doigts de la main qui s’aident et le peloton qui cède. La belle échappée l’a échappé belle. Rio ouvre son cœur, on pénètre en son antre. Le portique de l’arrivée est dressé au beau milieu du parc de Quinta da Boa Vista, devant l’historique palais royal. C’est dimanche et le parc est comble. Les Cariocas se sont mobilisés. Que d’enfants pour agiter les drapeaux! Et les cœurs font plus de bruit que toutes les cymbales du carnaval. Tour do Rio. Sur l’allée pavée qui mène au château, l’Américain Eric Schilde crucifie au sprint ses compagnons. Il fallait bien un premier. Le peloton arrive deux minutes après. Le classement général est inchangé, entériné. Jean Suarez a gagné. La plus belle victoire de sa carrière, confie-t-il. Avec un tel talent, il y en aura d’autres…

Le Tour do Rio enchanteur, on en revient enchantés. Chaque participant a honoré son maillot, son équipe. Les Colombiens ont dominé outrageusement l’édition mais personne n’a démérité. L’esprit est toujours resté sportif, fair play. Des hommes venus des quatre coins du continent, d’Europe, ont partagé leur passion, ont cohabité, échangé. Une jolie course, un grand moment. Dommage qu’il n’y ait pas eu dans le lot quelques tricolores. Un manquement qui devrait faire réfléchir nos directeurs. Même si on n’y va pas pour les vacances, du Brésil, on n’en revient pas comme on est partis… L’année prochaine, peut-être….

Un reportage de Brice de Singo

Classement 5ème étape :

1. Eric Schildge (USA, Jamis-Sutter Home Pro Cycling) les 182,9 km 3h49’23 »
2. Breno Sidoti (BRA, Funvic-Pindamonhangaba) m.t.
3. Mirko Tedeschi (ITA, Petroli Firenze-Cycling Team) m.t.
4. Walter Ribeiro Jr (BRA, Padaria Real-Caloi-Ceu Azul-Alimentos) m.t.
5. Magno Nazaret (BRA, Funvic-Pindamonhangaba) à 4 sec.
6. Filippo Fortin (ITA, Trevigiani) à 2’05 »
7. Rafael Andriato (BRA, Petroli Firenze-Cycling Team) m.t.
8. Andrea Dal Col (ITA, Trevigiani) m.t.
9. Edoardo Costanzi (ITA, Trevigiani) m.t.
10. Roberto Pinheiro (BRA, Funvic-Pindamonhangaba) m.t.

Classement général final :

1. Juan Suarez (COL, EPM-UNE) en 18h42’24 »
2. Jaime Castaneda (COL, EPM-UNE) à 27 sec.
3. Edward Beltran (COL, EPM-UNE) à 37 sec.
4. Javier Gomez (COL, EPM-UNE) à 50 sec.
5. Antonio Nascimento (BRA, Funvic-Pindamonhangaba) à 57 sec.
6. Robigzon Oyola (COL, EPM-UNE) à 2’08 »
7. Tyler Wren (USA, Jamis-Sutter Home Pro Cycling) à 2’33 »
8. James Driscoll (USA, Jamis-Sutter Home Pro Cycling) à 2’44 »
9. Ibon Zugasti (ESP, MMR-Spiuk P/B Start Cycling) à 2’54 »
10. Rafael Abreu (COL, EPM-UNE) à 2’56 »