Professionnel entre 1999 et 2006, 3ème du Tour de Suisse 2002, Nicolas Fritsch est aujourd’hui conseiller auprès de l’agent Clément Gourdin. Tous les quinze jours, il nous apporte son point de vue sur l’actualité cycliste. Cette semaine c’est sous la forme d’une interview du champion d’Europe de poursuite par équipes Benjamin Thomas (Armée de Terre) que Nicolas Fritsch prend le pouls du cyclisme sur piste tricolore.

Benjamin, que penses-tu de la situation de la piste en France ?
Globalement, la piste française est dans une phase de transition concernant le haut niveau. Il y a eu des changements entrepris depuis cette année pour recréer une dynamique et mettre en place un cadre de travail pour les deux prochaines Olympiades au moins. L’activité du cyclisme sur piste en France sur tous les vélodromes est en progrès mais il y a tellement de possibilités de faire découvrir la piste au grand public ou aux jeunes (plus jeunes que moi bien sûr…). À Saint-Quentin, certains collèges amènent des classes de 4ème ou 3ème faire des baptêmes et découvrir ce sport leur plaît. C’est ça qu’il faut développer. Il y a un vrai travail de fond à mettre en place, intéresser le grand public et créer une « culture » de la piste. Si on fait cela, il sera plus facile d’organiser de grands événements populaires en France et d’attirer des investisseurs.

On a vu l’équipe de France échouer aux Jeux Olympiques avant de signer une belle réussite sur les Championnats d’Europe puis les Coupes du Monde…
S’agissant des JO, je n’ai que mon simple point de vue de spectateur étant donné que j’étais seulement remplaçant, mais je peux te garantir que chacun a fait le maximum. Il n’y a pas eu de manque de rigueur ou de travail en tout cas. La fin de saison avec les Europe à domicile et les deux Coupes du Monde réussies ont permis à l’équipe de France de retrouver le plaisir de faire du vélo et de relancer un peu tout le monde, c’est plutôt positif.

Penses-tu que la faible participation des coureurs pros aux épreuves sur piste soit due aux équipes qui empêchent les coureurs de s’impliquer davantage, ou aux coureurs eux-mêmes qui ne souhaitent tout simplement pas s’investir plus ?
C’est vrai que mis à part les Jeux Olympiques où l’on a vu quelques pros revenir sur la piste, il n’y a pas une grosse émulation de la part du peloton professionnel pour le reste du calendrier piste. Peut-être que les équipes considèrent la piste comme un moyen de repérer un jeune talent plutôt qu’un véritable terrain d’expression pour un coureur professionnel. C’est compréhensible. Néanmoins certaines équipes jouent plutôt bien le jeu en planifiant avec leurs coureurs certaines parenthèses au cours de la saison. Je pense que la clé réside dans cette communication entre le coureur, l’entraîneur et l’équipe qui doivent trouver tous un intérêt commun à ce que le coureur fasse de la piste. Il ne faut pas que cela nuise à l’équipe.

Peut-on envisager des équipes avec des pistards payés pour performer sur piste ?
On peut citer dans ce cas Kevin Sireau (Armée de Terre) ou bien encore les pistards anglais qui sont rémunérés par leur fédération, donc tout est possible même si la réforme du WorldTour va densifier les calendriers et réduire les « temps morts » dans la saison.

La piste devient-elle trop spécifique et donc incompatible avec la route ?
Il y a trois mois, avant la réforme de l’omnium, j’aurais répondu qu’il serait compliqué d’être compétitif à la fois sur la route et préparer les JO. Mais le nouveau règlement avec quatre épreuves en peloton favorise clairement un routier-sprinteur. Les entraînements pour le tour lancé, le kilomètre ou la poursuite demandent énormément de préparation donc ce changement de règlement facilite la pluridisciplinarité.

Que proposerais-tu comme idée pour développer la piste en France au niveau médiatique, juridique, etc. ?
On peut s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger, les 6 Jours en Belgique ou en Allemagne, les Revolutions en Angleterre, etc. Comme je l’ai dit, il faut créer une véritable culture. Ce qui fait grandir le plus une discipline de nos jours ce sont les médias et le grand public car ils entraînent avec eux partenaires, sponsors et investisseurs. On voit de plus en plus de piste à la télé sur Eurosport, la chaîne L’Equipe, France TV Sport, et c’est tant mieux. L’UCI a également réformé de nombreuses disciplines (notamment l’omnium qui évolue encore) pour obtenir des formats de courses plus intenses, plus dynamiques avec seulement quatre épreuves en peloton de 10 à 25 kilomètres. Cela va rendre l’omnium plus attractif à regarder à la télé et beaucoup plus compréhensible pour les gens qui ne regardent le cyclisme sur piste qu’à l’occasion des JO.

Penses-tu que la FFC puisse jouer un rôle en aidant les équipes et les coureurs, notamment en créant une équipe pro « piste » ?
La fédération aide déjà les pistards, notamment grâce aux quotas de coureurs spécialistes dans les équipes continentales. C’est comme cela que j’ai pu intégrer l’Armée de Terre en 2015. Après, on peut évidement toujours faire mieux à condition de moyens. On pourrait créer un peu comme les Anglais une équipe uniquement composée de pistards rémunérés par la fédération, avec des salaires similaires à ceux de la route. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain mais la France a largement les ressources à tout point de vue pour redevenir la meilleure nation au monde sur piste.

Comment vois-tu ton année 2017 ?
J’espère que 2017 sera encore meilleure que 2016 bien sûr ! Depuis mon passage à l’Armée de Terre en 2015 il y a du chemin de fait et j’espère continuer à progresser sur la route pour essayer de peser sur certaines courses comme les Coupes de France où il y a parfois plus d’opportunités, où la course est un peu plus débridée. Je reprends l’entraînement cette semaine après une bonne coupure, la motivation et l’envie sont présentes et les deux stages sur route avec l’Armée de Terre en décembre et janvier en Espagne vont mettre toute l’équipe sur de bons rails pour 2017. Depuis deux ans l’équipe m’a énormément fait progresser et j’espère ne pas les décevoir la saison prochaine.

A moyen terme, quelle orientation souhaites-tu donner à ta carrière ?
On va dire que deux objectifs se dégagent : les JO de 2020 et évoluer également sur la route en Continentale Pro voire même plus haut, soyons fou… C’est ambitieux mais avec des objectifs clairs comme cela il m’est plus facile de savoir ce que je veux et donc travailler en conséquence. Après tout peut aller très vite dans le vélo dans un sens comme dans l’autre donc il faut garder les pieds sur terre et se rappeler d’où on vient de temps en temps. Pour la suite de ma carrière je suis loin d’être un grand visionnaire, mais j’espère qu’elle sera la plus longue possible sur la route et sur la piste. Mais j’espère surtout faire les bons choix pour ne pas passer à côté de quelque chose, tout simplement.