C’est en théorie la dernière fois que les sprinteurs se présenteront pour la gagne sur le Lungomare Italo Calvino de San Remo. A condition que s’exauce le vœu des organisateurs italiens d’adjoindre à la Cipressa et au Poggio une troisième difficulté passé la barre fatidique des 250 kilomètres de course. Ce devait être le cas en ce premier dimanche de printemps qui marque l’ouverture de la campagne des classiques pour six dimanches captivants jusqu’à Liège-Bastogne-Liège. Mais l’hiver pourri a esquinté les routes qui jalonnent la Riviera et interdit à Milan-San Remo l’emprunt projeté de la Pompeiana, cette bosse qui finira bien, un jour ou l’autre, par s’intercaler entre la Cipressa et le Poggio. Ce jour-là, c’est une tout autre Primavera qu’il sera donné de vivre, loin des schémas devenus si convenus.

En attendant, c’est donc une édition rabotée, sans la Pompeiana mais également sans la Manie, introduite en 2008, qui se présente aux classicmen. Plutôt que de s’endurcir la classique s’est adoucie. Jamais, depuis 2007, les 294 kilomètres de course n’avaient semblé si « abordables ». Les stratégies sur ce parcours historique ont été épuisées depuis belle lurette. Reste qu’en près de 300 bornes il peut se passer beaucoup de choses. D’autant que la météo, si elle sera moins épique que l’an passé lorsqu’une tempête de neige s’était abattue sur l’Italie, demeure hostile. Une pluie froide accompagnera les courageux concurrents qui partent à l’assaut de la plus longue épreuve de la saison.

On le disait, les grandes lignes du scénario de la classicissima, sur ce tracé, sont connues. Tout commence par une échappée-fleuve lancée par sept coureurs en quittant les faubourgs de Milan. La composent Jan Barta (Team NetApp-Endura), Nicola Boem (Bardiani-CSF), Matteo Bono (Lampre-Merida), Marc De Maar (Unitedhealthcare), Nathan Haas (Garmin-Sharp), Antonio Parrinello (Androni Giocattoli) et Maarten Tjallingii (Belkin). Ensemble, les sept de tête vont franchir le tunnel du Passo del Turchino, qui marque la mi-course et le début d’une nouvelle phase, le long des côtes méditerranéennes dont les flots sont plus agités qu’à l’accoutumée. La petite dizaine de minutes amassée par les coureurs de tête s’égrenne à mesure que le groupe perd des éléments. Seuls De Maar et Tjaalingii insisteront après la Cipressa.

En haut de la Cipressa, Vincenzo Nibali compte une demi-minute d’avance sur le peloton.

On a alors franchi la marque des 250 kilomètres, celle à compter de laquelle s’effacent des coureurs à bout de forces. A ce stade, les 5,6 kilomètres à 4,1 % de la Cipressa prennent l’apparence d’une difficulté insurmontable. Si les sprinteurs s’y accrochent, ils s’exposent au premier mouvement d’un favori : Vincenzo Nibali (Astana). Le Sicilien n’est pas homme à faire de la figuration. A 25 kilomètres du but, il passe à l’action, sans recevoir de soutien, et s’empresse de fondre sur les deux rescapés de l’échappée matinale. En haut de la Cipressa, l’audacieux Vincenzo Nibali compte déjà une demi-minute d’avance sur le peloton, mais la liaison de plat que viendra un jour casser la Pompeiana condamne l’entreprise d’un homme seul. Lorsqu’il atteint le pied du Poggio à 10 kilomètres du but, Nibali n’a plus que 10 secondes d’avance.

Les 3,7 kilomètres à 3,7 % de la mythique difficulté de Milan-San Remo vont accoucher d’une souris. Vincenzo Nibali rejoint, les accélérations de Gregory Rast (Trek Factory Racing), Enrico Battaglin (Bardiani-CSF) ou encore Philippe Gilbert (BMC Racing Team) sont insuffisantes pour rompre un peloton fort d’une trentaine de coureurs, lequel bascule massé dans la descente technique et rendue périlleuse par la pluie qui n’a cessé de tomber toute la journée. A 6 kilomètres de l’arrivée, personne ne prendra le risque de tout y perdre. Le peloton des favoris négocie la descente sans accroc pour entrer tout entier dans les rues de San Remo, toujours flanqué d’une flopée de sprinteurs parmi lesquels Mark Cavendish, Gerald Ciolek, André Greipel, Alexander Kristoff, Sacha Modolo et Peter Sagan.

Sur le Lungomare Italo Calvino, Alexander Kristoff (Team Katusha) est celui qui bénéficie de la meilleure approche du sprint, d’abord emmené par son coéquipier Luca Paolini, puis rentier du labeur de Philippe Gilbert jusque dans la dernière ligne droite. Et quand Mark Cavendish (Omega Pharma-Quick Step) lance le sprint pour se rasseoir aussi sec, les muscles saturés d’acide lactique, le Norvégien n’a plus qu’à bondir sur la chaussée mouillée pour se projeter vers une ligne qu’il coupe en net vainqueur. Devant Fabian Cancellara (Trek Factory Racing) et Ben Swift (Team Sky). Cité davantage au rang d’outsider, Alexander Kristoff accroche un premier monument à son palmarès. Une consécration pour un coureur de 26 ans qui avait terminé l’an dernier 8ème de Milan-San Remo, 4ème du Tour des Flandres et 9ème de Paris-Roubaix.

Classement :

1. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) les 294 km en 6h55’56 » (42,4 km/h)
2. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) m.t.
3. Ben Swift (GBR, Team Sky) m.t.
4. Juan-José Lobato (ESP, Movistar Team) m.t.
5. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
6. Sonny Colbrelli (ITA, Bardiani-CSF) m.t.
7. Zdenek Stybar (TCH, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
8. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) m.t.
9. Gerald Ciolek (ALL, MTN-Qhubeka) m.t.
10. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) m.t.