Un mois et demi avant la première édition de Paris-Roubaix Challenge, ASO a organisé lundi la reconnaissance des 70 derniers kilomètres du parcours de la première édition de cette cyclosportive qui aura lieu le samedi 9 avril, à la veille de la mythique course professionnelle.

L’ensemble des journalistes présents pour cette journée ainsi que les organisateurs se retrouvent à 9h00 sur la place de la mairie d’Erre (Nord). C’est en effet à partir de cette localité que se profilera le premier véritable secteur pavé. Les fortes averses rencontrées sur la route cessent comme par magie une fois sur place. Nous préparons nos vélos spécialement équipés de roues à profil bas en alu montées de pneus et boyaux d’une section de 25 à 28 millimètres. Inhabituel. Les hommes en jaune de Mavic préparent les roues de secours et leurs véhicules d’assistance.

Il est 9h30, la cloche de l’église se fait entendre, Bernard Hinault nous invite à prendre nos montures et attaquer notre itinéraire. Nous voilà dans la traversée d’Erre, nous arrivons au premier passage à niveau et comme dans les éditions de légende, le train nous stoppe. A la suite de cette halte, nous reprenons la route. Sous les roues des cyclistes qui se trouvent devant nous, on aperçoit quelques trous suivis des premiers pavés. Ca y est, nous allons pour la première fois rouler sur ces lieux remplis d’histoire ! Ce premier secteur pavé de Wandignies-Hamage, long de 2900 mètres, surprend pour une entrée en matière. Les pavés sont assez mauvais et secouent le vélo dans tous les sens. La quinzaine de cyclistes s’étend rapidement sur plusieurs centaines de mètres avec les plus habitués en tête de cortège. Cette première partie me permet de trouver la position adéquate pour rouler efficacement sur un terrain en manque de rendement ! La fin du secteur arrive enfin, les bras, les doigts et les cuisses ne répondent plus suite aux chocs occasionnés par les secousses. Contrairement aux idées reçues, l’enchaînement pavé-bitume pourrait être la principale difficulté.

Après quelques kilomètres de goudron et la traversée d’un village aux maisons faites de briques rouges, nous arrivons dans le secteur pavé aboutissant sur la commune d’Orchies, l’un des plus renommés. Contrairement au premier tronçon, celui-ci est beaucoup plus irrégulier. On comprend alors tout le sens de l’expression « pavé sale ». Les bas-côtés impraticables, les pavés défoncés, il ne reste qu’une bande de 20 centimètres de largeur pour rouler sur ce qui est véritablement le haut du pavé. Rester sur une largeur si étroite avec des pavés, de la boue, des trous et de l’herbe qui commence à se montrer n’est pas une chose aisée…

Le ravitaillement prévu à Orchies nous permet de faire un premier point sur la façon d’aborder les pavés. Les conseils prodigués par Bernard Hinault et Gilbert Duclos-Lasalle sont écoutés et appliqués pour notre plus grand plaisir.

La pause ravito effectuée, nous voilà sur le secteur de Mons-en-Pévèle, long de 3000 mètres et en faux-plat pour la moitié. Il s’agit certainement du secteur le plus physique, qui peut cependant se passer sur la plaque pour anticiper la partie descendante et ainsi éviter de dérailler au changement de vitesse. La pluie ne s’est pas invitée au rendez-vous mais l’eau ruisselle le long des pavés et les flaques sont nombreuses sur les chemins. Lorsque l’une d’entre elles se présente sous vos roues, ne changez surtout pas de trajectoire au risque de perdre l’arrière du vélo et ainsi vous retrouver à terre. Quoi qu’il arrive votre vélo et vous-même prendrez les traits des champions tels que Merckx, Hinault, Museeuw ou Boonen, c’est-à-dire recouverts de boue. A la sortie de ce secteur, une relance en faux-plat vous attend, gare à ceux qui auront laissé trop de jus dans ce secteur !

Dans les secteurs suivants, les tracteurs ont laissé sur les pavés de la boue et de la paille, ce qui rajoute un peu plus de difficultés. Les projections de boue et d’eau de la roue avant vous arrivent directement sur les jambes et avec une température de 3°C, les membres commencent à ressentir quelques tiraillements au niveau des articulations. A partir d’une dizaine de secteurs pavés, le dérailleur commence à se faire entendre par quelques grincements et sauts de vitesses. N’hésitez pas à emporter une recharge d’huile pour prévenir tout problème de transmission.

Le 9 avril prochain, entre 2000 et 4000 cyclos se donneront rendez-vous à Saint-Quentin pour rallier le vélodrome de Roubaix. Le passage des pavés n’est pas si difficile que certains le laissent prétendre, une attention permanente est certes obligatoire comme dans toutes compétitions mais avec un vélo correctement équipé aucun problème ne devrait venir gêner votre progression.

Se retrouver sur ces chemins mythiques, le visage boueux, passant les flaques, c’est une chose à faire au moins une fois dans sa vie de cycliste. De plus, le public de la course professionnelle massé sur les routes jonchées de drapeaux au lion noir flamand sera déjà sur place et n’hésitera en aucun cas à vous encourager et à vous transcender dans l’effort. Tout au long de ce parcours vous vous sentirez dans la peau des plus grands champions arrivés vainqueurs sur le vélodrome, et chaque endroit vous rappellera un moment incontournable des éditions que vous avez vues sur votre petit écran. C’est alors avec des frissons et la chair de poule que vous rentrerez sur le vélodrome. Vainqueur ou anonyme finisseur, vous pourrez alors dire : « j’ai dompté les pavés de Roubaix ». Et dans une vie de cycliste, cet exploit est à réaliser ! – Damien Chaillan