Ces Italiens n’ont décidément pas froid aux yeux ! Avides d’épopées et de défis audacieux, les organisateurs du Giro s’étaient mis en tête de répondre à la performance réalisée il y a deux ans par ceux du Tour de France en plantant à leur tour leur drapeau au sommet du col du Galibier. En juillet 2011, la Grande Boucle s’y était arrêtée pour la première fois de l’Histoire en rejoignant le sommet via le Lautaret. Cette fois, c’est par le Télégraphe, le versant le plus beau, que le Giro avait imaginé grimper là-haut, jusqu’au tunnel (2642 mètres), sur des routes pourtant rarement déneigées avant le 1er juin. C’était déjà un pari en soi. Mais en cette année climatiquement difficile, il a vite viré à l’exploit à relever. Faisant fi des contre-indications, les organisateurs du Giro ont pris sur eux de maintenir une étape dantesque dans sa quasi intégralité !

Jamais le col du Galibier ne s’était offert si tôt à une course cycliste. Enveloppé dans un épais manteau neigeux, le géant de Savoie attend les héros, le mot n’est guère trop fort, du Tour d’Italie. L’essentiel de la quinzième étape est préservé : le départ de Cesana Torinese, l’ascension tout aussi hasardeuse du Mont Cenis, l’escalade du col du Télégraphe que poursuit la montée du Galibier jusqu’aux Granges et la stèle Marco Pantani inaugurée en 2011, soit 4,2 kilomètres avant le tunnel enfoui sous la neige. Pour s’attaquer à un programme aussi démentiel, par-delà des routes aux flancs bordés d’une épaisse couche de neige, il faut beaucoup de courage. Beaucoup de prudence aussi. Alors le peloton se serrera les coudes et fera preuve de solidarité, décidant de grimper en rangs serrés le col frontalier du Mont Cenis (25,5 km à 6,3 %), repoussant au kilomètre 55 les premières escarmouches d’une étape de 144,8 kilomètres.

La course n’ayant pas encore démarré alors que le sommet du Mont Cenis s’approche, Stefano Pirazzi (Bardiani Valvole-CSF Inox) y voit l’occasion d’ajouter de précieux points dans la défense de son maillot bleu de meilleur grimpeur. L’Italien anticipe. Il attaque à 2 kilomètres de la bascule, dans un décor de carte postale hivernale, sortant le peloton de sa léthargie pour inviter cinq autres coureurs à lui emboîter le pas : Paolo-Longo Borghini (Cannondale), Robinson Chalapud (Colombia), Matteo Rabottini (Vini Fantini-Selle Italia), Giovanni Visconti (Movistar Team) et Pieter Weening (Orica-GreenEdge). Le groupe des six franchit le sommet en tête, plonge alors sur la France et la vallée de la Maurienne, dans laquelle il porte son avantage à près de six minutes, avant de virer sur la gauche, de franchir l’Arc, et de s’attaquer au col du Télégraphe.

L’équipe Astana de Vincenzo Nibali contrôle la course avec une remarquable impassibilité.

Du bas du Télégraphe à l’arrivée aux Granges, il reste 30 kilomètres à parcourir, quasiment tous ascendants. Protégé par une brillante équipe Astana, sereine dans la gestion de ses efforts, le Maillot Rose Vincenzo Nibali va s’exposer très vite aux assauts de ses adversaires. Un groupe de mercenaires tente de se coaliser après la sortie successive de Robert Gesink (Blanco), Egoi Martinez (Euskaltel-Euskadi), Sergio-Luis Henao (Team Sky), Robert Kiserlovski (RadioShack-Leopard) et Danilo Di Luca (Vini Fantini-Selle Italia), mais la formation Astana garde son sang-froid. Ceux qui avaient désiré mener la vie dure au leader du classement général vont s’asphyxier d’eux-mêmes dans les pentes du Télégraphe pour finalement être revus dans l’ascension du Galibier. L’impassibilité avec laquelle Vincenzo Nibali et ses gregarii auront géré la situation est remarquable. Le Giro est clairement en train de se trouver un patron.

Le Télégraphe franchi, la course a basculé sur Valloire pour désormais braver les rampes du Galibier. Parvenir là-haut aujourd’hui se méritera. Les conditions climatiques se détériorent brutalement. Il neige à gros flocons sur le Tour d’Italie. Des six éclaireurs sortis en haut du Mont Cenis, Giovanni Visconti s’est finalement montré le plus aérien. L’ancien champion d’Italie s’isole dans la montée du Télégraphe et c’est avec moins de trois minutes d’avance sur le peloton Maillot Rose qu’il s’attaque aux 10,9 kilomètres d’ascension du Galibier. Il lui faudra puiser au plus profond de lui pour se hisser là-haut en triomphateur. Et c’est la performance qu’il va parvenir à accomplir, ne lâchant rien dans l’escalade qui tient plus de l’expédition arctique que d’une course de vélo. Au sommet, Giovanni Visconti entre avec le Galibier dans la légende du Giro.

La victoire du coureur italien, qui conserve 42 secondes d’avance à l’arrivée, aura il est vrai beaucoup résulté du marquage des principaux favoris. Vincenzo Nibali et ses coéquipiers ayant parfaitement répondu aux attaques isolées, le Maillot Rose teste la résistance de ses adversaires en accélérant comme hier à 2 kilomètres du but. Cette fois il n’insistera pas, se contentant de contrôler des rivaux incapables de passer à l’attaque dans le froid savoyard. Finalement, le duel le plus virulent aura opposé ceux qui se battent pour l’autre classement général, celui des moins de 25 ans. Faisant leur course de leur côté, Rafal Majka (Team Saxo-Tinkoff) et Carlos-Alberto Betancur (Ag2r La Mondiale) se seront formidablement opposés dans les derniers kilomètres d’ascension, le Colombien allant chercher au Galibier une nouvelle place de 2 (après Florence et Montasio) pour ravir, grâce aux bonifications, le maillot blanc des jeunes.

Demain lundi, la course marquera une pause bien méritée avant le retour en Italie mardi entre Valloire et Ivrea (238 km).

Classement 15ème étape :

1. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) les 144,8 km en 4h40’48 » (30,9 km/h)
2. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 42 sec.
3. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-Merida) m.t.
4. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) m.t.
5. Fabio-Andres Duarte (COL, Colombia) à 47 sec.
6. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) à 54 sec.
7. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) m.t.
8. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) m.t.
9. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) m.t.
10. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) m.t.

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 62h02’34 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’26 »
3. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 2’46 »
4. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) à 2’47 »
5. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) à 3’53 »
6. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-Merida) à 4’35 »
7. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 5’15 »
8. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 5’20 »
9. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 5’57 »
10. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) à 6’21 »

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) 109 pt
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 91 pt
3. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 84 pt
4. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 79 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 74 pt
6. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 72 pt
7. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 71 pt
8. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 61 pt
9. Giacomo Nizzolo (ITA, RadioShack-Leopard) 61 pt
10. Maxim Belkov (RUS, Team Katusha) 55 pt

Classement de la montagne :

1. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) 65 pt
2. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 42 pt
3. Robinson Chalapud (COL, Colombia) 28 pt
4. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) 26 pt
5. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 23 pt
6. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 18 pt
7. Maxim Belkov (RUS, Team Katusha) 18 pt
8. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 17 pt
9. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 15 pt
10. Emanuele Sella (ITA, Androni Giocattoli) 13 pt

Classement des jeunes :

1. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) en 62h07’49 »
2. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 5 sec.
3. Wilco Kelderman (PBS, Blanco) à 8’14 »
4. Darwin Atapuma (COL, Colombia) à 11’40 »
5. Diego Rosa (ITA, Androni Giocattoli) à 25’30 »
6. Jarlinson Pantano (COL, Colombia) à 45’36 »
7. Fabio Felline (ITA, Androni Giocattoli) à 1h01’47 »
8. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1h10’35 »
9. Thomas Damuseau (FRA, Argos-Shimano) à 1h16’19 »
10. Jens Keukeleire (BEL, Orica-GreenEdge) à 1h22’53 »

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 185h45’06 »
2. Blanco (PBS) à 5’45 »
3. Lampre-Merdia (ITA) à 5’56 »
4. Movistar Team (ESP) à 8’18 »
5. Astana (KAZ) à 9’01 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 16’38 »
7. Androni Giocattoli (ITA) à 32’02 »
8. Vini Fantini-Selle Italia (ITA) à 39’19 »
9. Team Katusha (RUS) à 43’40 »
10. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 44’51 »