Voilà le Giro au pied des Alpes, à l’orée d’un week-end capital et profusément incertain. Le fabuleux tracé que les organisateurs avaient imaginé dans le massif alpin ne se présente plus ce matin qu’en pointillés. Ce printemps pourri en est le responsable. De Cervere, d’où repart la course ce matin, il faut deviner la montagne, éclipsée par les nuages bas qui déversent encore et toujours leur venin. Sauf qu’aux altitudes que doivent désormais aller chercher les coureurs, au-delà de la barre des 2000 mètres, les gouttes se muent en flocons, la pluie en neige, et les routes, quand elles demeurent praticables, deviennent extrêmement périlleuses. Le Giro a beau se délecter de ces shows froids, il ne lâchera pas les coureurs sur de telles portions. Effacée sous un épais brouillard, l’ascension de Sestrières doit aussi être effacée de la carte.

En route pour la station de Bardonèche, c’est une course quelque peu différente de celle programmée qui sera offerte dans cette quatorzième étape. Le Giro contourne l’ascension vers Sestrières par les plaines piémontaises. Au lieu de 168 kilomètres, l’étape est portée à 180 kilomètres… mais réduite à une course de côte. Avec un obstacle en moins, ce parcours modifié inspire évidemment les attaquants, qui voient là une aubaine. Sous la pluie qui s’abat sur le peloton dès les premiers kilomètres, sept hommes s’échappent au kilomètre 17 : Sonny Colbrelli (Bardiani Valvole-CSF Inox), Luca Paolini (Team Katusha), Daniele Pietropolli (Lampre-Merida) et Matteo Trentin (Omega Pharma-Quick Step), auxquels se joignent les malheureux Egoi Martinez (Euskaltel-Euskadi), Peter Stetina (Garmin-Sharp) et Pieter Weening (Orica-GreenEdge). Malheureux dit-on car ces trois-là seront rapidement victimes d’une chute qui les écartera de la tête.

A quatre, les choses ne vont pas plus mal. Sur le plat, l’échappée gagne du terrain. Il lui faut amasser un maximum de temps pour aborder les rampes finales avec l’espoir d’atteindre le sommet en tête. La station de Bardonèche, enclavée entre les montagnes, à 1908 mètres d’altitude, ne s’atteint qu’au terme d’une ascension de 7 kilomètres à 9 %. L’avantage des quatre Italiens (Colbrelli, Paolini, Pietropolli et Trentin) avoisine les dix minutes mais il a déjà réduit de moitié lorsque démarre la montée finale, sous les flocons qui blanchissent la chaussée mais la rendront heureusement praticable jusqu’en haut, dans les nuages. Fourbu, Matteo Trentin a déjà lâché prise. Daniele Pietropolli va craquer un peu plus loin. Finalement l’ancien Maillot Rose Luca Paolini se défera de Sonny Colbrelli dans les derniers kilomètres. Mais ses espoirs de triomphe épique s’évaporeront dans les dernières minutes, rejoint par la horde des favoris.

Sur la route blanchie, Vincenzo Nibali choisit de laminer ses derniers adversaires.

Avant l’escalade unique de la journée, le peloton a perdu de nouveaux éléments sur chute. L’ancien vainqueur d’étape Enrico Battaglin (Bardiani Valvole-CSF Inox) a été évacué le corps meurtri. Même topo pour Alessandro Vanotti (Astana), un équipier du Maillot Rose Vincenzo Nibali, qui perd sur cet accident son premier gregario. Chez Sky, c’est du leader Bradley Wiggins que l’on est désormais orphelin, mais la formation britannique a heureusement d’autres atouts dans son jeu. 3ème à 2’04 » ce matin, le Colombien Rigoberto Uran laisse planer une menace importante. Les Sky, d’ailleurs, n’hésitent pas à donner le rythme en tête de peloton. Après avoir apporté leur contribution aux Astana le plus clair de la journée, ils abattent leur travail de sape dans les premières rampes neigeuses de la montée vers Bardonèche.

Et quand Dario Cataldo se relève, Sergio-Luis Henao entre en action. Il démarre à 5 kilomètres du but ! Chez Sky, on a à l’évidence décidé d’avancer ses pions en rapprochant Henao (11ème à 5’06 ») de la tête du classement général. Le Colombien parvient à gagner du temps, associé à Diego Rosa (Androni Giocattoli), mais il coince dans le froid et craque brutalement, ravalé par un peloton qui ne compte plus qu’une quinzaine d’unités. Il reste alors un peu moins de 2 kilomètres de souffrance sous la neige quand Vincenzo Nibali en personne choisit de laminer ses derniers adversaires. Le Maillot Rose porte une estocade à laquelle ne répondent dans l’immédiat que Mauro Santambrogio (Vini Fantini-Selle Italia), Cadel Evans (BMC Racing Team) et Carlos-Alberto Betancur (Ag2r La Mondiale). Mais ces deux derniers coincent assez vite et laissent s’échapper les deux plus costauds du jour, Nibali et Santambrogio.

Dans le dernier kilomètre, alors que les derniers éclaireurs matinaux à bout de forces ont été débordés, Mauro Santambrogio relaie son adversaire sans parvenir à le décrocher. Il ne cherche pas à le faire d’ailleurs. Il aura aujourd’hui pour objectif de gagner du temps sur ses adversaires et de se rapprocher d’une place sur le podium qui ne lui échappe ce soir que pour une petite seconde. Au sommet, c’est son maillot jaune fluo qui se distingue le mieux dans la brume. Mauro Santambriogio obtient la victoire d’une étape mémorable. Sans volonté de lui contester ce succès aujourd’hui, Vincenzo Nibali 2ème dans sa roue se contente des écarts creusés sur l’ensemble de ses adversaires : Rigoberto Uran est repoussé de 30 secondes, Cadel Evans de 33 secondes. Au classement général, Vincenzo Nibali se fait de la marge.

Demain dimanche, c’est une étape au déroulement très incertain qui est programmée entre Cesana Torinese et le col du Galibier (149 km).

Classement 14ème étape :

1. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) les 180 km en 4h42’55 » (38,2 km/h)
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) m.t.
3. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 9 sec.
4. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 26 sec.
5. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 30 sec.
6. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 33 sec.
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
8. Robert Kiserlovski (CRO, RadioShack-Leopard) m.t.
9. Sonny Colbrelli (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 55 sec.
10. Damiano Caruso (ITA, Cannondale) à 58 sec.

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 57h20’52 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’26 »
3. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 2’46 »
4. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) à 2’47 »
5. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) à 3’53 »
6. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-Merida) à 4’55 »
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 5’12 »
8. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 5’32 »
9. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 5’39 »
10. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) à 5’51 »

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) 109 pt
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 83 pt
3. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 77 pt
4. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 72 pt
5. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 65 pt
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 65 pt
7. Giacomo Nizzolo (ITA, RadioShack-Leopard) 61 pt
8. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 59 pt
9. Maxim Belkov (RUS, Team Katusha) 55 pt
10. Luca Paolini (ITA, Team Katusha) 45 pt

Classement de la montagne :

1. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) 47 pt
2. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) 26 pt
3. Robinson Chalapud (COL, Colombia) 23 pt
4. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 18 pt
5. Maxim Belkov (RUS, Team Katusha) 18 pt
6. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 17 pt
7. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 16 pt
8. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 15 pt
9. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 14 pt
10. Emanuele Sella (ITA, Androni Giocattoli) 13 pt

Classement des jeunes :

1. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) en 57h26’24 »
2. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 7 sec.
3. Wilco Kelderman (PBS, Blanco) à 7’51 »
4. Darwin Atapuma (COL, Colombia) à 10’53 »
5. Diego Rosa (ITA, Androni Giocattoli) à 24’18 »
6. Jarlinson Pantano (COL, Colombia) à 44’18 »
7. Fabio Felline (ITA, Androni Giocattoli) à 52’31 »
8. Jens Keukeleire (BEL, Orica-GreenEdge) à 1h03’04 »
9. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1h09’10 »
10. Thomas Damuseau (FRA, Argos-Shimano) à 1h12’23 »

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 171h36’21 »
2. Blanco (PBS) à 7’02 »
3. Lampre-Merdia (ITA) à 7’15 »
4. Astana (KAZ) à 10’59 »
5. Movistar Team (ESP) à 11’48 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 18’59 »
7. Team Katusha (RUS) à 23’00 »
8. Androni Giocattoli (ITA) à 28’27 »
9. Vini Fantini-Selle Italia (ITA) à 41’48 »
10. BMC Racing Team (USA) à 42’05 »