Ce sont des questions qui au fond accompagnent chacun des pelotons qui rejoignent, en convoi plus ou moins neutralisé, le terme d’un Grand Tour. Que restera-t-il de la présente édition dans les mémoires dans un an, cinq ans, dix ans ? Quelles images resteront associées aux trois semaines écoulées ? Quelle place occupera avec le temps cette édition 2015 dans l’Histoire désormais octogénaire de la Vuelta ? Des interrogations usuelles auxquelles s’en ajoute une plus contextuelle au moment où la course regagne Madrid : à quel destin sont promis les jeunes coureurs qui nous auront tellement passionné au cours des trois semaines passées en péninsule ibérique ? Citons au rang des plus belles sensations Fabio Aru (Astana), Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) et Esteban Chaves (Orica-GreenEdge).

Que d’épisodes se seront succédé au cours de ce troisième et dernier Grand Tour de la saison. Le rendez-vous manqué avec le contre-la-montre par équipes de Marbella, jugé trop périlleux ; l’exclusion de Vincenzo Nibali dès le deuxième jour de course pour s’être accroché à son véhicule après une chute ; le duel musclé entre Esteban Chaves et Tom Dumoulin en première semaine ; le sursaut d’orgueuil de Chris Froome à Cumbres del Sol deux jours après avoir marqué le pas à La Alpujarra ; puis sa chute en principauté d’Andorre, sa défaillance et son abandon sur blessure au pied ; les succès d’une nouvelle génération de sprinteurs incarnée par Caleb Ewan, Jasper Stuyven, Kristian Sbaragli et Danny Van Poppel ; le coup de massue donné par Fabio Aru à Cortals d’Encamp au terme d’une étape parmi les plus dures de l’Histoire contemporaine des Grands Tours ; l’écrasante victoire de Tom Dumoulin face au chrono de Burgos ; jusqu’à sa déroute provoquée par l’équipe Astana il y a vingt-quatre heures.

Et nous voilà ce soir à Madrid, la capitale espagnole boudée du tracé de la Vuelta il y a un an (quand l’arrivée finale avait été délocalisée à Saint-Jacques-de-Compostelle), avec un jeune champion pour lauréat. Un grimpeur du nom de Fabio Aru qui accole son nom au palmarès à celui d’Alberto Contador, son maître à penser. 2ème du Giro en mai, celui qui devait pour la première fois partager les responsabilités avec Vincenzo Nibali sur un Grand Tour (avant que le Sicilien ne soit mis à la porte d’entrée de jeu, clarifiant ainsi les choses au sein de l’équipe Astana) aura tenu son rang. A 25 ans, et avant d’aller découvrir l’atmosphère du Tour de France la saison prochaine, il aura fait preuve de sang-froid pour préserver jusqu’au bout ses chances de l’emporter dans une épreuve d’une rare intensité tant personne, hier, n’en imaginait l’épilogue.

John Degenkolb obtient dans les rues de Madrid sa dixième victoire d’étape sur la Vuelta.

C’est Fabio Aru qui, dès le premier grand rendez-vous fixé par les favoris dans l’exténuante étape pyrénéenne d’Andorre, avait porté la première estocade sérieuse, repoussant au Cortals d’Encamp Rodriguez de 37 secondes, Majka de 48 secondes, Dumoulin de 1’37 » et Quintana de 3’57 ». Mais dans les cols asturiens, Joaquim Rodriguez (Team Katusha), son futur dauphin, grignotait son retard petit à petit pour finir par s’emparer du maillot rouge pour une petite seconde avant le contre-la-montre de Burgos. Là, la menace venait d’ailleurs. Car la procession de cimes n’avait pas encore écarté Tom Dumoulin, qui allait refaire ses 110 secondes de retard sur le Sarde au classement général (et même en ajouter 3) pour obliger ce dernier à user de stratégie jusque dans l’ultime étape en Sierra de Guadarrama hier pour accrocher le sacre.

La victoire finale dans le Tour d’Espagne ne tenant désormais plus à quelques secondes, la hache de guerre est enterrée, et c’est un beau défilé qui s’annonce à la conclusion des trois semaines de course. Une courte parade de 40 kilomètres au départ d’Alcala de Henares jusqu’à atteindre le circuit de Madrid et ses dix boucles de 5,8 kilomètres entre la Plaza de Colon d’un côté, la Plaza del Callao de l’autre, et au centre, pour théâtre des opérations d’arrivée, l’emblématique Plaza de Cibeles. Si la chasse aux secondes est fermée, celle aux points n’est pas encore complètement terminée. Aussi Alejandro Valverde (Movistar Team) lorgne-t-il encore sur le maillot vert de Joaquim Rodriguez, qu’il va aller lui confisquer en sprintant pour les points du sprint intermédiaire à l’entrée sur le circuit madrilène. Histoire de grimper lui aussi sur le podium ce soir, une tradition pour le Murcian qui aura obtenu encore sa part de gloire cet été sur la Vuelta, avec une neuvième victoire d’étape et un maillot vert.

Dix minutes avant que le soleil ne se couche sur Madrid et la 70ème édition de la Vuelta, c’est un sprint qui conclura donc l’épreuve, une fois rejoints les six derniers attaquants : Omar Fraile (Caja Rural-Seguros RGA), Benjamin King (Cannondale-Garmin), Matteo Montaguti (Ag2r La Mondiale), Laurent Pichon (FDJ), Carlos Verona (Etixx-Quick Step) et Giovanni Visconti (Movistar Team). Il y avait un an que John Degenkolb (Giant-Alpecin) n’avait plus gagné sur un Grand Tour. Dix fois classé dans un Top 5 (sur le Tour ou la Vuelta) depuis son dernier succès d’étape, l’Allemand va s’offrir le dernier bouquet en contenant Danny Van Poppel (Trek Factory Racing) et Jempy Drucker (BMC Racing Team). Il obtient dans les rues de Madrid sa dixième victoire d’étape sur la Vuelta, que s’adjuge Fabio Aru devant Joaquim Rodriguez et Rafal Majka (Tinkoff-Saxo).

Classement 21ème étape :

1. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) les 98,8 km en 2h34’13 » (38,4 km/h)
2. Danny Van Poppel (PBS, Trek Factory Racing) m.t.
3. Jempy Drucker (LUX, BMC Racing Team) m.t.
4. Daryl Impey (AFS, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Tosh Van Der Sande (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
6. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) m.t.
7. Nikolas Maes (BEL, Etixx-Quick Step) m.t.
8. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) m.t.
9. Kévin Reza (FRA, FDJ) m.t.
10. Tom Van Asbroeck (BEL, Team LottoNL-Jumbo) m.t.

Classement général final :

1. Fabio Aru (ITA, Astana) en 85h36’13 »
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 57 sec.
3. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’09 »
4. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 1’42 »
5. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 3’10 »
6. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 3’46 »
7. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 6’47 »
8. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) à 7’06 »
9. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 7’12 »
10. Louis Meintjes (AFS, MTN-Qhubeka) à 10’26 »

Classement par points :

1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 118 pt
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 116 pt
3. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 108 pt
4. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 105 pt
5. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 97 pt
6. Fabio Aru (ITA, Astana) 97 pt
7. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) 93 pt
8. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 89 pt
9. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) 84 pt
10. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 76 pt

Classement de la montagne :

1. Omar Fraile (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 82 pt
2. Ruben Plaza (ESP, Lampre-Merida) 63 pt
3. Frank Schleck (LUX, Trek Factory Racing) 30 pt
4. Alessandro De Marchi (ITA, BMC Racing Team) 28 pt
5. Mikel Landa (ESP, Astana) 25 pt
6. José Gonçalves (POR, Caja Rural-Seguros RGA) 24 pt
7. Rodolfo Torres (COL, Colombia) 22 pt
8. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 20 pt
9. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 19 pt
10. Mikaël Chérel (FRA, Ag2r La Mondiale) 18 pt

Classement du combiné :

1. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 16 pt
2. Fabio Aru (ITA, Astana) 23 pt
3. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 24 pt
4. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 38 pt
5. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 43 pt
6. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 46 pt
7. Mikel Landa (ESP, Astana) 49 pt
8. José Gonçalves (POR, Caja Rural-Seguros RGA) 52 pt
9.  Nelson Oliveira (POR, Lampre-Merida) 57 pt
10. Frank Schleck (LUX, Trek Factory Racing) 59 pt

Classement par équipes :

1. Movistar Team (ESP) en 256h44’38 »
2. Team Sky (GBR) à 29’47 »
3. Team Katusha (RUS) à 35’44 »
4. Astana (KAZ) à 48’24 »
5. Team Europcar (FRA) à 1h11’00 »
6. Caja Rural-Seguros RGA (ESP) à 1h20’44 »
7. Tinkoff-Saxo (RUS) à 1h40’58 »
8. Etixx-Quick-Step (BEL) à 1h43’44 »
9. Lotto-Soudal (BEL) à 1h55’17 »
10. Cofidis (FRA) à 2h36’11 »