Caroline, quand es-tu arrivée aux Pays-Bas avec l’équipe de France ?
Nous sommes arrivés hier après-midi. J’ai roulé 1h10 avec Marlène Morel-Petitgirard sur route. Puis j’ai fait deux tours hier, mais le circuit officiel n’était pas ouvert et nous avons couru sur le circuit parallèle. C’était histoire de faire du cyclo-cross. Ce n’était pas très utile, car tu ne peux pas travailler tes trajectoires. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais couru à Hoogerheide. Je connais le circuit par cœur. Ils ont fait quelques petites modifications. Ils ont notamment rajouté une passerelle. Ce sont des nuances. Mais quand tu es déjà venue, tu as déjà une vision globale du circuit. Aujourd’hui, j’ai fait cinq ou six tours, j’ai pu travailler mes trajectoires, faire des tests pour la pression. Mais tout peut évoluer très vite. La semaine dernière, à Nommay, la veille des compétitions, le circuit était très roulant et c’est devenu glissant. C’est la raison pour laquelle les recos sont parfois inutiles. On sera fixées demain matin. Il y aura la course des Juniors juste avant. Cela creuse, ça crée des ornières. C’est difficile de se baser là-dessus.

Comment qualifierais-tu le circuit ?
Il est très physique, usant. Il y a quand même du dénivelé, car il faut remonter quelques petites buttes. C’est un effort particulier. Ce sont de bosses qui deviennent grasses au fur et à mesure. Il y a aussi des bosses à pied qui sont très raides. On ne récupère pas trop. Les parties où on pourrait récupérer sont très grasses. C’est là où il faut mettre un braquet terrible et y aller tout en force pour passer la boue. Mais il ne faut pas s’énerver, car on peut rapidement prendre un éclat. Si tu te mets trop dans le rouge, tu ne t’en remets pas. Techniquement ça risque aussi d’être compliqué. Il y a notamment une petite descente juste avant l’arrivée où il faut faire attention. Tu peux faire des erreurs très rapidement et cela demande une très grosse concentration.

Combien de vélos et de roues as-tu amenés ?
J’ai trois vélos et sept paires de roues. C’est du matos ! Ce n’est pas évident à transporter depuis les États-Unis ! J’ai quatre vélo là-bas. J’ai gardé ceux de l’an passé en France, car c’était injouable. Arriver et repartir avec trois vélos à l’aéroport, ce n’était pas possible. J’ai juste transporté les roues. Le fait d’être à l’étranger, ce n’est pas évident. C’est une vraie organisation. Il faut faire une liste avant de partir : avoir un dérailleur, une patte de dérailleur, une chaîne 11 vitesses, une selle, etc, en cas de problème. Maintenant que j’habite aux États-Unis, je suis comme les Américains : j’ai mes bagages et mes sacs partout (elle rit) ! En Europe, on peut difficilement faire une saison avec deux vélos. Il suffit de casser un cadre pour se retrouver dans une situation délicate. Trois vélos, c’est le minimum syndical.

Quel braquet vas-tu utiliser ?
J’ai fait un gros changement. Les Américains sont en mode braquasse. Ils sont sur un classique 36-46. 46, c’est peut-être ce que met Francis (Mourey) ! Si les Américaines sont restées avec le 46, elles vont en chier ! Je me suis battue toute l’année dernière pour avoir un 44. En arrivant en Europe, quand Laurence Leboucher, qui me suit, m’a vue avec ce braquet, elle m’a dit, « qu’est-ce que c’est que ça ! » (elle rit.) Avant le Championnat de France, j’ai changé mes braquets et je suis passée en 36-40, comme quand je gagne à Liévin en 2010. Je sens la différence au niveau des relances. Si j’avais gardé le 44, je serai restée collée au fond de la boue d’Hoogerheide ! En Europe, on est très attentifs à ce genre de détails, aux États-Unis, ce n’est pas la fin du monde et c’est à toi de t’adapter. Parfois c’est la guerre.

Cela vaut aussi pour le poids des vélos ?
Oui, c’est la même chose. Là aussi je me suis battue avec les Américains. Pour eux, 500 grammes sur un vélo, ce n’est rien ! On voulait me faire courir avec des freins à disques. Je leur ai dit que cela n’allait pas me servir. Même Jeremy Powers, le champion des États-Unis a roulé avec des freins classiques là où tout le monde est passé au disque. Sur les sept vélos que j’ai, j’en ai un à disques. Il ne roule pas de l’année. Il est sur le home-trainer. Je n’en vois pas l’utilité.

Pourquoi ?
J’entendais à la Coupe du Monde la semaine dernière celles qui courraient avec les disques. Le bruit me rendrait dingue ! Quand le circuit est boueux, la boue viendra quand même se coller. Il n’y a pas encore de roues typiques cyclo-cross. Les disques que nous avons sont trop grands. Je trouve que ce n’est pas forcément au point. Je m’attendais à avoir un feeling VTT, avec du frein très souple, et j’ai été très déçue. Je suis assez old school avec un mécanique 11 vitesses et pas de disques. Pour les Américains, c’était le drame. Je ne suis pas sûre que ce soit l’évolution. Je ne me suis jamais retrouvée dans une situation où je n’avais pas assez de freins. Et puis, c’est du poids en plus. Le vélo que j’utiliserai fait 6,9 kg, celui à disques pèse pratiquement 8 kg.

Quelle pression de pneu vas-tu utiliser demain  ?
Je porte beaucoup d’intérêt à ce qui est reconnaissance et à la pression des pneus. Ce sont des petits détails qui font la différence. Avoir l’avantage de connaître la pression que tu veux, ça t’enlève du stress. Je ne roule pas avec les mêmes boyaux que les autres coureurs. C’est un boyau tubeless. Je n’ai donc pas de chambre à air. Donc en terme de pression des pneus, je suis obligée d’être un petit peu au-dessus de la norme. La coque est plus rigide. Si tu dégonfles trop et que tu tapes, tu es directement sur le boyau et donc tu perces. Aujourd’hui j’ai reconnu à 1,3 bar. Demain, ça va être comme Nommay s’il pleut, donc peut-être 1,1. Tout dépend aussi des coureurs. Pauline (Ferrand-Prévot) court avec plus de pression. J’ai pris l’habitude avec Laurence de dégonfler à bloc. Francis est lui aussi super bas.

Au niveau de l’assistance en course, les choses seront un peu différentes des habitudes du fait de la sélection…
On nous dit, votre mécano, c’est lui, et puis c’est tout. On ne peut donc pas le choisir. Ce n’est pas évident parce que c’est une relation de confiance qui se fait au fil du temps. Nous coureurs, on a besoin de se sentir rassurés et confiants. Il faut savoir déléguer. Aux États-Unis, j’arrive et je n’ai même plus besoin de dire quelle pression je veux. Mon mécano me connaît, il étudie le terrain et je n’ai plus rien à faire. Je lui fais confiance à 200 % et il ne m’est jamais arrivé de tuile. Pour demain, c’est quelqu’un que je découvre. Je n’ai jamais travaillé avec lui. Chaque mécano a cinq coureurs dont il doit s’occuper. C’est beaucoup de boulot aussi. Dans l’absolu, il faudrait un mécano par personne, mais ce n’est pas possible. Tous mes vélos sont arrivés nickel. J’ai fait mon boulot, car je sais ce que je veux et j’ai l’expérience. Les mécanos n’apprécient pas forcément, car ils peuvent penser que je n’ai pas confiance en eux. J’aime être indépendante. J’ai passé deux années avec Laurence Leboucher qui m’a appris à monter mes vélos. C’était nécessaire, car je viens d’une famille qui n’est pas du tout du milieu du vélo. S’il t’arrive une tuile en course et que tu ne connais pas un minimum la mécanique, que tu n’es pas capable de réagir rapidement, calmement et sereinement, tu peux perdre tes moyens et perdre la course.

Propos recueillis à Wemeldinge le 31 janvier 2014.