« A chaud » on prend souvent des décisions brutales, est-ce qu’il n’y avait pas une autre voie pour continuer et aller jusqu’aux championnats de France ? 

L’arrêt de ma saison n’est pas une décision prématurée et brutale. Je suis usée psychologiquement et physiquement depuis plusieurs années et davantage depuis le mois de novembre. Le début de saison s’est bien déroulé car j’avais l’entrainement estival dans les jambes. Cependant pour préparer un France et un Mondial je dois être à 200% de moi-même, ce qui était impossible. Le haut-niveau est une gestion minutieuse de tous les paramètres, ma façon d’atteindre la performance demande une concentration et une envie quotidienne et sereine. J’ai commencé cet hiver avec le Team Chazal-Canyon en connaissance de mon choix d’ordre privé, j’ai fait la part des choses, séparé le personnel et le professionnel, consciente de la difficulté. Ça n’a pas fonctionné. D’autre part l’arrêt du haut-niveau est un choix que j’aurais pu faire après le mondial à Tabor en février 2015. J’avais d’ailleurs prévu de ne plus courir, j’ai poursuivi pour l’équipe.

Comment ont été les réactions autour de toi entre ceux qui te disent de continuer et ceux qui te soutiennent dans ton choix ?

Suite à mon annonce, personne ne m’a conseillé de continuer…mon entourage et mes connaissances ont compris la difficulté dans laquelle je me trouvais et respectent mon choix. J’ai par ailleurs reçu un grand nombre de messages me souhaitant une belle nouvelle vie ainsi que les félicitations pour mes résultats sportifs et tout ce que j’ai apporté au cyclo-cross féminin !

Au moment de dire stop, à qui souhaites-tu dire merci en priorité ?

Je suis reconnaissante envers mes parents, c’est eux qui me soutiennent sans pression depuis que j’ai 10 ans. Toute petite ils ont forgé mon physique et mon mental, un modèle éducatif que j’ai apprécié : se dépenser, travailler, apprendre, comprendre, analyser. Ensuite nous avons partagé des moments inoubliables sur les TRJV, les coupes de France VTT, ils m’ont emmené partout en France en camping-car. J’ai progressé grâce à leur soutien, leur investissement et au plaisir que je leur transmettais avec un dossard sur le dos. C’est juste énorme ce qu’ils ont fait pour moi ! Prendre le plaisir de me suivre malgré les périodes difficiles que j’ai vécues en tant qu’athlète de haut-niveau. Merci de tout cœur.

Qu’est-ce qu’il faudrait améliorer pour que le cyclo-cross français se développe davantage ?

Le cyclo-cross attire beaucoup de cyclistes, petits et grands, c’est une activité ludique et familiale. Certains(e) la pratiquent tout l’hiver avec passion et d’autres simplement en préparation de leur saison route ou VTT. Il manque bien évidemment des structures pour accueillir les coureurs Elites homme et femme afin de poursuivre leur carrière et d’en vivre. Ce qui va se mettre en place depuis la validation des Team UCI. D’autre part on peut voir le développement du cross aux EU, je ne me fais donc pas de soucis pour la discipline française qui prend un chemin comparable à échelle réduite.

En quoi est-ce que le cyclo-cross féminin a t-il évolué par rapport à tes débuts ?

J’ai vu et vécu l’évolution du cyclo-cross féminin, tant au niveau national qu’international ! En janvier 2000 j’ai 17 ans, je suis championne de Franche-Comté Dame (une seule catégorie) et pourtant je n’aurai pas la chance de participer au 1er championnat de France Dames de cyclo-cross de l’histoire ! Ouvert aux plus de 18 ans ! Aujourd’hui, je vois plus de 50 cadettes au départ d’une coupe de France ! J’en ai des frissons ! Et jusqu’à 70 dames et juniores ! Le cyclo-cross est un sport difficile et ludique, je suis très heureuse de voir ces jeunes filles prendre du plaisir à pédaler dans la boue l’hiver, le même plaisir que j’avais gamine en régional sur mon vélo et ou je pouvais suivre les exploits de Francis Mourey après ma course !

Sur le plan international, le niveau est élevé et surtout plus homogène, on assiste à des courses serrées ou ça joue des coudes, c’est magnifique !! L’ouverture des championnats d’Europe et du Monde à la catégorie junior/espoir dames permet d’avoir un bel objectif avec un maillot à la clé. Une génération qui prend ses marques, techniques et tactiques, une génération qui peut se spécifier dans le cyclo-cross en élevant le niveau les prochaines années.

En vtt comme en vélo en général, tu as vu arriver pas mal de novations techniques, quelle est celle qui t’a le plus marqué et pourquoi ?

En cyclo-cross, waouh !! Les vitesses électriques et les freins à disques, ça vous change un vélo ! Lorsque je termine 2e à Namur, sous la neige, les mains gelées, mes vitesses électriques n’étaient pas un luxe 😉 Venant du VTT, j’ai toujours eu du mal à freiner avec la forme des manettes et le peu de freinage disponible ! Aujourd’hui les disques sont un plaisir retrouvé !

En VTT, les innovations sont plus minutieuses mais c’est vrai que les VTT sont des bombes maintenant !

Le vélo féminin se fait sa place petit à petit, quels conseils donnerais-tu aux jeunes filles qui s’y intéressent et à leurs parents ?

Un conseil pour les filles dans le vélo : « Accrochez-vous ! Ne lâchez rien ! Oui, c’est dur, mais vous êtes fortes ! »

Le sport est une école de la vie. Le cyclisme…un peu macho ! Une fille apprend à se battre, à ne pas abandonner, à se faire mal et à gagner. Tout en restant douce en dehors du sport.

Le Plaisir ! Se faire plaisir ! Et être une battante.

Un conseil pour les papas : « Laissez votre fille faire ses choix et apprendre par elle-même. Apprenez la psychologie féminine d’une part et la psychologie d’une championne d’autre part ! »

Tu as été dans un team en vtt (BH) et en team cyclo-cross, penses-tu que c’est la meilleure formule pour accompagner un athlète sur les circuits nationaux et internationaux ?

L’accompagnement d’une équipe autour d’un athlète est primordial, notamment en cyclo-cross ou le staff est conséquent, avec un mécano qui connait son athlète par cœur afin de prendre les bonnes décisions durant la course. J’aime réfléchir à la mécanique et au gonflage en amont, j’ai toute confiance en mon mécano (merci gab 😉 durant la course pour modifier les paramètres techniques selon l’évolution du terrain.

Pour réussir accompagné d’un Team, une seule chose : avoir sa propre philosophie de la performance en adéquation avec celle du manager. Une fois la confiance, le sérieux et la logistique bien menés, place à la performance.

Le Team BH est un exemple de réussite pour ma part. J’ai vraiment bien accroché et aimé la philosophie du groupe, Pierre Lebreton est un Manager de grande qualité. Côté cyclo-cross, le Team Chazal-Canyon est en cours d’évolution et composé de passionnés qui font du très bon boulot. Son professionnalisme passera par un financement plus conséquent et un Manager qui gèrera uniquement l’équipe.

Ce sont deux disciplines à fort potentiel de pratiquants, qui attirent les jeunes, et pourtant en manque de reconnaissance médiatique en France, pourquoi selon toi et comment y remédier ?

Le VTT est un sport olympique qui lui procure de sérieux avantages, financier et médiatique. Je trouve que cette discipline a évolué et est davantage reconnue. Pour le cyclo-cross c’est plus compliqué, cependant il est de plus en plus médiatisé, les retransmissions audiovisuelles sont en augmentation. C’est un sport avec du spectacle et du suspens doté d’une facilité de prise vidéo car les circuits sont courts donc pas besoin d’un grand nombre de caméras. En Belgique c’est le sport national, la France c’est le foot, le tennis et le tour de France !

Retrouvez la seconde partie de l’interview demain, toujours sur www.velo101.com.