Il avait entamé sa série ici-même, sur les terrils de Liévin. Cinq ans après son premier titre national, Francis Mourey (Française des Jeux) est allé chercher cet après-midi son cinquième maillot tricolore. Une formalité ? Pas exactement. Certes, le champion franc-comtois domine la discipline à l’échelon national depuis des années. Certes, on ne pensait pas sérieusement que quelqu’un pourrait le battre sur le circuit du Val de Souchez. Mais le multiple champion de France n’aura finalement pas joui de sa quiétude habituelle, contraint bien malgré lui à devoir jouer la revanche des France de Pontchâteau, quand Steve Chainel (Bbox Bouygues Telecom) l’avait marqué jusque dans les derniers mètres. Bien malgré lui, dit-on, car il pensait et semblait avoir tué le suspense dès le départ, réalisant un départ foudroyant sur un circuit gelé et roulant.

Le site nordiste s’adresse aux hommes forts. Le parcours en montagnes russes dessiné sur les flancs d’un vieux terril (offrant au passage une visibilité sans égal pour les spectateurs) est plus physique que technique. La force doit primer. Francis Mourey, lui, a choisi l’audace. Sans vraiment d’adversité dans le peloton français, il aborde ce Championnat de France avec une grande confiance, la tête peut-être déjà aux Mondiaux. Il réalise alors un départ foudroyant avec la volonté de se mettre dans le rouge dans les deux premiers tours, sachant pertinemment que s’il est à bloc, personne ne pourra survivre dans sa roue. C’est d’ailleurs exactement ce qui se produit. Dès la première butte, à l’entrée du circuit enneigé, Francis Mourey prend son envol. Il se dépouille pour creuser un écart proche de la demi-minute après deux des onze tours.

Derrière, Steve Chainel tente bien de l’accompagner. Malheureusement, le Lorrain a cassé sa chaîne à l’entraînement vendredi et sa nouvelle chaîne craque sur les pignons. De peur de briser à nouveau son matériel, il opte pour son vélo de rechange dès son deuxième passage devant le poste matériel, se pensant alors condamné. Francis Mourey a donc fait le trou et il décide de gérer son avance plutôt que de prendre des risques. La perfection, pense-t-on. Ses trajectoires sont propres, sa force incontestable, sa confiance inébranlable. Mais même les meilleurs peuvent être soumis à une once de malchance. Et à mi-course, Mourey découvre ce qui va constituer le tournant de l’épreuve : son pneu avant est à plat ! Habilement, le coureur manœuvre dans les descentes techniques, mais il perd du terrain dans sa course vers le poste matériel et est rattrapé…

Contre toute attente, Francis Mourey se voit donc dans l’obligation de composer avec un adversaire. Ce garçon-là, c’est justement Steve Chainel ! A mi-parcours, un nouveau Championnat de France commence. Mourey les mains en haut du guidon et le visage fermé, Chainel la tête dodelinant enfoncée dans les épaules. L’allure diffère entre les deux hommes de tête mais l’efficacité reste la même. Et rien ne permet de les départager dans la seconde partie de la course. Les quelques accélérations portées par Francis Mourey ne permettent plus au multiple champion de France de se dégager de son embarrassant adversaire, qui sent la revanche de l’édition passée poindre le bout de son nez. Pourtant, il ne se fait guère d’illusions quant à ses chances de battre le champion au sprint, persuadé de sa supériorité physique par le développement qu’il emmène.

En changeant de vélo à mi-course, Francis Mourey est en effet passé sur un plateau de 50 dents (Chainel emmène un 46 dents), ce qu’il est le seul en mesure de faire dans les circuits de cyclo-cross. Or sur ce circuit roulant, c’est la route qui aura le dernier mot, comme à Pontchâteau l’année passée. En lançant le sprint doté d’un tel développement, Francis Mourey se sait invincible. Steve Chainel ne peut que constater une fois de plus la suprématie de son aîné, qui met un point d’honneur à conserver son titre de champion de France de cyclo-cross. Le podium est complété par Nicolas Bazin (CC Villeneuve-Saint-Germain Soissons Aisne), auteur d’une très belle course à la poursuite des deux duellistes de ce France captivant jusqu’au bout. Rendez-vous à Lanarvily l’an prochain pour un troisième épisode de ce duel. On en a déjà l’eau à la bouche.

Classement :

1. Francis Mourey (Française des Jeux) en 1h00’40 »
2. Steve Chainel (Bbox Bouygues Telecom) m.t.
3. Nicolas Bazin (CC Villeneuve-Saint-Germain Soissons Aisne) à 22 sec.
4. David Derepas (UVCA Troyes) à 34 sec.
5. Arnaud Labbe (GSC Blagnac) à 38 sec.
6. Arnold Jeannesson (Caisse d’Epargne) à 50 sec.
7. Jean-Eudes Demaret (Cofidis) à 1’00 »
8. Laurent Colombatto (AC Bisontin) m.t.
9. Guillaume Perrot (EC Saint-Etienne Loire) m.t.
10. Julien Roussel (VC Rouen 76) à 1’12 »