Décidément, l’air des Pyrénées réussit aux Français. Qui aurait osé imaginer, en début de Tour, que les Français auraient régenté la traversée des Pyrénées comme ils le font depuis trois jours ?  Après Christophe Riblon (AG2R La Mondiale) et Thomas Voeckler (Bbox Bouygues Telecom), Pierrick Fédrigo (Bbox Bouygues Telecom) a remporté, à Pau, la troisième victoire française en trois jours, devant un autre Français, Sandy Casar. Une fois encore, le Marmandais s’est senti inspiré sur ces cols qui l’avaient déjà intronisé l’an passé, quand il avait damé le pion à Franco Pellizotti (Liquigas-Doimo). Cette fois-ci, le coureur de la Bbox Bouygues Telecom a enterré les espoirs de rédemption de Lance Armstrong. L’Américain rêvait d’être couronné roi des Pyrénées à défaut d’être le roi du Tour cette année. A l’origine du coup gagnant, l’Américain n’a rien pu faire face à la vélocité de Fédrigo, un ton au-dessus aujourd’hui.  Les deux hommes avaient cette volonté en commun de se racheter d’un Tour décevant. En revanche pour la bataille au Maillot Jaune, on repassera. Au lieu de s’entredéchirer sur les pentes âpres du Tourmalet, Contador et Schleck ont conversé comme des vieux amis, cachés dans la masse d’anonymes bien contents de suivre le rythme d’un peloton exempté par les soubresauts dans la deuxième partie d’étape.

Plus de peur que de mal pour les coureurs faibles aujourd’hui. Pourtant la bagarre avait été lancée de bonne heure et avait fait quelques dégâts. Dès les premiers remparts du Peyresourde, les RadioSchack Chris Horner et Lance Armstrong passent à l’offensive. Ils sont suivis dans leur démarche par douze coureurs de qualités : le Maillot à Pois Anthony Charteau (Bbox Bouygues Telecom), Alexandre Vinokourov (Astana), Bradley Wiggins (Team Sky), Carlos Sastre (Cervélo), Sylvester Smyzd et Roman Kreuziger (Liquigas-Doimo), Eros Capecchi (Footon-Servetto), Mattew Lloyd (Omega Pharma-Lotto), Gorka Verdugo (Euskaltel), Ryder Hesjedal (Garmin-Transitions), Rui Costa (Caisse d’Epargne) et le Français Sandy Casar (FDJ). Laisser de l’avance à ce type de coureurs procède du suicide pour les leaders du général. Alors les Rabobank et les Omega Pharma-Lotto se transforment en alliés de circonstance des Astana. Dans le col d’Aspin, le travail de sape de Mario Aerts (Omega Pharma-Lotto) fait son œuvre. Samuel Sanchez (Euskaltel), Robert Gesink (Rabobank), Luis-Leon Sanchez (Caisse d’Epargne) et Joaquin Rodriguez (Katusha) sont relégués dans un deuxième groupe naviguant à 20 secondes du groupe Maillot Jaune. Les Espagnols qui craquent, et un autre qui rit. A l’avant, Carlos Sastre (Cervélo) mène la danse dans le groupe de tête qui tient la dragée haute à Alberto Contador.

Mais, dans la descente, les naufragés de l’Aspin bouchent leur déficit et le groupe de tête est revu. Fin de partie pour les insurgés. Seuls deux hommes refusent l’annexion au groupe Maillot Jaune : Sandy Casar (FDJ) et Lance Armstrong (RadioShack). Le Texan se lance bille en tête dans l’ascension du Tourmalet en déposant le Français dont il ne juge pas l’aide bien venue. Il reste alors 140 kilomètres à parcourir. L’orgueil ne suffira pas. Il voit revenir sur ses basques des coureurs avides de chasser le Maillot à Pois. Dans cette perspective, Christophe Moreau (Caisse d’Epargne) qui a bien compris que le Tourmalet et l’Aubisque peuvent rapporter gros, s’extirpe du peloton. Il est accompagné par Damiano Cunego (Lampre-Farnese Vini) et Pierrick Fédrigo (Bbox Bouygues Telecom). C’est l’heure du rachat pour ces coureurs qui sont pour la plupart passés à côté de leur Tour. Les trois hommes rattrapent Armstrong sous les paravalanches du Tourmalet. D’autres concurrents pour la victoire d’étape se joignent à eux. Dans l’ordre, Carlos Barredo et Jurgen Van de Walle (Quick Step), Sandy Casar (FDJ), Ruben Plaza (Caisse d’Epargne), Chris Horner (RadioShack), le lieutenant de Lance Armstrong, Ignatas Konovalovas (Cervélo). Le Tourmalet se résume à une bataille pour les petits pois. Dans un peloton qui s’est relevé, Schleck et Contador ont signé un pacte de non-agression. Pas de course au Maillot Jaune aujourd’hui. Finalement, la seule victime du Tourmalet, s’appelle Ivan Basso (Liquigas-Doimo). Lâché très rapidement, le vainqueur du Tour d’Italie souffre depuis dimanche d’une bronchite. Aujourd’hui, il a fini à 34 minutes du vainqueur.

Grâce à cette neutralisation, les huit hommes de tête prennent du champ. Dans l’Aubisque, l’écart dépasse allègrement les huit minutes. Voulant peut-être trop bien faire, Armstrong montre des signes de nervosité. Il produit une première sélection sur un démarrage, mais en subit aussitôt l’effet boomerang. Sous les coups de boutoir répétés de l’intenable Carlos Barredo, Armstrong montre ses limites. Fédrigo est le plus prompt à réagir alors que l’Américain plafonne. S’il plie, l’Américain ne rompt pas encore. Mais ces signes de lassitude ne trompent personne. L’Américain ne fait plus la différence dans les cols tandis que Barredo et Fédrigo se montrent les plus fringants. A la faveur de la petite descente qui relie le sommet du Soulor au pied de l’Aubisque – escaladé par le versant du Soulor – Moreau, Horner  et Van de Walle, lâchés par les changements de rythme de Barredo, recollent. Moreau s’en va même empocher les 40 points du grimpeur de l’Aubisque. Dans la vallée qui sépare la montagne de la ville-arrivée, Barredo fausse compagnie à ses compagnons d’échappée pour la conquête du gain de l’étape. On se demande encore ce qui a pu bien lui passer par la tête pour partir dans une telle galère, à 40 kilomètres du but, avec sept coureurs à ses trousses. Mais l’Espagnol a des ressources. Il tient tête au groupe Armstrong et possède encore une trentaine de secondes d’avance dans les faubourgs de Pau. Il n’est cueilli qu’à moins de deux kilomètres de l’arrivée. Et comme l’an dernier à Tarbes, Fédrigo surgit dans la ligne droite finale après avoir escaladé le Tourmalet et l’Aspin. Plus frais, il remporte au nez et à la barbe des autres échappés son troisième succès sur le Tour de France. Casar échoue à la seconde place. Une fois de plus, le contraste est saisissant entre le manque de réussite d’Armstrong et ces Français à qui tout sourit. Des Français qui gagnent, un suspense haletant à cinq jours de l’arrivée sur les Champs-Elysées, ce Tour 2010 est bien l’antithèse du règne de l’Américain.